les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 11 mars 2014

mémé



Une leçon d’humanité
Si nous parlions littérature … Pour quoi écrire ? Sans doute, le plus souvent pour parler de soi. Mais cela peut-être aussi pour parler  de ceux que l’on aime, de ceux que l’on a aimé(e)s, de ceux qui vous le rendent bien ou qui vous l’ont bien rendu. Cela colore d’un peu de bonheur un monde qui en manque cruellement. Nous sommes alors aux antipodes de la littérature à la mode qui s’emberlificote les crayons dans des histoires tortueuses, compliquées et sinistres d’écrivains qui tournent autour de leur nombril. Un livre peut tirer sa richesse de sa simplicité et par là même nous nourrir d’une vérité que les humains que nous sommes côtoient tous les jours sans nécessairement l’apprécier dans toute sa richesse.
La Mémé de Philippe Torreton.
La richesse de Philippe Torreton, ce fut sa mémé. Philippe Torreton, vous connaissez ; c’est cet acteur de théâtre et de cinéma qui fut un brillant sociétaire de la Comédie française, qui a obtenu un César. Un homme qui, quoi qu’il dise, vit dans les paillettes de la société du spectacle. Cet homme à près de 50 ans a besoin d’écrire  sur sa mémé, de faire tout un livre sur sa mémé. Non pas une biographie, riche et documentée, sur une grand-mère embourgeoisée et célèbre. Tout simplement une évocation sensible, simple et profondément humaine d’une femme très modeste, de celle qui a accompagné son enfance et sa vie et qui a contribué à le faire ce qu’il est. Une mémé normande  dont il a toujours craint la disparition,  qu’il savait inéluctable. Il la fait revivre devant nos yeux avec une intensité sobre et forte. Une leçon de littérature et d’humanité en même temps.
Pas de chronologie, pas d’ordre apparent, pas d’analyse psychologique, psychanalytique, sociologique, une évocation de la destinée de Denise Porte, née en 1914, des moments de sa vie, des sentiments qu’elle éveillait chez un jeune garçon qui semble comprendre qu’il a là un trésor à préserver et à partager.
Gardien de mémé.
Ainsi le début de l’ouvrage est emblématique : enfant malade il est gardé par sa grand-mère. Ils dorment dans la même chambre. En « gardien de mémé », il l’écoute dormir. Elle ronfle. Parfois les ronflements s’arrêtent. Il a peur qu’elle meure. « Je ne voulais pas qu’elle meure avant mes vingt ans, car à vingt ans on est grand, on est un homme et un homme c’est dur à la peine, mémé, il faut tenir ! A vingt ans, j’ai repoussé la date de « mort acceptable » à trente. Quand elle a arrêté de respirer pour de bon, j’en avais quarante et je n’étais toujours pas devenu un homme. ».
Le récit se terminera bien sûr, par la disparition de mémé, l’émotion intense est surtout faite de retenue. Nous avons alors le sentiment de très bien connaître cette mémé-là, sa maison d’une humidité inguérissable, nous sommes dans la Normandie profonde. Son « intérieur Emmaüs », comme il l’appelle. Sa visite à la Comédie française pour voir son petit-fils jouer Figaro dans le Barbier de Séville, un très grand moment pour la mémé, pour le petit-fils et pour le lecteur. Son peu d’argent qu’elle distribue généreusement à ses enfants. Les hommes de sa vie, ses deux maris et surtout son frère Bernard tué au maquis. Sa vie d’ouvrière et de fermière.
« Te voir, c’est voir le réel sans fards, ni esthétismes ».
Tous les enfants qu’elle a nourris et élevés, trois filles (dont la mère de Torreton), les cinq enfants de son second mari et le petit dernier qu’elle a fait avec lui, un peu feignant et rocker. Une vie de labeur. « Jamais mes mains ne porteront ne serait-ce qu’un dixième du poids de ce que les tiennes ont porté pendant leur vie de main de mémé. »
Si cette « Mémé » passe à côté de vous, n’hésitez pas. Prenez le temps de la connaître, de l’écouter, de la voir agir et vivre dans une ouverture permanente aux autres. Quand l’écriture rencontre ainsi la vie, elle contribue à nous réconcilier avec l’humanité.
Jean-Marie Philibert.

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