Les
généraux… et Colette
Mon amour immodéré des militaires, et parmi eux des généraux,
m’a incité à choisir de vous parler de l’initiative collective que certains
d’entre eux, à la retraite, ont prise en lançant un appel au gouvernement pour
qu’il se ressaisisse contre les dangers qui menacent la patrie. S’il ne
ressaisit pas l’armée d’active, la vraie, pourrait passer à l’attaque et
déclencher la guerre civile contre une république qu’ils ne semblent pas
beaucoup aimer.
Je vais vous dire ce qu’ils m’inspirent, ce qu’ils nous
cachent aussi, ce que leur appel révèle pour les citoyens que nous sommes. Mais
je veux l’accompagner du remède indispensable dans une vie politique qui semble
perdre la boule : une évocation d’une autre teneur, celle de Colette,
résistante de 93 ans, qui est au centre du documentaire réalisé par Anthony
Giacchino, produit par Alice Doyard, et qui vient d’obtenir un oscar au
States. Quand on a une purge à avaler, il faut l’accompagner d’une douceur et
d’une espérance.
Commençons
par le pire.
Des décennies après la tentative de coup d’état des généraux
Salan, Challes, Zeller et Jouhaud, c’était un 21 avril (1961) à Alger, quelques
étoilés d’aujourd’hui, en retraite, se
sont pris à rêver : la nostalgie sans doute. Après une vie tristounette,
de garnison en garnison, où les exploits guerriers ne les ont que modérément
occupés et où ils ont eu tous les loisirs possibles pour baver sur la
république, cette gueuse, ne voilà-t-il pas qu’ils perçoivent comme une menace
qui, depuis les banlieues, sape les fondements de notre civilisation que sont,
depuis toujours et pour longtemps, les valeurs de l’occident, j’ajoute, blanc,
chrétien et de droite (toute).
Droite est, là, un euphémisme pour dire un peu plus, de
droite pure et dure, celle qui lève le menton, qui aime la force, le
pétainisme, et les inégalités congénitales qui font une civilisation
supérieure. Ils lorgnent vers la famille Le Pen, et les sbires qui les accompagnent.
Ils se réjouissent qu’une force politique partie dans les poubelles de
l’histoire puisse, à l’occasion d’une crise de société qu’ils espèrent sans
issue, revenir occuper le devant de la scène.
Je crois comprendre qu’ils ne sont pas insensibles aux efforts
de la Marine (pas les bateaux, la fifille) pour occuper le devant de la scène
aux prochaines présidentielles. Leur intervention, dans un climat trouble, ne
vise qu’à jeter un peu plus de trouble en imaginant le pire : la guerre
civile. Après le corona, on ne pouvait pas rêver mieux pour eux et nous.
La négation
de l’histoire
Je plaisante, mais j’ai tort. Ces gens sont dangereux,
inutiles et tournent délibérément le dos aux aspirations d’un pays à vivre
moins mal, à profiter des fruits de son travail, à construire de la solidarité,
de la justice, à mettre en œuvre une politique progressiste qui le permette.
Ils nous refont le coup des milices fascistes de 34, des inquiétudes qui les
ont accompagnées, de l’incurie des gouvernements successifs à répondre aux
besoins du peuple pour nous entraîner dans une histoire qui est la négation de
l’histoire.
Comme si nous avions perdu la mémoire (je crains que nous
l’ayons un peu perdue). La bête immonde
du fascisme l’avons-nous oubliée ? La déportation, les massacres, les
génocides, les horreurs, les tortures, l’arbitraire généralisé en sont les
produits.
Colette
Colette, la résistante de 93 ans, oscarisée, n’a rien oublié,
même si elle a beaucoup fait pour panser ses plaies à la suite de l’arrestation
de son frère pour des actes de résistances qu’elle dit avec modestie avoir
partagés. Elle va sur les traces de la mort de ce frère au camp de Dora-Mittal
où nous l’accompagnons avec une jeune étudiante Lucie, qui travaille sur la
déportation. Elle a attendu ses 93 ans pour faire ce pèlerinage de la
mémoire et se trouver confrontée aux
travaux forcés des déportés. Sa douleur violente est faite de retenue et de
révolte rentrée devant l’inhumanité qui peut s’emparer d’un pays fasciste. Elle
témoigne pour que l’on n’oublie pas, pour qu’on n’oublie pas ce four
crématoire, emblématique du nazisme.
La bague, faite par son frère, seul bien qui lui reste de lui, elle l’offre, à
la fin du documentaire, à l’étudiante qui l’accompagne, comme pour lui passer
le relais dans ce combat jamais achevé
contre une hydre qui en veut à notre humanité. Dans nos temps difficiles, ce
documentaire est aussi un relais qui nous est passé. A voir absolument et
gratuitement (sur You Tube).
Jean-Marie Philibert.
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