Luc Châtel, vous vous souvenez sans doute de Luc Châtel !
Luc Châtel, c’est le dernier ministre de l’Education Nationale qui rêvait de
mettre à bas le service public. Avec Sarkozy et Fillon, ils lui ont porté des
coups, en particulier avec les suppressions massives de postes, qui auraient pu
être fatals. Mais avec les personnels l’école a résisté et cette résistance
n’est pas pour rien dans les changements politiques que les Français ont
souhaités lors de l’élection présidentielle.
Luc Châtel connait sans doute son Pétain par cœur puisque
dès que Peillon, le nouveau ministre, celui qui a la charge de réparer la
casse, dans ses propositions pour l’école, a prononcé les mots de « morale
laïque », lui Châtel, qui n’imagine sans doute la jeunesse
qu’enrégimentée, a tout de suite pensé au « célèbre » (je me moque)
maréchal qui rêvait de mettre les Français petits et grands au pas en leur servant
une morale adéquate faite de bon sens … et surtout d’esprit de
soumission. « Maréchal ! Nous voilà… » Les commentateurs se sont
jetés comme des rapaces sur ce début de polémique qui avait l’énorme avantage
de leur permettre de ne pas parler de l’essentiel : c’est-à dire des
urgences auxquelles le service public avait à faire face, avec des moyens
réduits, avec des orientations mortifères pour la démocratisation, avec une
mise en cause permanente des personnels… Pourquoi les discours sur l’école sont-ils
aussi régulièrement réducteurs. On focalise sur le thème du jour dont on fait
la panacée pendant un temps limité, avant de passer au thème suivant qui
servira aussi de cache misère et qui occupera les esprits.
L’essentiel
Je ne voudrais pas que la référence à la morale laïque passe
à la trappe, parce qu’elle permet de toucher à l’essentiel, la fonction de
l’école, les savoirs qu’elle dispense, le rôle des enseignants et de l’ensemble
des personnels, les visées sociales et politiques qui sont, ou devraient être, les siennes.
L’école n’est pas coupable de tout, comme on voudrait nous le faire croire,
mais elle n’est pas non plus capable de tout. Elle est une institution
importante, fondamentale, mais sa sphère d’intervention reste (heureusement) nécessairement
limitée. Il n’en reste pas moins qu’elle ne peut être qu’en relation très
étroite avec les valeurs qui fondent notre société, qui lui donnent son
originalité, sa personnalité, qui construisent son histoire et qui donc vont
modeler les femmes, les hommes qui la composent.
Et c’est peu dire que, dans les temps actuels, ces valeurs
sont passablement tourneboulées. La crise est économique, sociale et morale. Le
besoin de construire des repères efficients s’impose dans les modèles véhiculés
par une société, les inégalités prolifèrent,
les artifices de toutes sortes se parent de toutes les séductions. Ll’évocation
de la morale conduit le plus souvent à esquisser un petit sourire
condescendant, quand ce n’est pas dans certains milieux une
« franche » hilarité.
Un
pléonasme ?
Le Ministre a selon moi raison de parler de morale, mais je
ne perçois pas très bien le besoin de la qualifier de laïque. Je vois dans
l’expression « morale laïque » quelque chose qui ressemblerait à un
pléonasme. Non ! Non ! N’ayez
crainte je ne suis pas devenu un adversaire de la laïcité, mais dans une école
qui se définit comme séparée de toutes les religions, de tous les groupes de
pression, la morale de référence peut-elle être autre que laïque, c’est-à-dire
fondée sur la raison, sur la (les)
vérité(s) que cette raison permet de construire, sur la conscience et la liberté de ceux qui tentent
de se construire, sur l’esprit critique de celui qui la professe, comme
de celui qui la reçoit. La laïcité véritable, vécue, efficace, est dans cet
échange entre des êtres qui se respectent d’autant plus qu’ils se veulent libres,
mais aussi responsables d’un destin commun dans lequel ils ont besoin de se
reconnaître.
Mais là les perspectives sont complexes (pour utiliser un
euphémisme) et débordent de la seule question de l’école, de sa morale, de sa
laïcité. Je suis sûr que les prochains billets d’humeur me donneront l’occasion
d’en parler.
Jean-Marie PHILIBERT.
Jean-Marie PHILIBERT.
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