les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 29 mars 2016

guerre ou pas




La guerre ou pas

La guerre ou pas la guerre… Le premier ministre le martèle : nous sommes en guerre.

Qui ? Nous ? Qui nous ? La France ? L’Europe ? L’Otan ? Le monde occidental ? La civilisation judéo-chrétienne ? Les démocraties ? L’ONU ? Les pays riches ? Les blancs ? Les gentils ?

Et contre qui ? Des méchants bien sûr, mais lesquels, il y en a tant et tant ? Des qui ne sont pas comme nous, bien sûr, mais lesquels ? L’ennemi est insaisissable et pourtant, information prise, parfois il vient de chez nous, après un passage par un ailleurs. Il tient des discours dont la cohérence nous échappe et se prétend l’envoyé d’un dieu qu’il a tellement envie de rejoindre qu’il n’hésite pas à se faire allègrement sauter le caisson, un caisson si plein de produits détonants qu’il répand autour de lui, de façon aveugle et totalement barbare la mort violente sur des innocents qui n ‘en peuvent mais. De simples gens qui boivent au café, qui écoutent de la musique, qui prennent le métro, l’avion, qui passent, qui vivent. Nous ! Folie ordinaire de ce début de millénaire…

La panade

Guerre ou pas ? Ce qui peut nous troubler, c’est qu’elle ne ressemble en rien aux guerres habituelles, connues, identifiées, répertoriées, que le front est partout et nulle part, qu’il n’y aura ni vainqueur, ni vaincu, mais des morts, des blessés, des meurtris qui ne comprendront pas pourquoi ils l’ont été. Des femmes, des hommes, des jeunes, des vieux, des instruits et des moins instruits qui ne comprendront sans doute jamais pourquoi un tel ciel leur tombe sur la tête à eux qui avaient commencé à prendre leurs distances avec tous les ciels du monde. Faut-il rester ainsi dans la panade et accepter les raccourcis saisissants : c’est la guerre ?

Tentons

Je n’ai aucune envie d’ajouter aux désespoirs qu’ont pu être les assassinats de Paris, ceux de Bruxelles, la désespérance d’une raison qui renoncerait  à tenter (je dis bien tenter) de comprendre un peu (je dis bien un peu) de ce qui nous arrive.

Les désordres du monde n’y sont sans doute pas étrangers, et ils sont légion, désordres économiques, sociaux, financiers, idéologiques : le Proche Orient en a une réserve impressionnante inextricable et les incursions que les occidentaux, avec toutes sortes de casquettes,  ont faites dans le secteur a rendu la situation encore plus opaque et explosive. Il n’empêche que l’argent y est toujours aussi inéquitablement réparti, l’arbitraire triomphant, l’oppression insupportable, et la souffrance sociale, politique de plus en plus prégnante. Elle peut engendrer tous les comportements vengeurs. Les exploités le sont autant qu’ailleurs, avec la terreur en prime et l’absolu impératif de se soumettre aux artifices (dans tous les sens du mot) d’un surnaturel plombé. La démocratie y reste totalement inconnue .La poudrière a été bien conçue et  depuis quelques temps elle tente d’expatrier sa guerre « sainte ».

Satan

A la recherche d’un satan, blanc, riche, prétentieux et méprisant dont le châtiment sera la voie du salut pour ces allumés d’un autre âge. A Paris, à Bruxelles nous sommes ces satans-là, c’est pour cela qu’il tire dans le tas. Sans distinction entre les puissants et les autres. Sans même s’apercevoir qu’ils tuent des gens qui sont comme eux. Avec le secret espoir de nous enfoncer un peu plus encore dans des difficultés sociales où le social-libéralisme nous enlise et de creuser la division dans un monde occidental entre des hommes et des femmes qui n’ont d’autre salut que de refonder la citoyenneté : ils ont beaucoup de mal à le faire, souvent, sans travail, en précarité, pauvres, sans perspectives. Les événements que nous vivons ne sont pas à isoler des conditions sociales qui sont les nôtres : le vivier de nos découragements est là aussi. Et vouloir en rajouter, comme le fait Valls, avec la destruction du code du travail, est criminel. Il a besoin de subterfuge.

Avec le leitmotiv « guerre… guerre…guerre », le gouvernement me donne le sentiment qu’il cherche plus à nous enfumer, qu’à nous éclairer, qu’il cherche à reconstruire une crédibilité perdue, qu’il a complètement oublié qu’il n’y a pas de sécurité sans démocratie, qu’il n’y a pas de démocratie sans justice sociale. Il est beaucoup plus facile de s’enferrer dans l’urgence, dans la peur. La peur devrait nous rendre dociles.

Ce n’est pas dit que ça marche…

Le plus souvent les réactions populaires sont faites de beaucoup plus de lucidité et de solidarité.

Jean-Marie Philibert.

lundi 21 mars 2016

le creuset


Dans le creuset



Les anniversaires sont des occasions intéressantes de retour sur soi, d’auto-évaluation du travail accompli et de réflexion lucide sur la voie choisie. Pour un journal, c’est l’occasion de réexaminer ce qu’il a fait de la matière première que la réalité lui a fournie pour en produire de l’information utile. Les choix opérés, la place accordée, les références  mises en avant, la mise en relation des faits renvoient aussi aux choix idéologiques, politiques d’une rédaction.

Et la presse d’opinion

Et ultime vecteur,  mais certainement pas le moindre,  le poids sur tout cela de celui qui a le pouvoir, c’est-à-dire, dans notre monde à nous, le pognon, et qui tient les manettes, ou les fait tenir par des hommes « de confiance ». La presse participe à la fois de l’activité économique et politique, elle joue nécessairement un rôle de service public dans une démocratie, mais reste une entreprise commerciale, avec les mêmes obligations que toute entreprise commerciale. Ces contraintes-là sont lourdes, d’autant que les capitaux qui s’y sont investis sont dépendants des grands groupes capitalistes et de tous ceux qui leur sont inféodés. Conséquences : uniformisation, disparition de nombreux titres et mise sous le boisseau d’une presse d’opinion qui prétend préserver son indépendance et sa liberté de penser, qui refuse de s’en tenir à la surface des choses pour interroger un réel qui, par nature, échappe par sa complexité, sa nouveauté.

Pour un autre son de cloche

Au moment où au TC nous fêtons un quatre-vingtième anniversaire, nous pouvons légitimement nous dire satisfaits, modestement satisfaits, mais satisfaits d’avoir préservé un titre qui est en prise directe avec le monde du travail de ce département, avec ses luttes, avec l’ambition de défendre sa personnalité, sa culture, son histoire. Autour de nous, « nous en avons tant vu qui s’en allèrent », comme dit le poète : un seul quotidien perdure qui est maintenant entré dans le giron des concurrents d’hier. Adieu le pluralisme : de Toulouse, à Montpellier, en passant par Perpignan et Carcassonne, le même son de cloche (non !non ! ce n’est pas une pique, mais une métaphore).





Une comptine ?

Et pas n’importe lequel ! La preuve dans l’Indépendant de ce jour, où sous le tire « Snap chahut », l’éditorialiste Thierry Bouldoire traite des manifestations étudiantes et lycéennes du 17 mars, Le titre, comme l’incipit de l’article donne le ton : « Non, François t’es pas foutu. Les étudiants et lycéens ne sont pas tous dans la rue… Les conseillers du président lui ont peut-être murmuré cette comptine hier au soir… »… Et de poursuivre en évoquant le relatif échec de l’initiative, son caractère désordonné, son inadaptation à la génération Facebook et Snapchat. La conclusion est évidente : c’est une invitation faite au gouvernement à poursuivre sa réforme et la « délicate opération de déminage ».  Et comme les faits sont quand même têtus dans le même quotidien, en une, en page 3  et en page 20, de longs articles, accompagnés de photos pour montrer les manifestations, puissantes, déterminées… et ordonnées comme toute manifestation. Vous trouverez dans ce numéro du TC des photos de cette initiative qui pour nous tient plus d’un printemps annonciateur d’une embellie pour le mouvement social que d’un chahut inutile …. Et nous, nous prenons parti ! Nous les soutenons !

Nous touchons du doigt, là, l’utilité, la nécessité du TC et de son combat permanent pour accroître son audience. L’information sociale est le plus souvent passée à la trappe, les combats pour la justice, les droits, les libertés sont rarement évoqués. Cela ne fait pas vendre, comme les faits divers peu ragoûtants.

Et pourtant, c’est dans le creuset des luttes d’ici et d’ailleurs que se construit un futur acceptable pour le plus grand nombre. Ce creuset est notre espace vital et il est heureux qu’en ce mois de mars 2016 la jeunesse de notre pays y côtoie un fringant octogénaire.

Cerise sur le gâteau : dans ce creuset, ça continue à chauffer.

Jean-Marie Philibert.

lundi 14 mars 2016

le cop d'escoumbre


Evitez de croire ce qu’ils vous racontent

 Hier, le 11 mars,  à l’écoute du Soir 3  de FR3, je n’ai pas pu m’empêcher d’envoyer à la rédaction de ce journal-feuille-de-propagande un mail d’engueulade : en effet dans le cadre du traitement du projet de réforme du code du travail, la rédaction rendait compte de l’entrevue entre le premier ministre et une délégation de l’Unef qui s’était plutôt mal passée : le syndicat étudiant renvoyait le gouvernement dans les cordes de ses turpitudes. Des propos clairs, nets et sans bavure, difficilement manipulables. Comment faire donc pour manipuler, ne serait-ce qu’un petit peu ? Ces gens de la petite lucarne ont des ressources inépuisables : ils sont allés chercher des jeunes, bien sûr, mais tout ce qu’il y a de plus BCBG, vu qu’ils sont, dit-on, jeunes chefs d’entreprise pour leur faire dire tout le bien qu’il faut penser du projet de loi Khomry : « Le vieux code du travail est archaïsme absolu et il faut, quand on est jeune, vivre avec son temps ». Et notre temps, à nous, ne saurait être que celui du retour à l’esclavage pour faire plaisir à Gattaz et à ses acolytes.

Je vous tiendrai informer de la réponse, si réponse il y a.

Une pure fiction

A chaque mouvement social d’ampleur, et à mon âge j’en ai vécu quelques-uns, je suis toujours surpris de l’incapacité de ceux dont, pourtant, c’est le métier, à rendre compte des événements, de leur sens, de leur ampleur, des forces qui y opèrent, de leur inscription dans une histoire en train de se faire. Ils traitent de la chose comme s’il s’agissait d’une pure fiction théâtrale, sans conséquences sociales. Pour eux, de méchants manifestants crient sans retenue et sans nécessairement comprendre ce qu’ils disent face à des robocops, beaux comme des dieux (je rigole) qui seraient les gardiens du temple de l’ordre établi. Pendant ce temps, des énarques sociaux-démocrates-libéraux-républiquinquins, entourés de patrons fortunés font des prières pour que la crise soit de courte durée et qu’ils aient le moins de choses à lâcher possible.

Messieurs de la bien-pensance…

Messieurs de la bienpensance, vous vous fourrez le doigt dans l’œil une fois de plus.  Vous n’avez pas compris que le trop plein de souffrance sociale déborde. Un trop plein est fait pour ça d’ailleurs. Vous n’avez pas senti que la jeunesse n’est pas sans conscience et qu’elle ne supporte plus le no-future que vous lui imposez. Vous avez complétement oublié que la solidarité est un sentiment humain et partagé. Vous avez cru le syndicalisme rouge et  têtu, comme je l’aime, fatigué, sclérosé, dépassé. Vous avez fait les yeux doux aux syndicalistes mous-mous (en français réformistes et endormis) qui ne vous sont pas d’un grand secours.

La crise est grave, les gens sont fatigués, mais déterminés.

Le cop d’escoumbre…

Vous avez confondu l’opinion publique, celle que l’on sonde à longueur d’années, pour être sûr que la vaselino-thérapie quotidienne fonctionne comme il faut et les courants profonds de valeurs qui nous constituent. Elles sont construites par l’histoire, par le peuple, par l’éducation, par les expériences et les luttes. Dans ces valeurs, vous semblez découvrir qu’il y a le droit social. Quel aveuglement !

Et évitez de croire tout ce que la presse écrite, parlée, télévisée vous dit de la situation. Sa complaisance est généralement coupable. La trop grande proximité avec les pouvoirs, l’argent de ses patrons, le conformisme de ses acteurs sont des tares si profondes qu’il y faudrait un bon cop d’escoumbre.

Ecoutez plutôt la rumeur qui monte des profondeurs du peuple…

PS : Une ultime petite preuve que ce qui est écrit dans le journal tient du fantasme pur jus : l’Indépendant du vendredi 11 mars, à propos d’un article sur les 80 ans de notre hebdomadaire me pare du titre  tant convoité de rédacteur en chef du TC. Il se trompe et il ne se rend compte de rien. Morale de l’histoire, continuez à faire confiance, malgré son âge, à votre-notre Travailleur catalan.

Jean-Marie Philibert

lundi 7 mars 2016

sans


SANS

Ce gouvernement s’est fait une spécialité : multiplier les « sans » en tous genres. François Hollande avait inventé les « sans dents » pour désigner les pauvres.  Depuis le début de son mandat, avec tout son gouvernement il a multiplié les « sans travail ». Dans les subventions aux patrons il s’est lâché « sans retenue ». Dans les projets calamiteux, comme la réforme du code du travail, il fonce sans vergogne. Dans le traitement du dossier des migrants, la seule règle qui compte c’est « sans humanité », tant et si bien que les principaux intéressés, les migrants eux-mêmes, en restent « sans voix » au point de se coudre la bouche et de manifester pour dénoncer le démantèlement de la jungle de Calais, la violence qui l’accompagne, la désespérance dans laquelle on tente de les enfermer.

L’oxygène

Ce que les pouvoirs publics ne veulent pas voir, ni entendre,  c’est la formidable volonté chez ces Syriens, ces Irakiens, ces Afghans, ces migrants, de sortir de l’enfer dans lequel la guerre et des conflits qui les dépassent les ont plongés, c’est de retrouver une  vie digne de ce nom, c’est de  remettre en marche ce qui fonde notre humanité à nous tous, migrants, ou pas, l’espoir et le besoin forcené de reconstruire une vie, quand elle est menacée. La vie a besoin d’oxygène, tout simplement.

Les politiques menées ont fait la preuve de leur incapacité à régler un problème, certes difficile, mais qui, à un moment ou à un autre, trouvera sa solution. Autant ne pas tarder ! Les pays européens font la démonstration que si on est d’accord pour tous les grands marchés possibles, si on veut bien que le pognon circule en toute liberté entre les frontières et entre les riches, si on souhaite que les affaires se fassent sans entraves, il n’en va pas de même avec les hommes et les femmes, avec les enfants qui voudraient passer ces frontières et qui ont une marque d’infamie d’un nouveau genre, mais draconienne, imparable : ils sont sans papiers. Ils menacent l’ordre établi, ils ne sont pas comme nous, ils déséquilibrent l’entre-soi, ils représentent toute la misère du monde et on n’a pas les moyens de nourrir toute la misère du monde, voyons !

Les erreurs à ne plus commettre

Nous vivons sur des terres qui, il  y a quelques décennies, ont vécu des situations similaires à la fin de la guerre civile espagnole : les plaies sont sans doute en grande partie cicatrisées, les enfants de la retirada sont devenus nos frères. Mais les traitements subis, les enfermements dans des camps, l’ostracisme, la peur du Rouge,  l’intervention des militaires pour les encadrer (au moment de la guerre civile, l’armée française et le gouvernement étaient aux abonnés absents) devraient nous enseigner les erreurs à ne plus commettre.

Les plus sauvages ?

Les humains ne sont jamais du bétail (ce qui ne signifie pas qu’il faille tout se permettre avec le bétail), il y a un respect de cette humanité à mettre en œuvre en tout temps et en tous lieux, et encore plus quand c’est au nom d’un état que l’on agit. Je crains que de nombreux services de l’état (la police, mais pas seulement) aient encore des progrès à faire en ce domaine. Les images de la destruction de la jungle de Calais peuvent laisser un doute sur qui sont les plus sauvages. Mais rassurez-vous, Cazeneuve éprouve de la compassion !

A qui fera-t-on croire que nos pays riches (ils le sont même si la richesse y est malheureusement très mal répartie) ne sont pas en mesure d’accueillir ceux qui frappent à la porte ? Que cet accueil soit à organiser, qu’il vise à intégrer ceux qui le souhaitent, qu’il signifie un respect mutuel de ce que nous sommes et de ce qu’ils sont, ce sont là des évidences.

Mais continuer à jouer au jeu de la patate chaude que l’on ne cesse de se refiler, même en payant cher, des Anglais au Français, des Français aux Allemands, des Autrichiens, aux Grecs, des Européens aux Turcs, avec la masse de souffrances que cela entraîne est une honte. Heureusement à Calais, comme ailleurs, il y a des militants qui aident les migrants, qui n’ont pas perdu le sens de la solidarité. Eux, ils ne sont pas sans cœur, et ils sont notre honneur.

Jean-Marie Philibert