Légitimité
et légalité ne sont pas nécessairement copines…
Légitime ? Légal ? Beaucoup de tartuffes essaient
d’enfermer, dans ce dilemme, ceux qui résistent. Tous ceux qui ont l’outrecuidante
ambition de ne pas accepter des décisions, des projets, des réalisations d’un
pouvoir en place, surtout quand il tourne le dos aux revendications maintes et
maintes fois exprimées, mais jamais entendues. Et de dire à ces récalcitrants,
à ces mauvais esprits, à ces perturbateurs que ce qu’ils demandent est illégal,
que la décision prise a tout bien respecté, comme il faut, les règles, la loi
et tout le toutim, et que c’est trop tard, qu’il n’y a plus qu’à se soumettre,
à être gentil-gentil avec le pouvoir. La légitimité possible de la
revendication n’a aucune valeur devant la légalité imparable de la décision
prise. Et d’autant plus que ce pouvoir a été élu démocratiquement (ce qui est
malgré tout la moindre des choses dans
nos démocraties). Dans le match récurrent légitimité-légalité, la légalité ne
peut jamais perdre, selon tartuffe. Et ceux qui penseraient le contraire ne
seraient pas de bons démocrates.
Un débat
relancé.
Le drame de Sivens est une nouvelle fois l’occasion de
relancer le débat.
A chaque bagarre, ou presque que vous avez pu mener dans
votre vie, vous l’avez entendu : ce que vous dites, ce que vous faites
n’est pas légal. Et si par malheur, vous avez l’audace de dire aux forces de
l’ordre que vous ne partagez pas leur conception de la légalité, le panpan-cucu
vous menace. Et si bêtement vous insistez, si vous montez aux arbres,
si vous criez, si vous vous habillez en rebelles, si vous occupez les
lieux, si vous ne reculez pas devant la « Loi » incarnée par des
casques qui surplombent des fronts bornés, vous risquez d’avoir
« droit » à un jet de grenades offensives. Oui ! Comme à la
guerre. Comme à Sivens ! Oui ! On ne plaisante pas avec la légalité,
la vie d’un jeune homme de vingt ans est de peu de poids.
Devant la toute-puissance de l’argument de la légalité, tous
les pouvoirs portent un soin attentif à en respecter les formes, quitte à
manœuvrer quelque peu pour donner l’impression que tout a été fait comme il
faut (voir le dernier lu-vu-entendu du tc sur le barrage en question). Si une
assemblée d’élus a en plus donné son accord, c’est pain bénit : on peut
foncer, les opposants mènent un combat d’arrière-garde qui est bien sûr perdu
d’avance.
De la
roupie de sansonnet.
Dans le même temps, les questions de la légitimité de la revendication,
de la légitimité des arguments, l’intérêt des groupes qui ne se reconnaissent
pas, à juste titre souvent, dans les décisions envisagées, les voix
discordantes qui ont aussi légitimement le droit d’être entendues ne sont que
roupie de sansonnets ou de la crotte de bique.
Observez les luttes qui se mènent dans le département, et vous aurez l’illustration du peu de cas
qui est fait, par le pouvoir, de la
légitimité des discours revendicatifs : le centre Bouffard Vercelli à
Cerbère, le train jaune, le centre de tri de Thuir…
Une
bataille jamais perdue.
Par contre si la légitimité de la revendication est telle
qu’elle rassemble des foules considérables, qu’elle crée de l’émoi, qu’elle
suscite une bataille longue et massive, là peut-être la légalité peut devenir
plus fragile, plus provisoire, plus aléatoire. Jusqu’à la reculade qui peut
être partielle, provisoire, trompeuse, ou définitive.
L’important, pour les têtes de mules que nous sommes, est de
ne jamais lâcher le morceau. Tel Sisyphe qui ne cesse de pousser son rocher au
haut de la montagne. La bataille de la légitimité de nos actions n’est jamais
perdue. Elle a la force de notre conscience et elle a fait la preuve
quotidiennement que la légalité, sans elle, n’est que peu de choses, N’est-ce pas
ce goût immodéré pour les combats légitimes qui nous a donné de temps à autres
quelques lois progressistes... N’en déplaise à tous les tartuffes.
Jean-Marie Philibert.
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