Pan pan
cucu
Vous pensiez que manifester était un droit élémentaire dans
une démocratie digne de ce nom. Comme vous n’êtes pas totalement inculte et
idiot, vous savez qu’il n’en a pas toujours été ainsi, qu’il s’agit là d’un
droit conquis de haute lutte qui est sous surveillance. Tous les régimes
autoritaires ont fait et font le nécessaire pour le limiter, le réduire à ce
qui est admissible, et s’il le faut l’interdire.
Manifester
jette le trouble
Et même dans les systèmes dits démocratiques nous sommes dans
un domaine ultra-sensible où manifester jette le trouble, où il est hors de
question de laisser sans surveillance des citoyen(ne)s majeur(e)s, vacciné(e)s,
responsables, instruit(e)s et honnêtes défiler avec pancartes, calicots et
slogans dans une ville ou ailleurs, quel que soit le motif du défilé. De la
vente du vin, au droit à l’avortement, de l’accueil des sans papiers à
l’augmentation de salaires, de la défense de l’emploi à tout ce que vous pouvez revendiquer.
Manifester tient à la liberté de chacun et à son droit de penser ce qu’il veut
et d’agir pour faire partager ses choix...
Bien sûr, dans le respect de la loi. Et c’est là aujourd’hui
que jouent les manœuvres multiples et
variées pour faire que ce qui était simple devienne compliqué, voire
impossible.
Manifester
était simple
J’ai connu un temps où même si les textes stipulaient qu’une
manifestation devait être déclarée aux pouvoirs publics pour être autorisée,
ces textes-là n’étaient pas appliqués, à Perpignan, du moins, mais aussi bien
souvent ailleurs.
Il suffisait de descendre dans la rue à l’heure que vous
aviez choisie, avec tous ceux qui vous suivaient, avec toutes les pancartes que
vous souhaitiez, pour suivre l’itinéraire qui vous convenait dont par politesse
vous informiez le policier de service qui venait poliment vous demander où vous
vouliez aller. Et il faisait le nécessaire pour que ça se passe bien. Certes il
y avait un service de police qui s’appelait les renseignements généraux qui
savait exactement de quoi il retournait, qui épluchait le journal local, qui
vous questionnait auparavant sur le succès potentiel de la manifestation, sur
ses raisons, sur la température ambiante. Mais son rôle, tel que je j’ai connu, en plusieurs décennies d’activité
manifestatoires intenses et non des moindres, 1995 Plan Juppé, 2000-Allègre,
2003-retraites n’a jamais outrepassé ce que j’ai décrit, c’est-à-dire
l’accompagnement pacifique de la manif, y compris avec des Préfets qui
n’étaient pas des tendres et qui ne voyaient pas toujours d’un bon œil les
libertés que nous prenions. Un air de liberté soufflait en ces temps heureux
sur les manifs, qui n’étaient pas nécessairement molles, mais qui ne
subissaient pas d’entraves.
Taper sur
tout ce qui bouge
Avec le plan d’urgence, avec des ministres de l’intérieur comme Valls, avec des préfets qui en rajoutent dans le légalisme et dans la peur de tout ce qui bouge, avec un climat social dégradé, la tentation de rogner le droit de manifester s’est progressivement imposée pour le vider de son sens contestataire au nom de l’ordre public bien sûr.
Avec le plan d’urgence, avec des ministres de l’intérieur comme Valls, avec des préfets qui en rajoutent dans le légalisme et dans la peur de tout ce qui bouge, avec un climat social dégradé, la tentation de rogner le droit de manifester s’est progressivement imposée pour le vider de son sens contestataire au nom de l’ordre public bien sûr.
Ainsi le Préfet des P.O. qui fait une fixette sur les gilets
jaunes qui occupent les ronds-points au point de leur interdire de s‘y
rassembler.
Parallèlement à cette évolution le recours systématique à des
forces de police style robocop qui visiblement ont reçu des ordres et des armes
pour taper sans ménagement sur des fauteurs de troubles patentés, dont les
vidéos montrent qu’ils peuvent être d’un âge avancé, retraités, voire
handicapés … Ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment, ils avaient sans
doute aussi mauvais esprit. Ils étaient sans doute un brin provocateurs. Ils
étaient admirablement placés pour prendre une dérouillée qui devrait leur
apprendre ce que sont la force et la violence de la loi et de l’ordre. Cette
violence policière n’est qu’un aspect du recul imposé aux droits et aux
libertés dans la douce France. Arrestations, garde à vue, procès expéditifs.
Cerise sur le gâteau : un fichier est en préparation pour repérer les
manifestants méchants et les obliger à rester à la maison.
La stratégie de la tension est trop manifeste pour être
improvisée et sans sens. Elle repose sur un mépris de classe évident et vise à
perpétuer le désordre inégalitaire dominant.
Pour vous défouler, manantes et manants vétu(e)s de jaunes,
vous avez maintenant le grand débat. Vous ne prendrez pas de coups.
Foin des manifs…
Sinon pan pan cucu !
Jean-Marie Philibert
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