Dans le
creuset
Les anniversaires sont des occasions intéressantes de retour
sur soi, d’auto-évaluation du travail accompli et de réflexion lucide sur la
voie choisie. Pour un journal, c’est l’occasion de réexaminer ce qu’il a fait
de la matière première que la réalité lui a fournie pour en produire de
l’information utile. Les choix opérés, la place accordée, les références mises en avant, la mise en relation des faits
renvoient aussi aux choix idéologiques, politiques d’une rédaction.
Et la
presse d’opinion
Et ultime vecteur,
mais certainement pas le moindre,
le poids sur tout cela de celui qui a le pouvoir, c’est-à-dire, dans
notre monde à nous, le pognon, et qui tient les manettes, ou les fait tenir par
des hommes « de confiance ». La presse participe à la fois de
l’activité économique et politique, elle joue nécessairement un rôle de service
public dans une démocratie, mais reste une entreprise commerciale, avec les
mêmes obligations que toute entreprise commerciale. Ces contraintes-là sont
lourdes, d’autant que les capitaux qui s’y sont investis sont dépendants des
grands groupes capitalistes et de tous ceux qui leur sont inféodés.
Conséquences : uniformisation, disparition de nombreux titres et mise sous
le boisseau d’une presse d’opinion qui prétend préserver son indépendance et sa
liberté de penser, qui refuse de s’en tenir à la surface des choses pour
interroger un réel qui, par nature, échappe par sa complexité, sa nouveauté.
Pour un
autre son de cloche
Au moment où au TC nous fêtons un quatre-vingtième
anniversaire, nous pouvons légitimement nous dire satisfaits, modestement
satisfaits, mais satisfaits d’avoir préservé un titre qui est en prise directe
avec le monde du travail de ce département, avec ses luttes, avec l’ambition de
défendre sa personnalité, sa culture, son histoire. Autour de nous, « nous
en avons tant vu qui s’en allèrent », comme dit le poète : un seul
quotidien perdure qui est maintenant entré dans le giron des concurrents
d’hier. Adieu le pluralisme : de Toulouse, à Montpellier, en passant par
Perpignan et Carcassonne, le même son de cloche (non !non ! ce n’est
pas une pique, mais une métaphore).
Une
comptine ?
Et pas n’importe lequel ! La preuve dans l’Indépendant
de ce jour, où sous le tire « Snap
chahut », l’éditorialiste Thierry Bouldoire traite des manifestations
étudiantes et lycéennes du 17 mars, Le titre, comme l’incipit de l’article
donne le ton : « Non, François t’es pas foutu. Les étudiants et
lycéens ne sont pas tous dans la rue… Les conseillers du président lui ont
peut-être murmuré cette comptine hier au soir… »… Et de poursuivre en
évoquant le relatif échec de l’initiative, son caractère désordonné, son
inadaptation à la génération Facebook et Snapchat. La conclusion est
évidente : c’est une invitation faite au gouvernement à poursuivre sa
réforme et la « délicate opération de déminage ». Et comme les faits sont quand même têtus dans
le même quotidien, en une, en page 3 et
en page 20, de longs articles, accompagnés de photos pour montrer les
manifestations, puissantes, déterminées… et ordonnées comme toute
manifestation. Vous trouverez dans ce numéro du TC des photos de cette
initiative qui pour nous tient plus d’un printemps annonciateur d’une embellie
pour le mouvement social que d’un chahut inutile …. Et nous, nous prenons
parti ! Nous les soutenons !
Nous touchons du doigt, là, l’utilité, la nécessité du TC et
de son combat permanent pour accroître son audience. L’information sociale est
le plus souvent passée à la trappe, les combats pour la justice, les droits,
les libertés sont rarement évoqués. Cela ne fait pas vendre, comme les faits
divers peu ragoûtants.
Et pourtant, c’est dans le creuset des luttes d’ici et
d’ailleurs que se construit un futur acceptable pour le plus grand nombre. Ce
creuset est notre espace vital et il est heureux qu’en ce mois de mars 2016 la
jeunesse de notre pays y côtoie un fringant octogénaire.
Cerise sur le gâteau : dans ce creuset, ça continue à
chauffer.
Jean-Marie Philibert.
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