Et Maintenant !
Il y a eu des millions de
Charlie et des millions de gens qui ont dit leur attachement à une république
ouverte à tous ceux qui se reconnaissent en elle, à une république qui a besoin
de revivifier ses fondamentaux de liberté, d’égalité, de fraternité, à une
république qui a trop tendance à oublier qu’elle est laïque, qui n’en aura
jamais fini de se recharger de toutes les énergies multiples qui la
constituent.
Posons-nous la question du
moment : et maintenant ?
Tout citoyen a le droit de
se la poser.
Une lecture, appelons-la,
marxiste, par commodité et sans prétention, est à même, de ne pas nous laisser
nous enfermer dans les discours unanimistes qui resteront peu productifs ;
il importerait alors de parler de ce moment d’histoire en cours, en termes de
lutte des classes, même si on a encore le nez sur des événements qui nous
échappent en partie.
Une volonté manifeste
d’intégration
Des données, pourtant
fondamentales, ont été peu évoquées à l’occasion. Il s’agit bien sûr de la
question sociale, dans son ensemble, prise aussi bien dans ses dimensions
d’intégration/exclusion, liées le plus souvent à la situation de l’emploi,
qu’aux aspirations à en finir avec la galère de vivre, avec l’austérité, la
précarité, le chômage. Le besoin d’un mieux vivre et les moyens qui vont avec
sont plus que jamais prégnants, pas sous la forme d’un assistanat
misérabiliste, mais sous celles de droits à reconstruire et à développer et de
salaires décents. Dans la multiplication des Je suis Charlie et de ses
multiples variantes, je lis une profonde volonté d’intégration qui touche
toutes les couches de la société, y compris la classe ouvrière. Je lis la
revendication d’un partage des richesses, bien plus égalitaire. Je crois que,
pour une fois, en parlant d’apartheid social (même si on peut discuter la
formule), Manuel Valls a visé juste.
Les questions du terrorisme,
de l’extrémisme ont certes joué un rôle majeur ; il convient de ne pas négliger
la dimension sécuritaire, mais elle ne sera que de peu d’effets, si dans le
même temps les pannes d’intégrations qui nourrissent un terreau favorable à ces
dérives, persistent, s’enkystent, jusqu’à créer des obstacles infranchissables.
Il faut donc reconquérir des territoires de la république.
Laïcité, égalité,
fraternité.
Dans un monde ouvert et
mêlé, les désordres internationaux qui ne nous épargnent pas et qui sont
exacerbés par les difficultés sociales peuvent porter des coups au vivre
ensemble, en faisant de l’autre le bouc émissaire de nombre de nos
difficultés, en utilisant les amalgames,
les peurs et rancunes séculaires, les incompréhensions nourries d’une
méconnaissance des problèmes et de manipulations pas toujours innocentes.
Un travail d’éducation
s’impose pour dépasser les clivages : ce travail autour et sur les valeurs
de la laïcité peut aider à avancer. Elle est de la responsabilité de l’école,
mais pas seulement.
Remettons, pour cela, les
religions à leurs places, au ciel ! Dans la sphère des croyances qui sont
ce qu’elles veulent être, en toute liberté, mais sans jamais contraindre sous
quelque forme que ce soit nos relations sociales et nos comportements qui ne
sauraient dépendre que de notre respect
dû aux autres et attendu des autres dans une égale dignité. Notre
horizon commun, c’est l’être humain et toutes ses richesses.
Union-action.
Enfin il me semble de la
plus grande urgence de sortir de la paralysie sociale et syndicale dans
laquelle nous nous trouvons : sans revenir sur une analyse de fond, disons
que l’union et l’action syndicales devraient retrouver leur rôle de vecteurs
d’avancées sociales dans lesquels les travailleurs de tous horizons doivent se
reconnaître et agir ensemble. Sortons en ce domaine de la spirale de l’échec.
Ces organisations syndicales sont ce que nous les faisons ! Peut-être
qu’il faudrait y faire du neuf !
Le progrès.
Tout cela est plus facile à
écrire qu’à faire, mais c’est, à mon très humble avis, par ces voies que nous
serons en mesure de retrouver une capacité politique à construire un rapport de
force transformateur. Il s’appuiera sur une mobilisation populaire d’ampleur,
sur une volonté de rassemblement, sur un rejet de toutes les formes de recul
social, politique, culturel pour réinventer ce dont nous avons perdu un peu
trop facilement le sens : le progrès. C’est une idée neuve. Je la lisais
sur les foules rassemblées Place de la République et ailleurs. Il nous revient
de répondre à cette attente.
Jean-Marie Philibert.
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