En finir
avec les fantômes
Parmi les paradoxes de notre temps, je crains qu’il y en ait
un qui ait malheureusement encore de beaux jours devant lui. Nous vivons les
temps de la communication « touzazimut », en live, avec la terre
entière, sans barrière, sans retenue, sans surveillance ( j’ai envie d’ajouter,
sans conscience). On ne peut pas dire que cette luxuriante communication nous
ait conduit à des avancées morales, intellectuelles, politiques, idéologiques,
culturelles à la hauteur de nos attentes et de besoins sociaux accrus. Ce
serait même le contraire : les tragiques événements de ces derniers jours
illustrent de façon violente et barbare le déphasage absolu qu’il peut y avoir
entre nos smartphones, nos ordis, tous les réseaux sociaux et la/les
lumières qui ne devraient pas cesser
d’être allumées au fond de nos cervelles.
Hégémonie
et terreur
Mais malheureusement au quotidien il n’y en a que pour la com
mondialisée, que pour les écrans qui captivent nos regards et notre attention,
qui règnent sur nos vies au point d’y voler une part de notre humanité et de
permettre à des fous furieux de nous entraîner vers des temps obscurantistes où
il deviendrait illusoire de croire à notre capacité à maîtriser notre destin.
Les fanatiques en tous genres en ont bien compris les pouvoirs. Ils tentent
d’en utiliser toutes les capacités pour mettre en œuvre une hégémonie qui ne
recule pas devant la pire terreur ; Ainsi l’assassinat d’un professeur
d’histoire qui croyait et voulait faire croire à la liberté de pensée et
d’expression… et bien évidemment sa diffusion sur les réseaux sociaux.
Fatalisme ?
D’où notre sidération, d’où le trouble profond qui traverse
la société au point que, dans toutes les communes, un hommage a été rendu à
Samuel Paty. Mais aussi et malheureusement, comme un fatalisme devant les
intolérances, les discriminations, les divisions de la société, les
bouleversements culturels, la montée des intégrismes, les repliements communautaires.
En dehors des déclarations martiales, des hommages officiels,
des coups d’épées dans la fourmilière terroriste, serions-nous impuissants
devant cette dérive mortifère ? En particulier face à l’utilisation des
réseaux sociaux comme arme imparable pour pénétrer dans les profondeurs du
tissu social et lui faire perdre ses valeurs fondamentales ?
Sus à
l’anonymat
Je ne le crois pas ! Mais dans le même temps je perçois
chez les responsables de ces réseaux, et tous ceux qui politiquement, médiatiquement
sont en lien avec eux, une très grande réticence à rogner les ailes de ces
puissances nouvelles qui seraient comme des parangons de la liberté de pensée
et d’expression.
Pensez-donc, pouvoir tout dire, tout montrer, avec un simple
clic, avoir des followers pour les pires sottises et bien sûr en toute
impunité, grâce à un anonymat bien commode. On peut ainsi surmultiplier son ego
en proférant des énormités et en trouvant des imbéciles pour vous croire. Tout
ce qui est dans la société est illicite, la diffamation, les menaces, la
propagation de fausses nouvelles et j’en passe, est bien venu sur les réseaux
sociaux. La société serait donc condamnée à ne plus se protéger : on en
mesure les conséquences.
Je pense très profondément qu’il est plus que temps d’en finir et que la première parade
immédiate réside dans la fin d’un anonymat suicidaire pour tous : ce n’est
pas une question de spécialistes de la toile, qui vont trouver toutes les
raisons de continuer à faire comme avant. C’est une question politique, morale,
philosophique, très liée à ce que Samuel Paty tentait d’apprendre à ses
élèves : la liberté d’expression et de pensée impose sur la toile, comme
dans la vie sociale, des citoyens responsables d’eux-mêmes, pas des fantômes.
Jean-Marie Philibert.
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