MIMI
Les quarante ans du 10 mai 1981 ont été l’occasion d’’une
béatification de François Mimi qui a occupé les écrans et les antennes pendant
de longs jours. Et nous avons vu ressurgir les acteurs/ fantômes d’un passé pas
si lointain que ça. Mais, à les écouter, on ne peut pas dire que les années
écoulées aient clairement allumé leur lucidité quant au sens des événements
qu’ils ont vécus.
Il n’est pas toujours facile d’être l’historien de son passé. La
mémoire vous joue des tours. Et il est toujours délicat, voire douloureux, de
rappeler quelques erreurs et quelques turpitudes. Quant aux auteurs,
réalisateurs des films/documentaires présentés, ils avaient tous choisi de
rester dans la vérité officielle d’une histoire, définitivement terminée, et
qui n’avait rien à voir avec les temps que nous vivons, où la gauche, son
union, la transformation sociale, la justice, la solidarité sont des gros mots
que la macronie croit avoir définitivement entreposés dans les archives
poussiéreuses d’une vie politique d’un autre temps.
Le 10 Mai 81 : des survivances qui ne servent plus à rien, si ce
n’est à faire des souvenirs émouvants pour nostalgiques dépassés.
UNE VÉRITÉ PARTIELLE ET PARTIALE
C’est là mon sentiment après avoir vu plusieurs de ces
émissions, bien faites au demeurant, mais dans lesquelles, le témoins de ces
événements que je fus, ne retrouvait qu’une vérité très partielle, et aussi
très partiale, où l’un des éléments clefs de la vie politique d’une nation, le
rapport au peuple et aux forces qui le constituent passait régulièrement par
pertes et profit au bénéfice d’un pittoresque sans intérêt, d’une
sentimentalité mémorielle.
D’abord la plus grande des injustices de ces hagiographies,
repose sur le rôle marginal dévolu aux forces
qui ont fait 81, qui ont construit les transformations sociales à
l’œuvre, qui depuis des années se sont battues pour qu’existe un programme
commun de gouvernement qui s’engageait à les réaliser.
Le PCF a été à la manœuvre pendant des années pour le
construire, lui donner sens, le rendre crédible comme éléments clé de la
satisfaction des besoins d’un peuple, d’une classe laborieuse que le
giscardisme ambiant vouait aux gémonies. Il ne s’agissait de rien moins que de
s’attaquer aux forces de l’argent, de prendre par les urnes un pouvoir
dont la bourgeoisie au pouvoir ne
croyait détentrice au libidum, de travailler à une équitable répartition des
richesses.
Le mouvement social de ce temps, avec des sensibilités diverses
a voulu y croire. Les forces syndicales, certes à des degrés divers, y ont vu
des possibilités sérieuses, Les cocos ont été au cœur de ce processus. Mais
silence radio, ou presque, sur leur rôle, sur le programme commun.
POUR UN CHAMBOULEMENT GENTIL
Les seules évocations de la nouveauté qu’il représentait en ce
temps portaient sur sa dimension chamboulisatrice, (« attention ils vont
tout péter ) et sur la sagesse prudente de François Mitterand de ne pas se
laisser enfermer dans un engagement contraignant avec le peuple. Pour cela il
lui a fallu en rabattre sur ses ambitions en édulcorant les propositions tout
en les laissant dans le paysage. Faire croire à un changement, mais soft. Le
programme commun ne l’est plus. Les couillonnés sont nombreux...
Je regrette que la commémoration de cet anniversaire n’ait pas
cherché à provoquer ce débat sur les changements tangibles qui sont et restent
au cœur de la démarche de gauche aujourd’hui.
LA QUESTION DE FOND
La prise populaire du pouvoir peut-elle se limiter à quelques
accommodements périphériques ou doit-elle s’attaquer à tenter de construire une
société où le bien être de tous passe avant le profit de quelques uns ? Le
libéralisme échevelé dans lequel le monde dit « libre » s’est enlisé
alors a justifié tous les renoncements. Quelques années plus tard, l’effondrement
du bloc de l’Est illustrera les résistances du réel à nourrir les illusions.
Les contraintes de la construction européenne contribueront aussi à assagir les
ambitions les moins réalistes.
François Mitterand a vite sombre dans le périphérique avec le
souci majeur de conserver un pouvoir pour un Parti socialiste qui revenait de
loin et qu’il voulait ancrer dans le jeu
politique comme seule alternative possible en reléguant le PCF au mieux
dans un rôle d’appoint, au pire dans une situation d’ornement désuet. Sans se
rendre compte que cette opération fragilisait la gauche dans son ensemble. Avec
les retombées culturelles, idéologiques, que cela a entraîné dans un
bouleversement des consciences.La mienne bien sûr, mais pas que...
Jean Marie Philibert.
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