A droite,
encore !
Il y a déjà pas mal de temps que ça ne tourne plus rond, ou
plutôt que ça ne fait que tourner en rond puisque nous sommes sur une route qui
ne nous laisse comme possibilité que de tourner à droite, toujours à droite, et
de plus en plus à droite. Et qu’ainsi en spirale nous nous enfonçons, nous nous
enlisons dans la droite de la droite avec le sentiment fort désagréable pour
tous ceux qui sont en mesure d’avoir les yeux grands ouverts sur le monde (
l’œil droit, mais aussi l’œil gauche), de considérer que leur horizon est plus
en plus plombé, que leur liberté est de plus en plus réduite, que leur avenir
est de plus en plus sinistre. Le dernier signe : c’était il y a quelques
jours quand des milliers de manifestants ont protesté dans les rues de la
capitale parce qu’un projet de loi envisageait de supprimer la référence à une
détresse possible de la future mère pour autoriser une IVG, c’était dans la
foulée la bataille des députés de droite pour empêcher que soit voté ce projet
de loi qui améliore un loi qu’ils avaient eu beaucoup de mal à voter il y a
quelques décennies. Signe des temps ! Signe de ce qu’il est maintenant
convenu d’appeler une droitisation de la société !
Une
tendance lourde ?
Un de ses leitmotivs médiatiques est la prévision du score
obtenu par le Front national aux prochaines élections. De la presse nationale à
la presse locale, c’est le thème récurrent sur lequel chacun a son avis qu’il
proclame avec le ton pontifiant qui convient et avec la certitude que nous
sommes face à une tendance très lourde que rien ( ou pas grand-chose) n’est en
mesure d’arrêter. La droitisation de la société conduirait inexorablement à la
lepenisation des esprits. Dans les milieux intégristes, on jubile et on attend
l’échéance.
Dans le camp des progressistes on s’interroge certes sur une
évolution qui inquiète : on essaie d’y voir un peu plus clair dans cette
évolution. Est-on sur une dérive conjoncturelle ? Une adaptation difficile
à des évolutions sociétales qui ne font pas consensus, comme le mariage pour
tous ? Ou est-on face à une glaciation plus profonde du terrain social,
sur fond de crise économique qui touche aussi le long terme ? La
conscience de la difficulté à rendre prégnants les discours progressistes est
forte, quels que soient les degrés de radicalité de ces discours. Le PS le joue
plus soft que le Front de gauche, mais les effets sont aussi peu satisfaisants.
On glisse à droite, on vit notre époque comme un moment de
déclin et d’inquiétude, on se laisse enfermé dans l’individualisme, le repli
sur soi, le rejet de l’autre. On a la nostalgie d’un passé révolu, et on a en
même temps du mal à construire des perspectives. Les forces de progrès seraient
devenues un progrès sans force.
Pas de
place à la fatalité.
Dans cet univers hostile et bas de plafond, face à ce cycle
conservateur et réactionnaire, face à cette déferlante de peurs en tous genres,
la fatalité n’a pas sa place, même si nous mesurons l’ampleur de la tâche. La
part d’humanité que nous portons chacun en bandoulière doit nous amener à
réagir individuellement et collectivement en nous appuyant sur des valeurs
certes mises en mal, mais profondément ancrée dans les consciences, des valeurs
de justice, de solidarité, de démocratie, d’égalité, en nous appuyant aussi sur
le sentiment insupportable devant la prolifération de la misère et de la
détresse sociales. A nous organiser et à nous unir, mieux que nous le sommes!
Je reste convaincu que l’opinion n’est pas exactement le
reflet de nos aspirations profondes. Je reste persuadé que les difficultés
socio-économiques qui touchent peu ou prou tout un chacun oblitèrent notre soif
de changement, mais que nous le souhaitons intensément. Je sais d’expérience
que les politiques de droite nous ont conduits dans le mur ; je sais que
face aux défis qui nous sont lancés les atermoiements à la sauce hollandaise ne
seront d’aucun secours. Alors ?
Il nous reste l’exigence, la lutte, l’unité, la construction
patiente et raisonnée de la riposte, le progrès social, les progrès sociaux
avec tous ceux qui refusent de tourner en rond, parce qu’ils n’aspirent qu’à
une chose aller de l’avant.
Jean-Marie Philibert.
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