La joie
d’apprendre…
Alors que l’évaluation est un problème de fond, central,
incontournable, fondamental, essentiel
de la démarche pédagogique, le gouvernement, en relançant un énième
débat très étriqué sur note/pas-de-note, nous refait le coup, c’est une de ses
spécialités, de la stratégie de gribouille, plus j’avance, plus de
t’embrouille. Avec la même prétention, faire croire que sa politique scolaire a
pour ambition plus de justice et plus
d’efficacité.
Cerise sur le gâteau de la conférence nationale (de
consensus, dit-on) en cours : c’est un jury de 30 personnes composé en
partie d’enseignants et de parents (très
soigneusement choisis par le ministère) qui dira le vainqueur. Soit, le
pas-de-note vainqueur par chaos (le ministère se charge tout seul de
l’organiser) ! Soit, la note après une fière résistance a sauvé sa
peau ! C’est prendre tous les acteurs du difficile processus éducatif pour
des imbéciles à aborder ainsi par la fin la question bien compliquée de la
formation des femmes et des hommes de demain.
Les
clichés.
Les clichés ont la vie dure, d’autant plus dure, qu’ils
correspondent de moins en moins à des comportements réels : certes
l’enseignant évalue, corrige, juge, corrige, note. Mais s’interroge-ton sur le
travail fait en amont, alors que c’est le cœur de la démarche éducative
Rire ou
pas.
Pour les adeptes de la rénovation, la seule prétention à
évaluer, à noter serait la tare congénitale de cette démarche. Tout cela
n’aurait que trop duré. La note serait la source majeure de l’échec scolaire,
elle serait le fondement de la sélection sociale que tenterait de cacher la réussite scolaire,
elle légitimerait la ségrégation sociale qui paralyserait la société et elle gênerait
les chantres du parti socialiste dans leur entreprise révolutionnaire, bien
sûr, de bouleversement de l’ordre dominant et de libération de la jeunesse.
Vous êtes prié(e)s de ne pas rire !
Et d’ailleurs, je n’ai pas envie de rire : j’ai commencé
ma carrière d’enseignant au sortir de 68 et pendant les années de droite au
pouvoir (sans doute un effet de ma jeunesse pimentée de naïveté) j’ai cru que
la gauche si elle arrivait aux responsabilités pourrait mettre en œuvre ce que
nous ne cessions de revendiquer, démocratisation, égalité, promotion de tous,
un changement réel du système. Les années Mitterand n’ont rien donné … si
ce n’est des cadeaux à l’enseignement privé. Les promesses de changements sont
restées des promesses.
L’essentiel.
Mais tout aussi régulièrement a ressurgi le débat que l’on
présentait comme emblématique, note/pas de note. Avec du côté des notes le
ramassis des rétrogrades et des tenants du statu quo et du côté des pas-de-note
les révolutionnaiirrres en tous genres. Je ne me suis jamais senti concerné
parce que j’ai toujours été convaincu que l’essentiel de la politique scolaire
est ailleurs.
Venons-en donc à l’essentiel, l’évaluation est une pièce
maîtresse dans la formation, qu’elle soit sommative (chiffrée) ou formative
(pas chiffrée), mais elle ne peut et ne doit intervenir qu’après un processus
premier où les connaissances, les compétences se sont construites sous des
formes multiples, en réponse à des attentes diverses, et ouvertes à tous les
possibles ; elles s’inscrivent dans
des projets de vie où le jeune, sa famille, son entourage, doivent avoir la
conviction qu’il s’agit là d’une liberté à construire, dans un univers souvent
compliqué et hostile, avec des enjeux majeurs et pas seulement individuels.
Elles ne sont pas indépendantes des conditions matérielles et des moyens donnés
au service public, comme des perspectives d’insertion sociale.
Le réel nous rattrape toujours : la construction d’une
personnalité, comme d’une culture, même si elles sont des projets
enthousiasmants, ne sauraient se limiter à des parties de plaisirs. Il y a une
joie d’apprendre, comme une joie d’enseigner. Mais elles ont leurs exigences.
Bien au-delà de la seule lorgnette des notes !
Jean-Marie Philibert.
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