Tourner
rond ou pas !
C’étaient les tout débuts de l‘année 2015. Les choses se
passaient comme elles doivent se passer. Le monde « tournait rond ».
Rond ? C’est une façon de parler, il tournait en tout cas, comme
d’habitude. Le Père Noël avait fait son boulot, les dindes avaient été
digérées, les portefeuilles étaient vides, les chômeurs chômaient toujours un
peu plus nombreux, Hollande n‘arrêtait pas de baisser dans les sondages. Le quotidien,
quoi ? Avec quelques nouveautés, les bancs publics étaient mis en cage à
Angoulême (et enlevés à Perpignan), Zemmour poursuivait son délire
anti-islamique, les petits écrans nous bourraient le crâne… Le monde
normal !
Le monde
normal.
Et puis quelques rafales de kalachnikov plus tard, des jours
d’inquiétude, d’angoisse, de tristesse noire devant des massacres innommables.
Un journal satirique attaqué à l’arme lourde, des innocents tués dans la rue,
des clients juifs d’une épicerie casher abattus parce qu’ils étaient juifs
justement. Dix-sept morts en plein Paris dont le terrorisme avait besoin pour
nous entraîner dans ses délires, pour justifier son fanatisme, pour nous faire
douter de l’humanité, pour tuer tous nos espoirs.
Les signes
Très vite, la folle mécanique macabre s’enraye. Le peuple
fait front jusqu’à organiser en quelques jours ce qui restera comme un grand
sursaut humain, social, politique, qui mettra dans la rue des millions de gens,
comme nous ne l’avions pas vu depuis bien longtemps.
Les signes qu’il se passe là des choses peu conformes à nos habitudes se mettent à proliférer. Le monde, notre monde, ne tourne plus rond.
Les signes qu’il se passe là des choses peu conformes à nos habitudes se mettent à proliférer. Le monde, notre monde, ne tourne plus rond.
Charlie que l’on avait abattu, ressuscite, et il a des
millions de lecteurs. Un miracle pour ceux qui ne croient pas aux miracles.
Beaucoup de ceux qui n’ont jamais manifesté, de ceux qui ont
oublié comment on fait, de ceux qui pensent et disent que ça ne sert pas à
grand-chose se ruent dans les manifestations.
La société
ne se ressemble plus.
La société que l’on disait individualiste, égoïste, repliée
sur elle-même ne se ressemble plus.
La laïcité, la liberté (d’expression, mais pas seulement), la
démocratie, la solidarité, l’égalité, la fraternité nous sourient de toutes
leurs dents.
Même les média pendant quelques jours semblent dire moins de
bêtises.
Sans raison, Les gens applaudissent dans les manifs ;
ils s’applaudissent sans doute, sans savoir pourquoi. Ça ne tourne pas rond.
Les grands de ce monde qui n’aiment pas beaucoup le terrain
social viennent jusqu’à Paris faire un petit bout de manifestation populaire.
Pour beaucoup ce doit être une grande première.
Hollande, qui nous avait habitués à rater beaucoup de choses,
là ne rate rien : il est à la hauteur de la manifestation et de
l’évènement. Ça ne tourne pas rond.
Le combat
de la vie contre toutes les formes d’aliénation.
Les 17 victimes sont dans toutes les têtes et nos yeux
restent rougis par l’émotion de les avoir perdues, mais le sentiment prévaut de
leur présence au cœur de tous ces rassemblements, quelles que soient leur
origine, leur fonction, leur religion ou leur absence de religion. Nous devons
pour eux, pour nous, continuer le combat de la vie, contre l’obscurantisme, le
fanatisme, la violence aveugle, les aliénations en tous genres.
Et à la lumière de ce qu’on vit, on se dit que ce ne serait
pas très malin de se remettre à tourner
rond, quand on constate tout ce dont on est capable quand on ne tourne plus
rond : la fatalité, l’adversité en prendront certainement un coup, comme les divisions qui nous minent,
comme les peurs qui nous tétanisent, comme les injustices qui nous révoltent.
Le peuple rassemblé est sans doute porteur d’espoir.
Tu ne tournes plus rond, Jean-Marie ! Ce n’est pas
grave.
Même si nous savons que ce sera long et compliqué. Au boulot !
Ça commence.
Jean-Marie Philibert.
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