Sourd !
L’actualité bouscule les projets, y compris pour les billets
d’humeur. C’est dur de parler quand les événements vous laissent sans voix,
même si vous les subodoriez un tout petit peu. J’avais annoncé au comité de
rédaction que je souhaitais évoquer le dernier meeting de la liste Cresta, le
jeudi 20 juin, à la Salle des Libertés et que je ferais ensuite un parallèle entre les propos tenus lors de
cette réunion électorale et les décisions prises après le premier tour pour
préparer le second. Et puis les résultats du premier tour tombent : le FN
largement en tête en capacité de gagner au second tour, la droite locale en
deuxième position, et mal en point, la liste de gauche, menée par le député
socialiste Jacques Cresta ne parvenant pas à 12 %, et puis l’éparpillement
devant la multiplicité des candidatures, et puis un taux d’abstention
inquiétant. Les propos tenus lors du meeting paraissent dérisoires face à ce
moment de vérité. Oublions-les.
Occupons-nous du présent : il y a suffisamment à faire
et à comprendre. Enfin si on peut… Le
présent, c’est le second tour des municipales et ce qu’il y a lieu de faire
pour empêcher qu’une ville comme la nôtre serve de terrain d’expérience au FN.
Je laisse à d’autres la charge compliquée d’en parler.
La panade.
Le présent, c’est aussi la panade dans laquelle vingt-deux
mois de politique social-libérale nous a mis et la surdité (l’aveuglement, dit
l’Huma de ce mardi) d’un pouvoir qui continue d’avancer sur ce même terrain.
Les signes, c’est cette semaine qu’a été conclu un nouvel accord concernant
l’indemnisation des chômeurs qui entérine des reculs dans certains domaines,
qui fait payer aux seuls salariés les quelques mesures un tout petit peu
positives pour justifier par des organisations syndicales complaisantes une
signature qui ne peut qu’aider le pouvoir à enfoncer un peu plus le clou des
régressions sociales tout azimut.
Les signes, c’est la journée de grève et de manifestation du
18 mars qui a vu la CGT, FO, la FSU et Solidaires descendre dans la rue pour
dénoncer le pacte de responsabilité qui fait tellement les beaux jours du
patronat qu’il en redemande : après les trente milliards de cotisations
familiales qu’il va s’économiser, il rêve de tout ce qui peut tomber dans son
escarcelle.
Panpancucu.
Le pouvoir reste sourd à toutes les revendications au
prétexte qu’il mène la seule politique possible, que ça ira mieux demain, que
les contraintes européennes nous
imposent de réduire les déficits et que les agences de notations nous feront
panpancucu si nous n’obtempérons pas.
De la part d’un pouvoir qui se réclame de la gauche une telle
surdité est insupportable, d’autant plus que s’y révèle une souffrance sociale
chronique qui touche de larges pans de la population et qui semble aux
antipodes de l’auto-satisfaction des ministres qui défilent sur le petit écran.
Ils vivent sur une autre planète. Comment s’étonner des réactions électorales
que l’on vient de connaître ?
Le gâchis.
Et si l’on remonte un peu dans le temps, on retrouve ces
tendances très lourdes qui organisent la régression sociale : la réforme
des retraites a enfoncé un peu plus encore les retraités dans la pénurie. Il
faudra cotiser plus longtemps pour toucher une retraite réduite. Et toujours
une même stratégie : on s’appuie sur les syndicats
« béni-oui-oui » pour faire croire que les intéressés peuvent être
d’accord. Quelques mois auparavant avec l’ANI ( « l’accord sur la
compétitivité et la sécurisation de l’emploi »), on s’était attaqué au
code du travail qui, bien sûr, était d’une lourdeur insupportable. Là aussi on
avait trouvé des partenaires compatissants. On mesure aujourd’hui les dégâts
provoqués par cet accord sur les droits des salariés. Et puis des salaires qui
stagnent lamentablement, des usines, des entreprises qui ferment, des services
publics que l’on malmène. Un vrai gâchis social. Les seules réponses : des
anesthésiants, la vaseline, le mépris.
A ne pas écouter ce qui monte du peuple, il ne faut pas
s’étonner d’avoir des réveils douloureux. C’est vrai pour les partis au
pouvoir, c’est vrai pour Hollande, pour le gouvernement, pour le PS pour ses
alliés. L’électorat a le sentiment d’avoir été trahi.
Dernier
constat et petite lueur d’espoir.
La gauche dans son ensemble n’est pas épargnée par le
réveil douloureux, même si des résultats dans certains secteurs peuvent
paraître encourageants pour ceux qui, à gauche de la gauche, tentent de
reconstruire des perspectives crédibles de transformations sociales.
La voie est sans doute étroite, à nous de nous y engouffrer
les plus nombreux possible.
Jean-Marie Philibert.
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