Maintenant
…
L’émotion
L’expression d’une émotion collective, après les attentats du
13 novembre, est un moment important pour tous ceux qui considèrent qu’il
s’agit d’événements majeurs qui touchent
les fondements de notre vivre ensemble. La réaction populaire a été massive,
responsable, diverse et digne. Parce qu’il s’agissait avant tout d’exprimer une
solidarité très profonde avec les victimes,
fauchées, en pleine jeunesse, le
plus souvent dans des moments de joie, de plaisir, de rencontre, par des
fauteurs de mort qui ont le fanatisme
comme seul horizon. Cette émotion, cette solidarité, cette communauté sont des
données fortes pour un pays qui connaît aussi ses divisions, ses clivages, ses
incertitudes, ses difficultés, ses doutes. Elles expriment aussi très souvent
la volonté de ne pas se laisser emporter par les événements, mais le besoin de faire face avec les autres,
dans une perspective émancipatrice, d’où, très vite, la réappropriation de la
Marseillaise de notre Révolution.
L’urgence
Face à ce type d’événements, il faut gérer l’urgence, avec
une part incompressible
d’improvisation, surtout devant une
situation, crainte, mais nouvelle. Et c’est là que peuvent se mesurer
l’efficacité de nos services publics, le dévouement de ses personnels, leur
compétence, leur adaptabilité, leur professionnalisme, l’acquis précieux que
constituent les corps de fonctionnaires qui les composent et qui sont attachés
à leurs missions au point de négliger tout le reste et de ne pas hésiter à
prendre parfois les plus grands risques. Les élans de solidarité, de
générosité, venant de particuliers, sont aussi des signes forts dans un monde
que l’on dit replié sur soi. Le pouvoir politique et administratif pour faire
face à une situation qui pourrait lui échapper est en droit de trouver les
réponses adéquates et la première
instauration de l’état d’urgence peut rentrer légitimement dans ce cadre. Mais
son prolongement pour une durée de trois mois, même avec quelques précautions
ne va pas sans susciter quelques inquiétudes, surtout quand on voit le zèle que
certains mettent à s’en servir un peu n’importe comment. Par exemple les
organisations de retraités avaient prévu de très longues dates de se rassembler
le 24 novembre : interdit (vous vous imaginez le danger !). Toute
manifestation non statique interdite. Certains rêvaient de voir disparaître les
manifs du paysage, l’état d’urgence l’a fait.
Et notre préfète à nous, Madame Panpancucu est satisfaite ! Gageons
que notre peuple rebelle trouvera la parade.
L’efficacité
Parce qu’au-delà du sens emblématique que constituent le
droit de manifester et les libertés d’expressions individuelles et collectives,
mon bon sens me pousse à poser la question naïve de l’efficacité de cette
panoplie répressive. Elle est plus faite pour marquer durablement les esprits,
pour montrer les muscles du pouvoir, pour faire un peu oublier ses propres
responsabilités dans une situation où l’absence de réponses aux besoins sociaux
a renforcé les clivages que la valorisation forcenée des puissants et de
l’argent roi ont enkystés. Il faut certes une efficacité policière pour
traquer ceux qui sont en mesure
d’organiser, de commettre, d’aider à de tels actes. Cette efficacité a au moins
autant besoin d’effectifs que d’état d’urgence (peut-être même un peu
plus) : et comme les problèmes ne seront pas réglés en quelques jours, on
va le vérifier douloureusement et durablement.
La
démocratie
Dans le même temps sans efficacité sociale et politique, le
terreau qui a vu germer une telle tragédie restera chargé de menaces. La
cohésion sociale, la formation, l’emploi, l’intégration, des salaires décents
qui permettent des vies dignes, la laïcité et le respect de ceux qui croient au
ciel et de ceux qui n’y croient pas sont autant de chemins à ouvrir pour tous.
Et ce n’est pas le cas aujourd’hui quand on voit l’état de nos banlieues, comme
de certains quartiers de Perpignan. Nous passerons sur les impasses d’une
politique étrangère où faire la guerre semble avoir plus d’importance que
construire la paix. Nous ne dirons rien
de l’arrogance d’une caste de privilégiés et d’exploiteurs. Pour tous
les autres… les yeux pour pleurer !
En sortir, maintenant,
mais oui ! Bien sûr ! Par les seules voies possibles : la
démocratie et la justice sociale !
Jean-Marie Philibert.
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