Les
Montaigu de Toulouse seront-ils plus forts que les Capulet de
Montpellier ?
La réforme
territoriale est à l’image de l’ensemble de la politique gouvernementale :
à part sur les rapports avec la finance et le patronat où tout est au beau fixe
et où le roman d’amour ne semble pas près de se terminer, pour tout le reste,
c’est l’embrouille, les faux semblants, les promesses qui n’engagent que ceux
qui veulent y croire, la poudre aux yeux, les changements qui ne changent rien,
mais en proclamant haut et fort que l’on est sur le bon chemin. Ainsi donc de
la réforme territoriale ! On vient d’élire des conseils départementaux
dont on attend encore que les compétences soient clairement définies. On va
élire des conseils régionaux dont on a redécoupé certaines des frontières, pas
toutes, et pas toujours avec la même cohérence, on cherche des capitales pour
certaines d’entre elles, on leur cherche même un nom. Ici on tient compte de la
géographie, là on tient compte de l’histoire, ailleurs de rien du tout. On
cache sous de grandes argumentations, des enjeux étroitement politiciens
(comment s’éviter une nouvelle déculottée ?). On divise pour mieux (ou
moins mal) régner.
Une
nouvelle féodalité
On tente de réinventer une féodalité et sa kyrielle de barons
locaux. On prétexte une réforme de l’état, en fait c’est la démocratie qui
trinque en éloignant les centres de décision.
En ce qui nous concerne, une nouvelle guerre provinciale est
en préparation pour décrocher la timbale entre les Montaigu de Toulouse et les
Capulet de Montpellier : elle s’inscrira dans la lignée des conflits qui
ont ensanglanté nos provinces pendant des siècles. Et se fera sur notre
dos !
L’objet du litige : quelle sera la capitale du nouveau
comté du Sud qui va s’étendre des pieds des Pyrénées aux portes de la Camargue
en passant tout près des monts d’Auvergne ? C’est un territoire immense,
divers, riche de son soleil et de ses terres prolifiques, recherché pour la douceur
de son climat et son art de vivre. Questions subsidiaires, mais
d’importance : quel sera son nom ? Et de quel titre nobiliaire
profitera le leader maximus du coin ? Grand manitou du sud ? Prince de la
Garonne ? Petit roi du Languedoc ?
Montpellier,
la capitale de quelque chose, ou de rien du tout
A l’évocation de ces questions, le fantôme de Georges Frêche
(lui qui s’était rêvé en Imperator de la Septimanie) agite fébrilement ses
chaînes et n’arrête pas de pester contre ses camarades socialistes qui détruisent
d’un trait de plume ce qu’il considérait comme l’œuvre de sa vie : avoir
fait de Montpellier la capitale de quelque chose. Patatrac ! Tout
s’effondre et ses petits copains socialistes ont vendu leur âme pour un plat de
lentilles.
Le gouvernement, toujours courageux, dit ne pas avoir arrêté
son choix, mais il demande au Préfet de Midi-Pyrénées, à la directrice de l’ARS
de Midi-Pyrénées… et à la Rectrice de Toulouse de préparer la fusion entre
Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Tout pour Toulouse ! Pour
Montpellier… du baume sur des plaies ouvertes et des Services publics réduits à
la portion congrue, malgré les rodomontades du Maire de
Montpellier : « Je ne
laisserai pas la grande région et Solferino tenir en laisse la métropole de
Montpellier. »
Le Roussillon
à la trappe
Quant à notre département, le Roussillon du
Languedoc-Roussillon, c’est silence radio, c’est sans doute l’inexistence
programmée. Nous étions au bout du bout du sud, nous y resterons un peu plus,
dans l’anonymat, dans les records de chômage, de précarité, de pauvreté pour le
plus grand nombre. Le conflit des Montaigu et des Capulet nous passe au-dessus
de la tête et l’aménagement de notre département sera le cadet de leurs soucis.
Il dépendra de notre capacité à nous battre pour défendre
notre économie, nos services publics, notre culture… Ce ne fut jamais simple
avec Montpellier, cela le sera sans doute encore moins avec Toulouse. Mais
l’histoire a montré notre faculté à faire face pour préserver une identité qui
nous constitue et une terre qui nous nourrit.
Jean-Marie Philibert.
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