La
démocratie corsetée.
Dans quelques semaines nous allons voter pour les élections
municipales dans toutes les communes de France. On pourrait, on devrait même se
réjouir de l’importance de cet exercice démocratique, de ce qu’il apporte à la
collectivité, de ce qui s’y joue en termes de formation de la citoyenneté.
Certes l’intérêt pour cette élection n’est pas négligeable, mais la
polarisation sur telle ou telle situation locale, la propension des média à ne
voir d’intérêt que dans la performance que pourraient faire les sbires des le Pen, père et fille, la difficulté des
candidats à porter une orientation politique clairement lisible, le sentiment
qu’entre les discours politiques et ce que vivent les Français aujourd’hui le
fossé ne cesse de s’agrandir plombent une démarche qui aurait pu être
exemplaire pour la démocratie.
On ne dit
pas tout.
Il aurait fallu pour cela en donner tous les tenants et les aboutissants, ne pas laisser, par exemple, dans les coulisses, une dimension importante
de cette élection qui est la politique que vont mener les agglos qui dans les
faits sont devenues les éléments centraux des politiques municipales devant
l’avalanche de compétences qui leur sont dévolues. Mais cela dans une opacité
absolue, dans une gabegie de moyens, incontrôlés et incontrôlables. Voir
l’agglo perpignanaise et son armée mexicaine de vice-présidents à l’efficacité
douteuse. Comme si la démocratie s’arrêtait à la porte des agglos. Circulez, il
n’y a rien à voir ! Tu parles ! Pas étonnant que les électeurs aient
un peu le sentiment que les dés sont pipés et n’aient qu’un intérêt limité pour
l’élection du mois de mars.
On
s’arrange.
Le même sentiment peut prévaloir si l’on sort du cadre
communal pour aborder la politique nationale et européenne. Au moment où
j’écris ce billet d’humeur, à la demande du président de la république, les
partenaires sociaux, comme on dit par euphémisme, pour ne pas appeler un chat
un chat, en clair les patrons et les salariés,
sont réunis pour discuter de la mise en musique du pacte de
responsabilité décidé par Hollande, soi-même. Pacte de responsabilité :
autre euphémisme pour ne pas dire « combine » avec les patrons
auxquels on s’engage à lâcher quelques milliards d’euros pour les inviter
gentiment à créer des emplois. Avec, en prime, l’engagement gouvernemental de
faire disparaître des épaules patronales qui n’en peuvent mais, les charges
éhontées de la branche famille. Plus de 30 milliards d’euros qu’il faudra
trouver ailleurs, si l’on ne veut pas réduire les allocations distribuées.
On s’assied
sur la démocratie.
Dans le même temps le gouvernement planche sur 50 milliards
d’économie à réaliser dans les années à venir. Des conséquences profondes sont
à attendre, dans notre quotidien, de tels projets. Quid de nos représentants à
la chambre des députés, au sénat ? Où est la prise de décision
démocratique ? On leur demandera peut-être leur avis quand tout sera
décidé, en leur disant que quel qu’il soit,
le gouvernement, en clair le président soi-même et son staff super
éclairé, prendra la décision qu’il faudra prendre parce qu’elle a l’accord de
tous. Des patrons bien sûr, qui sont l’âme et la richesse du pays (imaginez ce
que serait un pays sans patron !) et de quelques organisations syndicales
(vive la désunion syndicale !), dont certaines, les plus mollassonnes
et/ou les plus inféodées aux pouvoirs, ont déjà décidé que le pacte de
responsabilité, c’est que du bonheur !
Des
entraves à lever.
Le salarié, comme le citoyen, a un peu le sentiment qu’on se
fout de lui, que les décisions les plus importantes sont prises sans qu’il
puisse exprimer ce qu’il a à dire. Les fondements de la démocratie ne sont pas
que formels et ne se limitent pas à l’isoloir. Nous ne sortirons pas des
difficultés qui sont les nôtres sans une
réactivation à tous les niveaux et dans tous les secteurs des démarches
démocratiques et de notre capacité à imposer que le peuple soit entendu.
L’aristocratie, puis la bourgeoisie, avaient imposé aux
femmes le port de corsets qui valorisaient peut-être leurs formes, mais qui
avait surtout la vertu de les entraver dans leur vie quotidienne et de
restreindre leur liberté.
Nos gouvernants, de la droite au PS, redécouvrent les vertus
du corset pour la démocratie. Des entraves à l’expression des besoins sociaux,
des entraves à notre liberté.
Débarrassons-nous de tous les corsets. Ça commence le 18 mars
Jean-Marie Philibert.
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