Du mensonge
Quand vous mentez, surtout, surtout, n’arrêtez jamais de
mentir, sinon, c’est foutu ! La force du mensonge est dans sa pérennité.
Ceux qui, au pouvoir, ont l’ambition de nous faire avaler quelques couleuvres
appliquent ce principe élémentaire. Ils peuvent venir d’horizons divers. Leur
ambition est bien souvent de tourner le dos aux besoins sociaux. Donc, au
pouvoir, vive le mensonge. C’est la clé de toute bonne propagande. Pardon, j’ai
oublié on ne dit plus propagande on dit communication et on paie très-très cher
quelques olibrius pour s’en occuper avec des airs savants.
Je suis accablé par le monceau d’âneries en tous genres que
j’entends sur la question des retraites, venant de tout ce que la société
compte de réactionnaires patentés, de réformistes au petit pied, de
journalistes engraissés, de pseudo-spécialistes autoproclamés et d’imbéciles
heureux (ou pas) ; c’est mon accablement
qui me pousse à réagir devant des projets doctement présentés, mais mortifères
pour nos droits et plus largement pour la société. Et je me dis qu’il n’est pas
pensable de ne pas tenter de démonter la belle mécanique mensongère qui va
faire que mes enfants auront une retraite de rien du tout et que sans doute mes petits enfants n’auront pas de
retraites du tout. Pour qu’on arrête une dérive antisociale qui sera le recul
historique du siècle.
La mécanique
mensongère.
Démasquons donc les grands stratèges du mensonge.
Tout bon menteur sait
qu’il faut donner un fond de vérité à son mensonge si on veut le rendre
crédible et efficace. Une vérité imparable, vérifiable, dont même le pire
crétin ne peut être que convaincu. Ici la vérité sera claironnée sur tous les
toits, tous les tons : l’espérance de vie a considérablement augmenté, on
vit plus longtemps et on vivra de plus en plus longtemps, tellement qu’il n’y
aura pratiquement que des vieux partout. Après la vérité, le menteur utilise la
logique. Conséquence logique donc de cette vérité, il faut que les vieux
travaillent plus longtemps. D’autant qu’on n’arrête pas de seriner dans les
oreilles du vieux qu’il reste jeune de plus en plus tard grâce aux miracles de
la médecine, de la gymnastique, de la chirurgie, des pommades de perlimpinpin.
Il va sans dire que le vieux doit être content d’une perspective qui le sort de
l’image ringarde du papé ou de la mamée
et qui le promet à une sorte de jeunesse éternelle.
Ce moment d’euphorie est tout à fait propice à l’introduction
d’un très gros mensonge que l’on présente comme une évidence : les caisses
sont vides, elles le seront de plus en plus, il manque 7, 8, 9, 10 milliards
d’euro, en 2020 c’est la faillite, en 2030 la Bérézina, et au-delà l’idée même
de retraite ne sera plus qu’un très lointain souvenir. Donc si l’on veut que le
jeune adulte de 2013 ait la possibilité d’avoir une retraite dans quelques
décennies (et le plus tard sera le mieux), il faut dès aujourd’hui réduire les
pensions actuelles et futures, allonger le temps de travail,
payer des cotisations de plus en plus élevées ... pour toucher des
pensions de plus en plus basses dans un avenir de plus en plus lointain. C’est
indéniable ! Indiscutable !
Menteur et
hypocrite.
Il est bon alors d’ajouter une cerise sur le gâteau à
l’attention de tous ceux qui dans notre pays sont attachés au droit social et
on sait qu’ils sont nombreux ( il n’est pas facile d’effacer d’un trait de
plume l’héritage du programme du conseil national de la résistance et des
acquis sociaux de la Libération) : et d’avancer l’argument imparable qui
vise à faire qu’un consensus le plus large possible s’instaure pour
justifier une remise en cause de plus en plus profonde . Il ne s’agit ni plus
ni moins que de sauver le système solidaire par répartition qui est le
fondement de notre législation sociale. La boucle est bouclée du patronat le
plus ringard à la gauche plan-plan, en passant par la droite égoïste et les
syndicats obéissants, ils auront ainsi sauvé l’essentiel et fait dans le
social, comme on fait dans son pot.
Mentidas ! Comme on dit ici. La répartition, ils sont
nombreux, les réactionnaires, à avoir tout tenté pour la faire crever ;
les caisses ne se sont vidées que des effets d’une crise qui a produit des
millions de chômeurs et d’une austérité présentée comme le modèle indépassable
d’une Europe en plein pétrin. Relançons la croissance et les caisses se
rempliront. Servons-nous de l’augmentation de la productivité du travail qui a
décuplé et rétablissons plus de justice dans une répartition équitable des
fruits du travail en faveur de ceux qui … travaillent ou ont travaillé et non
plus en faveur de ceux qui se contentent de faire travailler leur pognon. Quant
à la soif de travailler au-delà des limites du raisonnable … Je pense à
mes collègues enseignants dans leurs dernières années de boulot, je pense à mes
dernières années, le plaisir de dispenser le savoir était peut-être intact,
mais il fallait ramer plus violemment, et quoi qu’on dise, ça use. Ça use tellement d’ailleurs que si l’on
continue sur cette voie-là la vérité de départ risque de se transformer en
contre vérité et notre espérance de vie au lieu de croître va diminuer. Des
spécialistes auraient déjà perçu les premiers signes de cette évolution.
De la conférence sociale qui se termine, je retiens que les
organisations syndicales dignes de ce nom ont prévu d’appeler les citoyens de
ce pays à démasquer les menteurs. Une nouvelle fois la vérité sera dans la
rue. Cela vous étonnerait-il ?
Jean-Marie PHILIBERT.
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