LARZAC FOR EVER
(Comme on dit en occitan)
L’activité syndicale, ça vous façonne son homme, ça vous
dote d’une expérience riche et variée de toutes les formes d’actions possibles,
ça vous conduit à courir sans cesse après l’action décisive, magique, celle qui va vous faire gagner, … et à
ne jamais la trouver. Vous aurez cependant acquis une grande patience et une
grande plasticité, au cours des interminables débats qui préparent l’action, en
compagnie des Docteurs YAQUA et FAUCON,
ceux qui savent et qui connaissent la martingale qui fait mouche à tous les
coups. Cette réflexion sur l’action sociale, sur son efficacité, sur ses
modalités, sur sa durée, sur sa
détermination, sur ses échecs et ses réussites, est au cœur du film TOUS AU LARZAC,
et elle m’a passionné, elle m’a rajeuni aussi et je suis persuadé qu’elle peut
nous armer et nous aider à affronter les enjeux d’aujourd’hui. Parce que TOUS
AU LARZAC c’est l’histoire d’un mouvement
multiforme et inédit qui a gagné. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 a été
aussi décisive dans cette victoire. Eh ! Oui ! Ça
arrive ! Peu de nostalgie dans ce documentaire, pas de complaisance, de
belles images vraies et beaucoup de témoignages lucides… et sans doute utiles
dans les temps difficiles que nous vivons où la simple évocation d’une victoire
sociale peut sembler incongrue.
Une graine à
replanter.
Que nous disent aujourd’hui
ces paysans du Larzac ? Que 10 ans de luttes les ont façonnés,
transformés, enrichis (au sens figuré), que l’éleveur catholique replié sur son
plateau au milieu de ses brebis et ne comprenant rien aux événements de 1968
est devenu un citoyen du monde jaloux de sa liberté et toujours prêt à la
défendre. Et malgré les ans ils paraissent plus jeunes que jamais, le curé du
coin, acteur de la lutte, n’est pas le moins sympathique. Même les disparus, en
particulier Guy Tarlier, ne semblent plus tout à fait morts. Quand on vous dit que
la lutte ça fait du bien, que la lutte, c’est la vie! Et quand en plus elle
fait reculer l’état et une de ses institutions fondatrices, l’armée, dans ses
projets d’accaparement des terres de paysans, on peut se dire qu’il y a
peut-être là de la graine à prendre pour la replanter dans nos sillons devenus
bien arides : avec le Larzac il ne faut pas reculer devant la métaphore
agricole.
Le fil rouge.
Mais aujourd’hui c’est d’un Larzac planétaire dont nous
avons besoin pour nous réapproprier une terre que la finance internationale
considère comme sa chose. Pour cela plus nos luttes seront ancrées dans les
territoires, dans la vie des cités, des régions, plus elles seront porteuses
d’espérances, à condition de ne jamais oublier le fil rouge (bien sûr) qui les
relie les unes aux autres et qui est celui de la solidarité, du rassemblement,
de la diversité assumée. Le Larzac, le rassemblement le plus hétéroclite du
mouvement social : les paysans anciens, les paysans néo-convertis, les
locaux, les « estrangers » multiples et variés, politiques ou pas,
gauchistes ou pas, les zipis, les familles, les tracteurs, les moutons. Le documentaire
ne cache aucune des tensions, mais fait la démonstration qu’elles ont toujours
été dépassées.
De l’audace.
N’ayons pas peur de
l’hétéroclite ! Du symbolique ! De l’invention ! De
l’humour ! De l’audace ! Il
leur en a fallu pour faire à pied, en tracteur, plusieurs fois Le Larzac-Paris,
pour camper sous la Tour Effel et défier un pouvoir qui les méprisait.
Ah ! La tête de Giscard quand il répond avec toute la morgue (j’allais
écrire la morve, mais je me suis repris, ce n’était pas de bon goût) de sa
caste à la question d’un journaliste sur la lutte de paysans du Larzac. David
peut gagner face à Goliath, la preuve !
Il y faut le courage, une détermination sans faille, une solidarité à
toutes épreuves, persuadés que nous sommes que notre destin n’est pas dans
d’autres mains que les nôtres. Dans ces temps pré-électoraux où les sauveurs
sont légions, merci aux paysans du Larzac de nous aider à le rappeler.
Jean-Marie PHILIBERT.
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