Le
tournis !
Ils l’avaient annoncé : c’est fait. Le Front national
fait un score au premier tour des
élections régionales qui ne peut que donner le tournis à tous les démocrates
dignes de ce nom, à tous ceux pour qui les valeurs de la république ne sont pas
des attrape-mouches vides de sens.
Je n’ai pas envie de laisser mon humeur noire prendre le
dessus : je pense que face à des démarches
individuelles et collectives qui semblent échapper à la rationalité
élémentaire, il importe de tenter humblement de comprendre pourquoi un électeur
sur trois se laisse prendre au piège d’un projet politique dangereux, absurde
et nauséabond.
Les
bourreurs de crânes
Certes, (il était prévu que ce soit là l’essentiel de mon
propos, mais je déborderai), les petits écrans, les radios, la presse, les
commentateurs officiels, les penseurs de la télé et les plumitifs en mal de
sensation, ont joué un rôle important dans la promotion tous azimuts du FN. La
chronique était régulièrement tenue et chaque épisode électoral l’a relancée.
L’accent était très rarement mis sur le contenu du programme politique, lui
étaient préférés les formules définitives qui faisaient de tout ce qui
n’étaient pas blanc, raciste, frontiste et xénophobe des individus
potentiellement dangereux, étaient mises en avant les récupérations sans
vergogne des revendications populaires, salaires, retraites, emploi, laïcité.
L’esprit critique du commentateur de base si prompt à se mobiliser quand les
syndicats avancent de telles revendications était là aux abonnés absents. Au
point que l’on pouvait à juste titre s’interroger sur une orchestration idéologique complice. Le
dernier épisode en date où Pujadas a une nouvelle fois invité, en vain, Marine le
Pen pour en rajouter une couche pourrait confirmer la validité de nos
interrogations.
n’expliquent
pas tout !
Mais des éléments de la campagne électorale sont venus
apporter un bémol à ces tentatives d’explications. En effet un quotidien
régional du Nord, « La voix du Nord « à la veille de premier tour
est venu apporter un démenti en prenant une position politique très affirmée
qui incitait ses lecteurs à se détourner d’un vote frontiste représentant un
danger démocratique réel : cette démarche relevait d’un certain courage
dans la mesure où les sondages annonçaient Marine le Pen à 40 %. Le Monde aussi
a dénoncé l’ « imposture » du FN. Notre presse à nous n’avait pas attendu les
derniers instants de la campagne pour se réveiller. Les chiffres du dimanche
soir ont confirmé les sondages et la prise de position de la presse n’y a rien
changé. Comme quoi la parole journalistique n‘a qu’un rôle mineur quand le
courant d’opinion est fort d’un mécontentement réel.
L’incapacité
Parce que fondamentalement c’est de cela qu’il s’agit. Ce que
l’électorat fait payer au parti socialiste, comme aux républicains de Sarkozy,
c’est leur incapacité à répondre à des besoins sociaux lourds. Les cadeaux au
patronat, la surdité devant les galères quotidiennes, les prétextes
régulièrement invoqués (l’Europe, les déficits,..), une austérité enkystée, et
des perspectives de plus en plus sombres ont créé un climat où la débrouille
remplace l’insertion, où il est naturel de ne plus croire en rien, où la
recherche des boucs émissaires est si facile. Ceux qui, bien à gauche, tentent de faire entendre une autre
musique, ou sont inaudibles, ou ont un tel mal à s’entendre entre eux qu’ils ne
récupèrent que les plus enracinés dans une perspective progressiste. Les
abstentionnistes sont légion. Les
attentats du 13 novembre ont été pain bénit (enfin c’est une façon de parler)
pour renforcer les peurs et permettre au pouvoir en place d’occuper le terrain,
de montrer ses muscles (sans effet sur l’électorat d’ailleurs) et de museler la
démocratie.
En ce lendemain de premier tour, on entend les stratèges pérorer,
les Cassandre annoncer le pire, les citoyens faire part de leurs inquiétudes. Ils
ont raison ! Ils ne sont pas totalement désarmés, s’unir encore et
toujours dans le respect de chacun avec la conviction que la démocratie est
notre bien commun, participer à la vie de la cité, de la région et y imposer de
vrais changements qui bousculent tous les conservateurs, réactionnaires, tous
ceux qui rêvent d’une république à genoux.
Pour ce deuxième tour et au-delà, un seul mot d’ordre :
Résistance et Engagement.
Pour sortir
du tournis !
Jean-Marie Philibert.
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