les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mercredi 21 décembre 2011

Poésie et politique peuvent-ils faire bon ménage ?


Un billet d’humeur, c’est comme l’humeur, ça va, ça vient, ça monte et ça descend, ça part dans tous les sens et ça permet de tout mélanger : le bon, le moins bon et le pire, l’exaltation, l’enthousiasme et les coups de blues, les hautes sphères et les basses œuvres.
Les trivialités de la vie politique, la pure et gratuite spiritualité de la démarche poétique sont aux antipodes,  et pourtant aujourd’hui,  j’ai envie de les rapprocher.
L’intime et l’universel
La poésie a été mon gagne pain ; le prof de lettres que je fus, et que je reste encore un peu, a  consacré une part relativement importante de son activité à tenter de communiquer aux adolescents  qui, au fur et à mesure, peuplaient  de plus en plus nombreux mes classes, l’amour… soyons plus modeste, disons … un début d’intérêt pour la chose littéraire, pour les auteurs qui fondent notre culture, pour les œuvres qui peuvent marquer notre personnalité. J’ai toujours fait  dans mes choix la part belle à la poésie et aux poètes à cause de leur aptitude à toucher en même temps l’intime et l’universel, le concret le plus sensible et l’abstrait le plus exigeant, dans une forme ciselée et sur mesure. Ces paroles vivantes, proches et lointaines, sont proférées pour nous toucher et il leur arrive de le faire.
Toutes les réalités
Je pensais et je pense toujours qu’elles peuvent avoir une valeur formatrice, ne serait-ce que nous rendre sensible  la densité mystérieuse de la vie. Donc mes élèves  ont  eu l’occasion de fréquenter Louise Labbé, Agrippa d’Aubigné,  Ronsard …Jean Joubert,  André Breton et bien sûr tous les  autres … célébrissimes ou pas.  Et  paradoxe des paradoxes, cette fréquentation loin d’enfermer les textes dans un ciel poétique et éthéré était l’occasion d’échanges, de commentaires, où  toutes les réalités étaient régulièrement convoquées. Les réalités de l’amour, de la guerre, de la vie quotidienne, du corps, de la maladie, de la joie de vivre, de l’inquiétude, de l’oppression, du temps, de l’histoire, et donc tout naturellement de la politique. N’ayez crainte, loin, très loin de la politique politicienne, comme on dit aujourd’hui.
La poésie en est l’antidote absolu. Mais elle est en même temps une voix royale pour s’ouvrir aux autres, pour construire les partages de destins  sans lesquels il n’y aurait pas de société et pas de politique, pour rendre palpable la nécessaire solidarité des hommes et des femmes, pour donner du sens aux pouvoirs et aux évènements . Regarder comment toutes les dictatures n’ont de cesse de tenter d’étouffer toutes les voix littéraires qui pourraient les gêner.
Donner du sens.
Donner du sens,  avec des mots, avec de la rhétorique, avec des images, avec de l’invention et agir sur le monde, à sa place, dans le lieu que l’on a choisi, sur la terre que l’on aime,  défendre, promouvoir, faire vivre, anoblir la langue que l’on a envie de faire vivre parce qu’elle est une partie de nous-mêmes, dire ce que l’on doit dire, faire ce que l’on dit et dire ce que l’on doit faire en payant de sa personne : les grands poètes, les phares (comme les appelait Baudelaire) se sont engagés dans ces voies –là, quel que soit ce qu’il leur en a coûté, et ils nous ont servis, ils nous servent encore  de repères. Les troubles de ce temps les rendent plus que jamais nécessaires.
Dans un petit bout de montagne, en ciselant une langue catalane que le temps et l’histoire avaient malmenée, Jordi Pere Cerda a donné du sens, des sens à partager, pour que notre bout de monde devienne le monde dans sa complexité et son universalité. Le poète et le politique ne font qu’un dans cette démarche : dire le monde, et le dire avec autant d’acuité, c’est déjà se mettre en capacité de le transformer. René Char l’a magnifiquement dit, le poète… « un professeur d’espérance. »
Jean-Marie PHILIBERT.
Ce sont là mes sentiments à la lecture du numéro spécial du TC consacré à Jordi Pere Cerda : en cette période de Noël, il y a des cadeaux modestes qui pourtant sont d’une richesse insoupçonnée.

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