Le péché de
Kerviel.
Pour entrer dans la culture judéo-chrétienne qui, quoi qu’on
dise, ou quoi qu’on pense, a contribué à fonder nos modes de pensée, la voie du
péché est une voie royale. C’est la voie que je souhaite vous faire emprunter,
le temps de ce billet d’humeur. N’ayez crainte, je n’ai aucune volonté
diabolique de vous pervertir. Seulement
l’ambition de pénétrer avec vous dans l’âme (tiens !) humaine.
L’affaire Kerviel qui ré-occupe l’univers médiatique depuis
que le susnommé après avoir connu l’onction papale a fait la connaissance des
geôles de Menton m’en fournit l’occasion.
Kerviel, vous connaissez, c’est ce trader de la Société générale qui a
pris des risques fous en gérant l’argent de sa banque en abusant d’un peu tout
le monde, en multipliant dans un premier temps les gains sous le regard
admiratif de tous, , en allant toujours plus loin dans le non-respect des
règles, jusqu’à … la chute, le trou noir, la dégringolade, l’impossibilité de
camoufler quoi que ce soit, les milliards perdus par la banque, l’arrestation,
le procès….La faute, le péché et la punition.
Fabriquer
de l’or sur du vent.
Le péché d’orgueil sûrement devant le sentiment de
toute-puissance face à l’argent que lui offrait son métier : il fabriquait
de l’or sur du vent pour ses patrons qui ne tarissaient pas d’éloges pour
lui ; ses résultats professionnels étonnaient son entourage ; il
semblait, lui, en mesure de rivaliser avec cette divinité financière qui nous
obsède tous les mois, le saint pognon, il le multipliait comme les petits
pains, à l’image du christ. Pendant que nous, nous courons après sans jamais
l’attraper.
La faute était impardonnable et elle n’a pas été pardonnée.
Kerviel a été condamné,
comme un coupable solitaire qui a contrevenu aux sacro-saintes lois de la
morale financière : tu ne toucheras pas au pognon qui ne t’appartient pas.
Ça, c’est un péché. L’incurie, la naïveté ( ?), la duplicité de ses
patrons sont certainement des erreurs, mais pas des péchés. Il est donc facile
de les faire oublier.
La
rédemption.
Pour les péchés, c’est plus délicat, mais pas désespéré, la
culture judéo-machinchouette dont nous avons déjà parlé a tout prévu :
après la faute, le pardon, après le péché, la rédemption. La rédemption impose
une cure d’humilité : au moment du péché on faisait le fier, après le
péché on devient tout petit, tout fragile, tout faible. Kerviel a bien senti
cette obligation de changer de registre, d’autant qu’il avait en face de lui la
toute-puissance des banques et toute la collusion dont elles sont capables avec
l’état qui, c’est connu, préfère l’argent aux hommes. C’est guidé par cette
nécessité qu’il a entrepris son pèlerinage à pied à Rome, qu’il a touché la
main du pape, et qu’il en est revenu si ce n’est absous, au moins quelque peu
allégé du fardeau du péché.
Reste la dernière étape : celle qui peut demander le
plus de temps, mais qui semble dans ses cordes. L’étape de la
transfiguration : le pécheur est transformé en son contraire, il peut
devenir héros vertueux, parangon d’honnêteté. Dans son cas cela pourrait être
génie de la lutte anticapitaliste et pourfendeur de la nocivité diabolique des
banques. Le péché aura là terminé son parcours, puisqu’il a transformé le mal en bien… et que tout peut
continuer comme avant… jusqu’au prochain péché.
Les péchés
en eaux troubles.
Je crois que beaucoup de nos grands pécheurs devraient
méditer sur le péché de Kerviel, ils devraient s’en inspirer plutôt que de
finasser avec une justice qui risque de les rattraper et avec une opinion
publique qui ne les croit qu’à moitié. Les DSK, les Cahuzac, les Tapie et
consort, cessez de jouer les oies blanches et redevenez les pécheurs que nous
sommes tous. Humblement.
Parce que c’est là la super-réussite de la culture
judéo-machin-truc : pécheurs, nous sommes, pécheurs, nous resterons. Tous,
tous, tous !
Tout le reste est dérisoire et inutile: comme par
exemple notre prétention à changer le monde, comme notre volonté de réduire le
pouvoir de la finance, comme notre ambition d’un monde solidaire, comme notre
folie de croire à l’engagement responsable.
Dérisoire ? Inutile ? L’espérance du peuple !
Dérisoire, le plein emploi ? Les salaires décents ?
Le progrès social ?
Sus au péché ! Il est grand temps d’en finir avec tous
ces péchés en eaux troubles et ces idéologies qui nous enfarinent.
Jean-Marie Philibert.
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