Terre ! Terre !
Parmi les
manifestations qui titillent mon esprit critique, il en est une qui se répand
de plus en plus, qui se met à toutes les sauces, qui encombre les medias à toutes
les occasions : c’est l’omni présence des cieux, des préceptes divins, des
livres sacrés et de ceux qui sont chargés de nous les faire comprendre,
admettre, croire (avaler ?). Les circonstances s’y prêtent peut-être, mais
est-ce la bonne réponse ? Les clergés en tous genres se voient ouvrir
toutes grandes les portes de notre conscience pour nous laisser croire que la
voie du religieux est incontournable, inévitable, que tout être normalement
constitué y a sa part. Certes tout n’est pas équivalent, chacun a sa vérité, il
ne faut pas sombrer dans le fanatisme et les intégrismes, mais notre identité
passe par là. La transcendance se rappelle à notre souvenir.
Et le
divin ?
Regardez nos villages construits autour de nos
églises. Observez l’attachement de toutes les communautés à leurs petits jésus
à elles. Voyez comme toutes ces croyances apportent une lumière salutaire à
toutes nos inquiétudes, celles du moment, mais aussi plus profondément à celles
de la quête des sens de la vie. Faut-il n’y voir que de l’atavisme ? La
laïcité, c’est bien beau, mais elle a ses limites et tous les laïques se
disputent entre eux pour savoir si elle doit être ouverte, fermée, traduisez
gentille ou méchante. On ne peut que lui faire une confiance très limitée.
L’agnosticisme, quant à lui, n’est d’aucune aide, puisqu’il nous jette sans
protection dans l’inconnu et l’inconnaissable. Quant aux zathées, il faut tous
les courages du monde pour nier tous les dieux en bloc et, en faisant cela,
jeter aux gémonies des pans entiers de ce qui a fait et fait, pour beaucoup,
encore notre humanité, le divin. Alors, alors, alors ?
Il semblerait que nous n’ayons d’autres ressources
que de nous laisser embarquer par la déferlante de religiosité qui risque de
nous submerger. Quitte à raviver quelques guerres de religion. Voire…
Le ciel à sa
place
Notre histoire, ses péripéties, ses luttes nous ont
donné des outils pour laisser à leur place les religions : il faut dire
que du Catharisme à la Saint-Barthélemy en passant par l’Inquisition, de la monarchie de droit
divin, des sacres dans la cathédrale de Reims des rois de France, à leur
enterrement dans la basilique de Saint-Denis, la place prise était telle qu’il
a fallu deux siècles depuis les philosophes des Lumières pour remettre le ciel
à sa place ( au ciel !) et nous donner l’occasion de mener la vie que
nous souhaitions, librement, ici, sur terre, avec le ciel, ou sans lui. Comme
nous le choisissons ! Nous y sommes (ou nous y étions ?).
Ce fut un combat politique, ce fut aussi, en partie,
un combat de classe. Cela reste un combat pour la liberté dont les violentes
circonstances présentes nous disent qu’il n’est jamais fini, qu’il n’est jamais
facile, et dont il faut constamment craindre des effets réducteurs.
Partout
Parmi eux la schématisation du religieux est à
l’œuvre souvent dans les embrigadements contemporains, d’autant plus efficaces
qu’ils s’adressent à des générations sans connaissance véritable dans ce
domaine. L’aspiration des femmes et
hommes à affronter les mystères de leur vie,
à comprendre le destin d’un univers que l’on habite, à tenter de
s’approcher au plus près d’une révélation possible si elle existe est
absolument légitime ; même si nous sommes conscients que pour toute certitude
nous n’aurons que notre intime conviction. Je crains que ce ne soit pas
exactement l’ambition des campagnes actuelles qui me donnent le sentiment de
tenter de remettre le ciel partout, à l’occasion des évènements troubles que
nous vivons et où il sert bien. Pour mieux cacher le racisme ordinaire, l’exclusion,
la ségrégation, la barbarie de l’argent, la haine … qui ne nous concernent pas.
Non ! Non ! Non ! Chut ! Le ciel !
La société prend l’eau de toute part, le combat
quotidien a besoin de toute notre attention, de tout notre engagement et nous
ne finirons jamais d’en finir avec le ciel.
Une urgence absolue : le retour sur
terre ! Terre ! Terre !
Jean-Marie Philibert
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