Vu du ciel
Ils se croyaient tranquilles les deux compères, retirés des
affaires, comme on dit, depuis que la grande faucheuse les avait rattrapés pour
les envoyer dans les nuages couler une inexistence la plus paisible possible.
Le plus âgé, Georges, était arrivé le premier, après une vie trépidante, il
avait poussé tous les bouchons le plus loin possible. Malgré tous les conseils
de modération, il n’écoutait personne d’autre que lui. Il avait choisi de
s’installer pour une concession perpétuelle sur le cumulus nimbus de la
Septimanie, du nom d’une antique province romaine dont il avait toujours rêvé
d’être le Caesar Imperator.
Le moins âgé, Christian, qui vouait à Georges une admiration
sans borne, l’avait rejoint quelques années plus tard. A la disparition de
Georges, c’est dire sa passion, il s’était assis sur son fauteuil, dans son
bureau, dans son boulot régional pour le poursuivre comme son mentor le lui
avait appris, jusqu’à la fin du mandat, fixé par le …destin.
Ils étaient donc installés sur le même nuage à observer sur
le plancher des vaches les terriens de Septimanie et d’ailleurs sans se priver
de commenter. Ce n’étaient pas des taiseux et des timides. Vous les avez reconnus
les deux compères, présidents successifs de notre région Languedoc-Roussillon
qu’ils avaient contribué à construire. De là-haut ils n’avaient pas tout suivi
de l’entreprise de démolition d’Hollande et Valls. D’où leur surprise !
Ce jour-là,
le réveil fut rude.
Le jeudi 27 novembre, un immense cri traverse la galaxie,
« Oh ! Putaing ! Ce qu’ils ont fait ! Les
cons ! Les cons ! Les cons !
-Qu’est-ce qu’il y a Georges ? Tu m’as réveillé :
le sommeil éternel ne le sera donc jamais. Ils ne savent pas ça sur terre. A
toi tout seul, tu fais plus de bruit que toute la feria de Millas. Laisse-moi
dormir.
Ils cassent
ce qu’on a fait.
-Dormir ! Il veut dormir ! Ils sont en train de
casser tout ce qu’on a fait : une région qui ressemble à quelque chose, des départements qui
penchent à gauche, une capitale régionale qui fait des envieux… Hollande et
Valls, ça ne m’étonne pas : ils ont tout faux depuis le début. L’un, il
est fada de sa Julie, et l’autre, il est amoureux de Gattaz. Le reste ne compte
pas pour eux. Mais ceux d’ici, ceux qui ont travaillé avec nous, qui ont voté
comme nous, qui ont pensé comme nous. Ceux à qui on a tout appris, ceux qui
nous doivent tout et tant. Tu tournes le dos, ils versent une larme sur ta
caisse et ils oublient tout.
-Explique-moi, Georges ! Je ne comprends rien.
-Lis sur ta tablette interstellaire les déclarations de tes
petits poulains Aylagas et Cresta après leur abstention à la Chambre des
députés lors du vote sur la fusion des
régions. Et tu comprendras, Christian, l’ampleur du désastre.
Pour/Contre,
on ne sait plus.
-Bip, bip « le projet ne me satisfait pas… j’ai souhaité
montrer que le Languedoc-Roussillon avait une identité propre, une identité
politique, une identité de projets…je veux qu’on en tienne compte… je suis
contre la fusion mais je ne prends pas le risque de mettre le gouvernement en
minorité », dixit Cresta.
-Et maintenant, écoute Aylagas, Christian, c’est du même
tonneau « J’aurais voté pour la nouvelle région et la fusion avec Midi
Pyrénées … je me suis abstenu par rapport à Georges Frêche … Par rapport à
Christian Bourquin aussi ... De toute façon mon vote n’aurait eu aucune
influence sur le scrutin. » Il dit qu’il ne sert à rien, et en plus il se
sert de nous ! Je pensais que la mort signifiait la fin des souffrances.
-Mon dieu ! Quelle tristesse !
-Mon dieu ? Mon dieu ? Qu’est-ce qu’il te prend,
laisse-le où il est celui-là, dans la sphère des vanités absconses et
occupons-nous davantage de nos camarades terriens du PS pour leur éviter de
débourouner grave. Ils en ont bien besoin. »
Jean-Marie Philibert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire