TOUT DIRE
Vous lisez
actuellement la dernière page de votre hebdomadaire préféré qui pendant
plusieurs semaines va vous manquer cruellement. A la rédaction du TC nous
sommes conscients du vide que cela va occasionner dans votre vie ; nous
aussi nous avons besoin de vacances d’autant que les temps sont rudes. Mais je
me suis promis de ne pas vous en remettre une couche sur la dureté de ce monde,
on vous a déjà tout dit ou presque sur
la finance dévoreuse d’hommes, de femmes, sur les dérives intégristes qui
parcourent le monde, sur la difficulté des patrons à distinguer humanisme et
portefeuille, sur le droite qui n’arrête pas de lorgner vers son extrême, sur
le parti socialiste qui n’a plus de dictionnaire pour réapprendre ce que
signifie le mot socialisme…
Stop ! Respirons
un grand coup et tentons de recharger les accus : notre société a besoin
de notre combat, nous devons non seulement
être en forme, mais en plus nous devons être capables de rassembler tous
ceux qui peuvent se reconnaître dans ces combats. Ce n’est pas la tâche la plus
aisée, tant les tendances au repliement sur soi
peuvent être prégnantes dans un monde hostile où les petites chapelles
en tous genres prolifèrent pour promouvoir un ersatz d’avenir.
Pour recharger les accus, j’ai une thérapie qui m’a servi
pendant mes années d’enseignement et qui a fait ses preuves : elle n’a pas
à être remboursée par la sécurité sociale, par ce qu’elle est gratuite, ou
presque. Elle est à la portée de tous. Elle nous met en relation avec quelques
esprits puissants et quelques cœurs chauds (et cela fait un bien considérable).
Elle met en branle notre imaginaire, elle comble notre soif d’utopie. Elle
parle à notre intimité et, dans le même mouvement, nous relie à toute
l’humanité. Elle sait dire les choses parce qu’elle a un art du verbe
inégalable. Même que parfois-souvent-presque toujours, elle parle en faisant
des vers, avec des rimes, avec des métaphores, avec des symboles et tout le
toutim. Vous avez deviné, mon remède
c’est la poésie. Et je ne veux pas que vous partiez en vacances seul : je
vous propose de partir avec le poème « Tout dire » de Paul Eluard.
Tout dire, c’est notre ambition au TC, mais soyons modestes, on ne le dit pas
aussi bien que lui.
La parole est au poète :
Tout dire
Le tout est de tout dire et je manque de mots
Et je manque de temps et je manque d’audace
Je rêve et je dévide au hasard mes images
J’ai mal vécu et mal appris à parler clair
Tout dire les rochers la route et les pavés
Les rues et leurs passants les champs et les bergers
Le duvet du printemps la rouille de l’hiver
Le froid et la chaleur composant un seul fruit
Je veux montrer la foule et chaque homme en détail
Avec ce qui l’anime et qui le désespère
Et sous ses saisons d’homme tout ce qu’il éclaire
Son espoir et son sang son histoire et sa peine
Je veux montrer la foule immense divisée
La foule cloisonnée comme en un cimetière
Et la foule plus forte que son ombre impure
Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres
La famille des mains la famille des feuilles
Et l’animal errant sans personnalité
Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles
La justice debout le bonheur bien planté.
Paul Eluard (1951)
Après Eluard, j’ose à
peine signer…. Jmp… en tout petit
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