SANS
Ce gouvernement s’est fait une spécialité : multiplier
les « sans » en tous genres. François Hollande avait inventé les
« sans dents » pour désigner les pauvres. Depuis le début de son mandat, avec tout son
gouvernement il a multiplié les « sans travail ». Dans les
subventions aux patrons il s’est lâché « sans retenue ». Dans les
projets calamiteux, comme la réforme du code du travail, il fonce sans
vergogne. Dans le traitement du dossier des migrants, la seule règle qui compte
c’est « sans humanité », tant et si bien que les principaux
intéressés, les migrants eux-mêmes, en restent « sans voix » au point
de se coudre la bouche et de manifester pour dénoncer le démantèlement de la jungle
de Calais, la violence qui l’accompagne, la désespérance dans laquelle on tente
de les enfermer.
L’oxygène
Ce que les pouvoirs publics ne veulent pas voir, ni
entendre, c’est la formidable volonté
chez ces Syriens, ces Irakiens, ces Afghans, ces migrants, de sortir de l’enfer
dans lequel la guerre et des conflits qui les dépassent les ont plongés, c’est
de retrouver une vie digne de ce nom,
c’est de remettre en marche ce qui fonde
notre humanité à nous tous, migrants, ou pas, l’espoir et le besoin forcené de
reconstruire une vie, quand elle est menacée. La vie a besoin d’oxygène, tout
simplement.
Les politiques menées ont fait la preuve de leur incapacité à
régler un problème, certes difficile, mais qui, à un moment ou à un autre,
trouvera sa solution. Autant ne pas tarder ! Les pays européens font la
démonstration que si on est d’accord pour tous les grands marchés possibles, si
on veut bien que le pognon circule en toute liberté entre les frontières et
entre les riches, si on souhaite que les affaires se fassent sans entraves, il
n’en va pas de même avec les hommes et les femmes, avec les enfants qui
voudraient passer ces frontières et qui ont une marque d’infamie d’un nouveau
genre, mais draconienne, imparable : ils sont sans papiers. Ils menacent
l’ordre établi, ils ne sont pas comme nous, ils déséquilibrent l’entre-soi, ils
représentent toute la misère du monde et on n’a pas les moyens de nourrir toute
la misère du monde, voyons !
Les erreurs
à ne plus commettre
Nous vivons sur des terres qui, il y a quelques décennies, ont vécu des
situations similaires à la fin de la guerre civile espagnole : les plaies
sont sans doute en grande partie cicatrisées, les enfants de la retirada sont
devenus nos frères. Mais les traitements subis, les enfermements dans des
camps, l’ostracisme, la peur du Rouge,
l’intervention des militaires pour les encadrer (au moment de la guerre
civile, l’armée française et le gouvernement étaient aux abonnés absents)
devraient nous enseigner les erreurs à ne plus commettre.
Les plus
sauvages ?
Les humains ne sont jamais du bétail (ce qui ne signifie pas
qu’il faille tout se permettre avec le bétail), il y a un respect de cette
humanité à mettre en œuvre en tout temps et en tous lieux, et encore plus quand
c’est au nom d’un état que l’on agit. Je crains que de nombreux services de
l’état (la police, mais pas seulement) aient encore des progrès à faire en ce
domaine. Les images de la destruction de la jungle de Calais peuvent laisser un
doute sur qui sont les plus sauvages. Mais rassurez-vous, Cazeneuve éprouve de
la compassion !
A qui fera-t-on croire que nos pays riches (ils le sont même
si la richesse y est malheureusement très mal répartie) ne sont pas en mesure
d’accueillir ceux qui frappent à la porte ? Que cet accueil soit à
organiser, qu’il vise à intégrer ceux qui le souhaitent, qu’il signifie un
respect mutuel de ce que nous sommes et de ce qu’ils sont, ce sont là des
évidences.
Mais continuer à jouer au jeu de la patate chaude que l’on ne
cesse de se refiler, même en payant cher, des Anglais au Français, des Français
aux Allemands, des Autrichiens, aux Grecs, des Européens aux Turcs, avec la
masse de souffrances que cela entraîne est une honte. Heureusement à Calais,
comme ailleurs, il y a des militants qui aident les migrants, qui n’ont pas
perdu le sens de la solidarité. Eux, ils ne sont pas sans cœur, et ils sont
notre honneur.
Jean-Marie Philibert
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