les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 1 novembre 2016

l'âge de la jungle


L’âge de la jungle



Il y a eu l’âge de pierre, l’âge du bronze, l’âge du fer et puis il y a eu l’histoire avec ses hauts et ses bas et puis l’histoire s’est mise à hoqueter et puis il y a aujourd’hui, comme un retour à la case départ, l’âge de la jungle.

Des enfants, des femmes, des hommes, de toutes origines, de toutes les couleurs s’agglutinent dans des zones improbables au bord d’une mer, d’une ville, d’un pays dans l’espoir d’un départ impossible vers une terre susceptible de les accueillir et en attendant ils vivent la sauvagerie de la jungle. Ils n’ont rien ou si peu, si ce n’est une volonté forcenée de vivre. Paradoxalement Ils y retrouvent la sauvagerie du monde qu’ils avaient fui, la solitude de leur destin, des pouvoirs aveugles à leurs misères, la faim impossible à assouvir, la violence et  la mort qui rodent. Ils étaient prêts à tout tenter pour en sortir, à payer cher des fripouilles sans scrupules qui profitaient de leur errance  et se retrouvent à la porte de ce qu’ils voyaient comme un eldorado …dans un milieu tout aussi hostile. La jungle de Calais !

Un horizon indépassable

Une jungle que les pouvoirs publics, que la police, que les gouvernements successifs vident et détruisent régulièrement, mais qui se remplit tout aussi régulièrement de la même humanité souffrante. Comme si la jungle, sa loi, ses réalités, sa sauvagerie étaient devenues notre horizon indépassable. L’horizon indépassable d’un monde tourneboulé qui a oublié que l’histoire pour ne pas mourir se doit d’avancer. A Calais l’histoire s’arrête !

La jungle de Calais, au-delà des images bien réelles d’un bidonville, en viendrait presque à représenter pour moi aujourd’hui le tableau métaphorique et emblématique de notre incapacité collective à affronter notre destin face à un monde dont les lois, les règles, les usages dépassent notre entendement. Nous sommes comme les migrants de Calais dans un monde que nous savons riche, mais qui ségrégue, qui isole, qui marginalise les gens de peu, (même s’ils sont le plus grand nombre). Nous sommes exclus de la plus grande partie de ses bienfaits, nous sommes condamnés à la précarité, à la pénurie. Nous passons notre temps à nous bouffer le nez entre nous dans des querelles stériles, jusque parfois en oublier notre humanité, nous nous laissons trop souvent ballotter par des pouvoirs dont le visage essentiel est celui de la police. Nous avons appris à nous satisfaire du minimum vital qui nous est distribué avec parcimonie, nous avons accepté que la charité passe avant la justice. Nous deviendrions presque racistes.

Lanternés

Nous nous laissons lanterner par toutes les sornettes que de grands manitous nous racontent dans une petite lucarne qui détruit à petit feu notre esprit critique, qui anesthésie notre conscience. Nous perdons le sens du monde,  nous perdons parfois jusqu’au souvenir d’une vie normale faite de travail, de salaire, de droits pour nous arranger de petits riens qui deviendraient l’essentiel d’une vie vide dans l’attente d’un hypothétique sauvetage qui ne viendra jamais. L’idéologie de l’inégalité nous a phagocytés au point d’accepter l’arrogance des puissants. Nous serons remerciés pour notre abnégation, notre résignation, notre sagesse, tel un bon sauvage qui sait rester à sa place de peur de payer cher toute forme d’outrecuidance. La jungle de Calais est dans l’ordre de notre monde.

Un ordre à subvertir

D’où la seule nécessité qui  vaille : celle qui à Calais comme ailleurs se refuse à penser l’impensable, celle qui fonde la justice sur la conception la plus exigeante de l’humanité, de la liberté, celle qui ne recule pas devant l’impératif de subversion d’une société où les égoïsmes le disputent à la sauvagerie. Il faut détruire toutes les jungles, à Calais, comme ailleurs. C’est une tâche collective, solidaire, salutaire pour laquelle nos habitudes de luttes nous aideront. IL faut les détruire pour aujourd’hui et pour demain parce que la barbarie est faite pour durer si nous ne retroussons pas nos manches. Ensemble, camarade, avec tous les volontaires du progrès. « C’est un joli nom camarade », il aide régulièrement à (re)construire notre histoire humaine. Actuellement elle en a bien besoin.

Jean-Marie Philibert.

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