Les mots et l’être
« Je fais savoir que
j’ai mis fin à la vie commune que je partage avec Valérie Trierweiller »
Non ! N’ayez crainte le
TC ne sombre pas dans les bas-fonds de la presse pipeul. Nous voulons
simplement nous saisir d’un incident concernant les grands (?) de notre monde
pour analyser le pouvoir des mots, leurs rapports aux choses et aux êtres, et
les révélations qu’ils peuvent faire derrière ce qu’ils disent ou cachent.
Le propos d’Hollande a le mérite de la clarté et de la
brièveté, mais le laconisme même qu’il manifeste est porteur de sens. Il révèle
son homme qui veut en dire assez pour qu’on comprenne bien (je fais ….j’ai mis
fin …je partage) que c’est lui qui rompt. La rupture est aussitôt affirmée
et consommée. Il veut déjà apparaître comme ailleurs, dans un nouvel épisode, dans
une autre vie. Qu’on ne vienne plus l’embêter avec une affaire qui ne le
concerne plus.
Une éducation affective
à refaire.
Qu’il y ait de la maladresse
(euphémisme), un manque élémentaire de tact (re-euphémisme), de la goujaterie
(vision malheureusement réaliste) et une preuve que le personnage en question a
son éducation affective à refaire (jugement personnel) est indéniable.
Que l’affaire soit privée ou
publique importe peu, il y a en la matière quelque chose d’indigne de la part d’un
élu de son niveau qui devrait faire du respect de l’autre une règle absolue. Je déplore qu’ici
normalité et médiocrité se confondent.
On aurait pu certes connaître
pire, du genre « casse-toi poupée ! » Les mots dans leur cruauté
et leur vulgarité auraient peut-être mieux correspondu au personnage et à la
situation. Mais avec « Casse-toi pauvre con !» son prédécesseur,
lui avait déjà fourni des éléments de
vocabulaire qu’il n’a pas osé reprendre : Hollande est énarque, et Sarkozy
un malotru. On a de l’éducation !
Des subterfuges plus
subtils.
Il aurait cependant pu
trouver des subterfuges plus subtils qui lui auraient permis une transition
plus soft.
En utilisant les arguments
juridiques par exemple, du genre, « Madame Trierweiller, vous ne
bénéficiez d’aucun contrat en bonne et due forme qui vous permette de continuer
à occuper les appartements du Palais de l’Elysée où vous avez élu domicile,
vous devez donc impérativement et rapidement libérer ces locaux. ».
Il aurait pu se faire
poète : « Il n’y a pas d’amour heureux …Tu te rappelles Aragon, Eh
bien figure-toi que ce n’est pas que de la poésie, Cela peut être la réalité,
ta réalité. Si tu dois te plaindre, écris à Aragon… C’est lui le
responsable. »
Il aurait pu se cacher derrière
les petits copains du gouvernement qui auraient pondu un décret du genre
« A compter de ce jour il est mis fin
par décision du gouvernement aux
fonctions de première dame de Valérie Trierweiller pour des raisons strictement
budgétaires»
Il aurait pu user et abuser
d’un humour mal placé dont on dit qu’il est coutumier : « Je suis le
président du mariage pour tous… sauf pour toi, pas de chance, Valérie !
Mais c’est pas grave. »
Nous avons du mal à imaginer
qu’il puisse pousser la sincérité jusqu’à un cynisme politique peut-être
déplacé, mais dont nous faisons souvent l’expérience : « Je te
l’avais bien dit qu’on ne peut jamais faire confiance à un socialo ».
Et l’humain ?
Bien sûr, il ne fallait pas
s’attendre à très grande une humanité politique, peu habituelle chez le
personnage, du genre : « Des millions de chômeurs ne m’émeuvent pas
beaucoup… alors une femme plaquée, ça me laisse de glace »
Quant à attendre une
expression affective vraie, n’y pensons même pas. La politique et l’humain
seraient-ils fâchés au point de négliger ce qui fait le sel de la vie, ce qui
nous constitue dans notre histoire et dans notre destin, dans notre relation au
monde et aux autres, ce qui est l’expression la plus forte de notre liberté, ce
qui construit nos désirs les plus fous et sans doute les plus beaux : les
relations amoureuses, au sens le plus large et le plus riche du terme.
Mais la phrase laconique
d’Hollande nous confirme que l’humanité, vraie, riche, sensible, vivante, comme
nous l’entendons, ce n’est pas exactement son truc à lui. Et peut-être pas
seulement en matière… amoureuse.
Jean-Marie Philibert.
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