les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 27 octobre 2014

l'apanage de tous



Lapanage de tous.
Dans ces temps difficiles pour le plus grand nombre où la courbe du chômage ne cesse de monter, où la précarité explose, où l'inquiétude est générale, où croire en l'avenir est devenu un luxe réservé à un petit nombre, il est un domaine qui se porte bien, merci ! Les zéros s'y alignent à n'en plus finir, le  champagne y coule à flots, et les petits fours y font les délices des parvenus qui ont intégré le cercle très étroit des initiés. C'est celui de l'art contemporain, comme si l'art ne participait pas de notre monde, comme s'il n'existait que pour pousser à leur paroxysme la séparation infranchissable entre les privilégiés et tous les autres.
Une réussite anachronique.
Lactualité la plus récente ne cesse d’évoquer sa réussite dans ce monde où plus rien ne réussit : priorité aux grands ancêtres, le musée Picasso rouvre ses portes après de très sérieuses améliorations. De grandes expositions occupent les cimaises de grands musées de Paris, entre autres,  Marcel Duchamp à Beaubourg,  Niki de Saint-Phalle, et d'autres, qui drainent des foules. Une soif de culture cherche à s’étancher malgré la crise. Les patrons si chiches par ailleurs, surtout ceux qui font dans le luxe et le très haut de gamme nhésitent pas à investir dans lart contemporain : un nouveau lieu d'exposition ouvre en plein bois de Boulogne, construit par une des grandes fortunes de l'hexagone et au-delà, Bernard Arnaud, œuvre de Frank Gehry. Merci patron !
Lodeur du scandale.
Enfin grand rendez-vous de tous les aficionados en la matière, la foire internationale d'art contemporain ( la FIAC) se tient au Grand Palais et provoque le scandale en demandant à l'artiste américain  Paul McCarthy d'ériger sur la place Vendôme (lieu symbolique du pognon à profusion) une sculpture gonflable titrée «tree», un objet qui tient plus du sex-toy que de l'arbre de noël au grand dam des âmes effarouchées des réactionnaires en tous genres qui crient au scandale. Les partisans de la manif pour tous sont allergiques à lart contemporain comme à la zigounette désacralisée.
Paradoxe, contradiction, incompréhension, provocation gratuite (?), anachronisme, permanente tromperie de l'art et des artistes, pouvoir corrupteur de l'argent, étouffement consécutif à la toute-puissance de la communication de masse, perte de sens généralisée de toute dimension esthétique dans un monde en bouleversement.
Tout fout le camp ! Pourquoi pas l'art ?

Et pourtant
Ne pourrait-on pas parler aussi d'explosion des formes et des sens, douverture tous azimuts sur toutes les réalités, de recherche toujours possible de son universalité ? De rencontre désirée, mais difficile,  entre le peuple et la création ?
Le problème est complexe. Il y est question dargent. Il coule abondamment dans ce monde-là alors qu'il fait cruellement défaut ailleurs, et semble occuper tout lespace jusqu’à en oublier les dimensions formelles, sociales et philosophiques de lart daujourdhui.
Dépasser le clivage.
Les formes d'abord : il y eut des temps où elles étaient a priori prédéfinies et identifiables, il fallait s'insérer dans des parcours, sinon connus de tous, au moins facilement repérables, cet alphabet a aujourd'hui (presque) totalement disparu pour ouvrir les portes à tous les possibles et même parfois les impossibles, avec, à l'arrivée, l'œuvre d'art qui ressemblera à tout, sauf à une œuvre d'art. Doù le sentiment de notre exclusion face à ce qui n'est pas, plus, ou pas encore, de notre univers et que nous ne parvenons pas à intégrer à ce que nous connaissons déjà. D'où les deux mondes, celui des connaisseurs et celui des béotiens. Un clivage social ?
Les réalités sont souvent plus complexes : la bourgeoisie n'est pas obligatoirement plus ouverte à la nouveauté, à sa liberté, à son invention. De nombreux esprits éclairés savent que la répétition engendre la sclérose. Les grandes initiatives, même les plus novatrices, sont souvent de grands succès populaires, en dépit de formations artistiques bien insuffisantes. L'art et le peuple sont réconciliables si l'on veut s'en donner les moyens, il y a là des potentialités de progrès sociaux. Je crois fondamentalement que le plaisir esthétique est une richesse, à largement partager. Il touche à l'intime et il est constitutif de la construction de la personnalité, comme de l'enrichissement des sentiments collectifs, même s'il préserve toujours une part de mystère, et c'est tant mieux.
Il y a dans la démarche esthétique, aujourdhui, comme hier dailleurs, de linnommable et de lindicible, qui renvoie à notre quête dun humain créateur et créatif toujours plus riche : il est essentiel que ce soit lapanage de tous. Le message de Picasso et de tous les autres naura pas alors été vain. Revisitons-les sans retenue, ni préjugés !

Jean-Marie Philibert.

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