les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 25 mai 2015

Feu, le Centre del Mon !



Feu, le Centre del Mon !
C’était un lieu promis au plus brillant avenir, ses promoteurs, ses inventeurs, ses financiers y voyaient des occasions inespérées de faire des sous (une rentabilité à 12 % lit-on dans la presse régionale). L’équipe municipale, Jean-Paul Alduy, en tête, était persuadée d’avoir là le projet qui sortirait la ville de la situation moyenâgeuse dans laquelle  des décennies de gestion clientéliste l’avaient enlisée. Grâce au TGV, et à sa nouvelle gare, Barcelone allait devenir la banlieue de PERPIGNAN et les Barcelonais allaient se répandre en grappes joyeuses et animées tout au long de l’avenue Général de Gaulle pour  faire  du centre-ville un lieu d’effervescence culturelle, commerciale et festive. Comme les ramblas de Barcelone. Le rêve !
Une œuvre architecturale et urbanistique
Il est vrai que la visite de Salvador Dali, il y a plus de trente ans, pour faire de la gare de PERPIGNAN le centre du monde avait été un signe prémonitoire que là où la paranoïa critique du grand maître du surréalisme passait les dollars ne pouvaient que pousser. Et tout le monde ou presque d’y croire et d’investir dans un quartier qui, pour être populaire et sympathique, n’en restait pas moins un peu à l’écart du cœur de la ville.  Pour attirer le chaland, le séculaire et sinistre tunnel qui passait sous la gare fut transformé en pimpante galerie commerciale. L’agglo a construit  un gratte-ciel presque digne de Manhattan en face de la nouvelle gare pour abriter ses services et du haut de ses étages Jean-Paul Alduy, grand prêtre de l’agglo, pouvait admirer la puissance de son oeuvre architecturale et urbanistique. Saint A n’était plus Saint-A, le miracle allait opérer. La grandeur perpignanaise avait là un écrin où elle pourrait exprimer tous les potentiels dont elle est porteuse. Foi de Jean-Paul !
Quitter un navire qui coule
Les grincheux qui émettaient quelques doutes étaient envoyés dans les cordes : les retards de la mise en œuvre de la ligne TGV, les lenteurs   récurrentes des décisions, l’importance des investissements sur des projets fantasmatiques, les administrations qui devaient presque toutes se concentrer autour de la gare, mais qui ne bougeaient pas, les difficultés de circulation, de stationnement, billevesées !
Mais malheureusement le principe de réalité s’est imposé : tout, progressivement, mais sûrement, s’est mis à foirer. Les commerçants ont vite compris qu’on les avait pris pour des imbéciles et que la meilleure des choses etait de quitter un navire qui coule. Et c’est ce qu’ils font, les commerces ont quasiment disparu, les clients aussi.
Les voyageurs ne font que passer le plus rapidement possible. Les deux gares sont plus tristes, l’une que l’autre, elles font plus penser à Kafka qu’à Dali.  Le propriétaire des lieux, une entreprise espagnole, dans un éclaire de lucidité, a enfin compris qu’elle s’était fait avoir. Les financiers aussi font des bêtises. Il veut vendre… et cherche un acheteur. Bon courage au couillounet qui va se laisser prendre à l’hameçon.
Le maire actuel de PERPIGNAN, Jean-Marc Pujol, qui était pourtant dans l’équipe qui a tout décidé, voudrait faire porter le chapeau à Metrovacesa, l’entreprise espagnole qui aurait été trop gourmande ; peut-être même qu’il va profiter de l’occasion pour dire du mal de son prédécesseur. Mais il ne veut pas mouiller la ville, ni l’agglo ; lui, le roi de la pression fiscale, abonné aux projets somptuaires,  a enfin compris que son escarcelle est vide. Il n’a plus qu’une solution : « Courage, fuyons ! »
Jean-Marie PHILIBERT.

dimanche 17 mai 2015

les cortex ont parlé



Les cortex de Fidel et de François ont parlé.
Dans les rencontres entre les grands ( enfin ceux qui se croient tels) de ce monde, il y a l’image, le face à face, un peu de trois quarts souvent, la poignée de mains,  l’air plus ou moins content de se rencontrer et les sourires ou les gueules allongées qui vont avec,  le regard fixé sur l’objectif pour bien marquer que l’on est conscient de la gravité du moment et qu’il faut témoigner pour l’histoire. Et puis il y a ce que l’on se dit officiellement, souvent avec l’aide de traducteurs qui légèrement en retrait se doivent de ne rien perdre, de ne rien trahir de ce qui s’exprime, y compris toutes les nuances diplomatiques de rigueur. Il peut y avoir aussi ce que l’on ne se dit pas directement, mais que l’on sous-entend au détour d’une phrase. Il y aura ensuite officiellement ce que l’on a dit que l’on s’est dit, avec parfois quelques nuances et quelques coups de piques. Il y aura même des commentaires sur l’ambiance chaleureuse, guindée, glaciale (au choix) de la rencontre, sur les promesses ou l’absence de promesses dont elle est porteuse.
Mais il n’y a jamais ce que les protagonistes ont pu penser, ressentir face à leur interlocuteur, les jugements intérieurs qu’ils ont pu émettre, les émotions qu’ils ont pu ressentir. Leurs monologues intérieurs resteront les faces cachées de ces rencontres historiques que seules des livres de mémoires sincères lèveront bien des années plus tard.
Nous tairons nos sources.
Eh bien dans le cadre de la rencontre entre Fidel Castro et François Hollande qui a eu lieu la semaine dernière à la Havane, le TC qui ne recule devant rien, par un procédé que nous ne dévoilerons pas (nous avons, nous aussi, le droit de protéger nos sources) a eu accès aux pensées intimes des deux protagonistes. Une plongée en direct live dans les cortex de Fidel et de François.
Commençons par le cortex de François «François tu te rends compte, devant toi, Fidel, le lider maximo, celui qui a chassé l’impérialisme de sa petite île, le copain du Che, celui qui a donné des migraines aux amerlocs, celui qui a incarné les espoirs d’un peuple et même au-delà… Moi qui n’incarne que les désespoirs du mien ! Courage, François, montre-toi à la hauteur ! C’est dur ! Il a connu la clandestinité, les combats armés, les pétarades des mitraillettes, l’insurrection populaire, la liesse du peuple qui se libère d’un dictateur. Il a su parler à ce peuple jusqu’à incarner  le visage de la revolucion… Tiens ! Tiens ! Il ne me dit rien du mal que j’ai pu dire de lui il y a quelques années. Il ne se moque pas des mots « gauche » et « socialiste » que chez nous nous utilisons à tort et à travers.
Le maximo … et le minimo
Il ne me donne aucune leçon sur ce que je devrais faire en France, par contre il semble très bien connaître les souffrances et les sacrifices de son peuple et, avec son frère-président, il veut s’y attaquer en sortant du conflit permanent avec Washington … Il est plus très jeune, il est marqué par les épreuves de la vie, mais quelle vitalité ! Il me faudrait lui demander s’il a un traitement médical spécifique, je pourrais le prendre, moi qui suis bien plus jeune, mais mou… mais mou… Il n’y a que les virées le soir en scooter qui me requinquent un peu… Moi le lider minimo !»
Fidel est volubile. Son cortex vibre sec ! Il peut parler et penser à la fois, il aime rire sous cape : « Caramba ! Il s’appelle Hollande et il représente la France, no comprendo ! ha ! ha ! pas étonnant qu’il ne la connaisse pas bien !  C’est une erreur de casting : il ne semble pas tout à fait au niveau. En France, ils ont souvent de bonnes idées, mais ils n’ont pas toujours les politiques qui vont avec. Ils parlent beaucoup de revolucion, palabras… solo palabras !
Un petit côté hijo de…
Lui, le François  n’en parle même pas. Il chauffe la place ! Il a l‘air gentil, mais il a un petit côté « hijo de… » Il vient de faire ami-ami avec le roi-facho, mais plein de tunes,  de l’Arabie Saoudite, deux jours après il fait ami-ami avec moi. On dirait qu’il a la conscience dans les chaussettes et qu’il a appris la politique par correspondance. Il confond même le PC et le FN : je me demande s’il a vraiment compris que tous les gouvernements ne sont pas faits pareil, qu’il y a des progressistes, des qui veulent changer le monde, la société, des qui veulent la justice, l’égalité et des gouvernements qui s’en tamponnent le coquillard de ces choses-là. Lui on dirait qu’il est du côté des tamponneurs de coquillard… mais qu’il n’ose pas le dire… Un grand timide sans doute… Caramba, ils sont pas sortis de la mierda, les Français… »
Jean-Marie Philibert

lundi 11 mai 2015

dissipons



Dissipons le brouillard
Les débats qui entourent la commémoration de la victoire du 8 mai 1945 ne sont pas clos : c’est le moins que l’on puisse dire. Et chaque commémoration amène son lot de polémiques multiples et avariées sur le rôle des différents acteurs, sur leurs mérites respectifs,  sur le rôle de l’armée rouge, sur celui des Américains, des Britanniques, des Français, de De Gaulle, de la Résistance, sur les lâchetés, les turpitudes, les trahisons qui n’ont pas manqué pendant les années de guerre. J’ai comme le sentiment que personne n’a envie ( ?), ni intérêt (?) à sortir ces années du brouillard qui semble s’opacifier avec le temps. Au point que l’on pourrait avoir le sentiment que le peuple français a perdu la mémoire.
A Beziers le brouillard n’est pas dissipé
Car comment comprendre les suffrages apportés par des millions d’électeurs au Front National (même dédiabolisé), au racisme dont il se nourrit, au pétainisme dont il est une résurgence, au fascisme dont il aimerait oser reprendre le flambeau, mais il n’ose pas tout à fait, à l’obscurantisme intégral dont il est le pourvoyeur, sans une très grave atteinte à l’intégrité de notre mémoire. Nous avons connu l’horreur, nous l’avons oubliée, nous en redemandons.
Ce ne sont pas les cavalcades organisées, à Canet ou à Saint-Cyprien, à grands renforts de véhicules américains, le 8 mai, qui vont permettre des progrès fulgurants de notre mémoire : peut-être accréditeront-elles l’idée que le salut n’est venu que de l’ouest et que nous devons tout et le reste à l’oncle Sam.
Gommons les aspérités de l’histoire.
Ce ne sont pas les projets de réforme des programmes des collèges à laquelle travaille la ministre Vallaud-Belkacem qui vont renforcer l’enseignement de l’histoire : toujours plus de flou artistique, d’interdisciplinarité bouche-trou, d’horaires réduits. Alors que les collégiens, les lycéens portent un intérêt constant à cette période et ne rechignent jamais à faire les efforts nécessaires pour en comprendre la complexité et les enjeux. Mais il faut gommer les aspérités de l’histoire, surtout si elles avaient « le malheur » de donner aux jeunes une certaine idée de la nation, de son indépendance, de la liberté à préserver pour bâtir une vraie démocratie au service des peuples (pas l’usine à gaz de la construction européenne).
Ce ne sont pas les media qui feront progresser les consciences, même si quelques bonnes émissions nous rappellent à propos la réalité de ces temps difficiles, mais le plus souvent le pittoresque et l’émotion prennent le pas sur la compréhension. La nature du nazisme, du fascisme, le principe d’une supériorité absolue d’une minorité d’hommes sur des bases raciales et de l’incontournable asservissement de tous les autres, le refus de toute humanité partagée, le pouvoir barbare et sauvage qui s’arroge tous les droits et enfin la collusion avec le pouvoir de l’argent, avec le patronat et la grande bourgeoisie qui, avec un tel allié, peuvent se permettre ce dont ils ne cessent de rêver : l’exploitation sans vergogne de toutes les forces de travail.
Que d’atermoiements !
C’est encore plus vrai quand on tente d’examiner les luttes qui ont permis l’issue victorieuse du 8 mai 45 : ne parlons pas de la promptitude (momolle) des grands pays à venir au secours des Français et des Anglais, évoquons pour mémoire les rivalités pour imposer un leadership aux pays libres, taisons les prétentions à prendre la main  sur des empires coloniaux encore conséquents. Mais observons attentivement les atermoiements à organiser le combat des peuples, les petites (et les grandes) complaisances avec l’occupant, l’excuse d’une collaboration largement répandue, les entraves mises sur le chemin de l’unité des forces de résistances, les réticences à fournir des armes à ceux qui voulaient combattre à l’intérieur, l’utilisation forcenée de l’anticommunisme, et on aura vite compris qu’il a fallu faire des miracles pour aboutir.
Ces miracles ont des noms 
Ils s’appellent unité populaire, rassemblement de tous ceux qui ont la liberté et la démocratie chevillées au corps. Ils s’appellent aussi lutte des classes : le creuset où s’est enracinée la résistance est à l’image des mineurs du Pas de Calais qui dès 1941 se mettaient en grève contre l’occupant. Ils s’appellent construction d’un avenir et des conditions d’une vraie libération : elles se déclinent dans le programme du Conseil National de la Résistance. Et elles ne cessent de porter des fruits à travers la construction d’un état social que, des décennies plus tard, les réactionnaires de tous poils rêvent d’abattre.
La leçon du 8 Mai est sans cesse à réapprendre : d’où le brouillard savamment entretenu.
Jean-Marie Philibert