les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 27 octobre 2015

de la fatalité



De la fatalité

La fatalité a bon dos : elle a l’habitude de porter tous les péchés du monde et, quand on est confronté à des événements qui semblent dépasser l’entendement, on l’invoque comme une puissance venue d’ailleurs. Elle nous impose sa loi inhumaine, mais nous devons l’accepter parce que nous sommes de faibles créatures à qui n’ont pas été données toutes les capacités d’assumer leur destin. Les nombreuses catastrophes, climatiques, économiques, naturelles, politiques…tiendraient le plus souvent d’un fatum inexorable dont nous pouvons parler à perte de vue sans avoir la moindre chance de dévoiler les secrets qui ne sauraient venir que du surnaturel.
Le leitmotiv
C’est ce que des radios, des télés au prétexte de nous informer font depuis vendredi matin, en boucle, en évoquant l’accident de car qui a endeuillé la Gironde et le mot fatalité est dans la bouche de ceux qui, à des titres divers, sont interviewés. La circulation automobile et son développement exponentiel sur des réseaux routiers qui ont beaucoup de mal à suivre la cadence sont des terrains de manœuvres privilégiés pour tous les apôtres du fatum.
On va y retrouver tous les fondamentaux des destins tragiques : des victimes innocentes qui ne peuvent pas comprendre ce qui leur arrive, la soudaineté des événements malheureux que rien ne laissait prévoir, le basculement immédiat dans l’horreur, le sentiment d’un hasard contraire et la conjonction de circonstances défavorables imparables, le spectacle glaçant que gardent les yeux horrifiés de ceux  qui en sont les témoins, la douleur de ceux qui ont perdu des êtres aimés, la fascination du plus grand nombre, bousculé dans sa routine quotidienne par l’intrusion de la mort violente et inexpliquée. D’autant plus le destin tragique fait fi des différences sociales : riches ou pauvres nous pouvons tous être ses victimes potentielles. Regardez cette pauvre Lady D.
Une supercherie ?
Pour ne rien vous cacher, j’ai comme le soupçon qu’une telle référence systématique à un ordre tragique supérieur tient de la supercherie,  même si l’utilisation du sentiment tragique a fait les beaux jours de notre littérature et de notre théâtre, même si les cris de douleur de Phèdre ou d’Andromaque sont pétris d’humanité et peuvent résonner au plus profond de nous-mêmes. 
Avec la circulation automobile nous sommes dans un autre registre, dans le concret absolu, celui de l’état des routes, de leur dangerosité, de la densité de la circulation, de la sécurité des véhicules, du respect des règles communes, de la santé, de la vigilance, de l’expérience de ceux qui conduisent. Les paramètres sont nombreux, mais repérables, observables. La preuve tient à la capacité de la police et de la justice d’être en mesure de situer les responsabilités de ceux qui en sont les acteurs. Avec cependant une constante : exonérer le plus souvent  les pouvoirs publics responsables du réseau routier.
Très utile
La fatalité est très utile, pour justifier les refus successifs d’améliorer la sécurité du réseau, pour retarder le plus possible sa modernisation, pour accepter que les routes les plus fréquentées le soient toujours plus au détriment de la sécurité, pour que tous les utilisateurs soient considérés comme des fauteurs de trouble potentiels, pour minimiser au maximum les règles de sécurité à mettre en œuvre pour en finir avec l’hécatombe routière.
La fatalité est aussi très utile pour défausser l’état, dans toutes ses composantes de ce que devrait être sa tâche d’éducation en la matière.
La fatalité a aussi bon dos pour couvrir  les logiques des industries automobiles qui sont des plus réticentes à faire de la sécurité leur objectif premier, pour privilégier la vitesse, le clinquant : lorsque nous prenons une voiture, notre principal souci est-il d’arriver vite ou vivant ?
Ne serait-il pas temps de rogner les ailes de la fatalité avec un peu de lucidité ? Ne serait-ce pas là la réponse la plus digne et la plus solidaire avec les victimes et ceux qui les pleurent.
Jean-Marie Philibert.

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