L’Indep, la
vie comme elle va…
Il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé de ma
mémé, mais la demande de mes petits copains du comité de rédaction qui
souhaitent que dans mon billet d’humeur je traite de la nouvelle direction de
l’Indépendant m’offre une occasion de réveiller des souvenirs pleins de
tendresse. En effet l’Indépendant et moi, c’est une très vieille histoire qui a
commencé dès l’enfance, dès la maîtrise de la lecture. Ma mémé qui voulait que
son petit-fils connaisse dès le matin un
réveil lent, progressif, heureux, mais instructif, m’apportait au lit un bol de
lait, convenablement sucré, accompagné de l’Indépendant du jour qui venait d’être livré et dont une partie de
la famille avait déjà pris connaissance. Les yeux encore embrumés de sommeil je
me plongeais dans une actualité qui ne correspondait pas nécessairement aux
choix familiaux. Je privilégiais le sport,
les photos, les BD ((ah Rip Kirby), les loisirs, les fêtes, la vie
locale et le repérage des têtes connues que nous reconnaissions. « Tu as
vu, Tartempion, il est dans le journal aujourd’hui », et si ce Tartempion
était un proche de la famille, c’était un moment de gloire partagé. L’Indep,
c’était un peu notre vie.
Une joyeuse
complicité
Rétrospectivement l’ancrage local du quotidien, son
ancienneté (le journal a été créé au cours de la seconde république, en plein
milieu du 19 ° siècle), sa prétention à être « indépendant » (encore
que…), sa dimension d’entreprise locale appartenant à la bonne bourgeoisie du
coin, le fait qu’il soit écrit, fabriqué, diffusé, ici et pas ailleurs, la concurrence des autres titres qu’il avait
régulièrement à affronter, le Midi Libre, la Dépêche, (qui eux n’étaient pas d’ici) peuvent
expliquer que le titre a duré, a survécu aux nombreuses crises que la presse a
pu connaître.
Une joyeuse complicité pouvait s’établir avec son
lectorat : elle était parfois marquée par un certain esprit
critique : « L’Indépendant, quatre page et rien dedans … »
La sève du
temps passé
Pour beaucoup de familles, les numéros qui portaient, dans la rubrique des naissances, l’arrivée du
petit dernier, l’annonce de la réussite de l’aîné(e) au bachot, les exploits
sportifs du plus costaud de la famille allaient s’empiler dans les archives
familiales et jaunir jusqu’au moment où on les exhumerait pour retrouver un peu
de la sève du temps passé. L’Indep… la vie…
Mais les temps ont changé et ils nous ont bousculé notre
Indép : les signatures auxquelles nous étions habitués ont progressivement
disparu, la propension à être systématiquement du côté du manche et des
puissants d’ici et d’ailleurs, les alliances financières avec des groupes de
presse, les compressions de personnels,
la fabrication du journal déménagée, le journal vendu et sans doute son âme un
peu avec.
U-NI-FOR-MI-SER
Certes le titre perdure, mais il perdu un grande partie de
son suc. Il est fabriqué chez l’ennemi d’hier, le Midi Libre, à Montpellier,
ils appartiennent, en plus, désormais, l’un
et l’autre, à l’autre ennemi d’avant-hier La Dépêche : la famille Baylet
s’est enfin taillé un empire de presse à la dimension de la grande région que constitue aujourd’hui le
Languedoc-Roussillon et Midi Pyrénées et qui semble chère à son cœur. Que l’une
soit un peu plus à gauche (si peu), que l’autre soit plus nettement à droite,
que nous soyons, nous ici, de moins en
moins indépendants, ne change rien au scénario d’une uniformisation des esprits
et des organes qui la véhiculent.
La participation de l’ex-PDG Baylet, radical de gauche,
devenu entre temps ministre d’un gouvernement de gauche aussi (pourquoi tu
tousses ?) ne change rien à une évolution de la presse régionale qui ne
peut qu’inquiéter ceux qui sont attachés au pluralisme, à l’esprit critique, à
l’indépendance et à la liberté d’informer. Nous serons tous des enfants de
Baylet !
Tambouille
Enfin presque, parce que dans un souci louable certes
d’éviter un mélange des genres préjudiciable
aux apparences de la liberté d’expression (les journalistes de la
Dépêche savent que c’est là une donnée à géométrie variable), le dénommé Baylet
a démissionné de ses fonctions de PDG pour se consacrer à son ministère et,
cerise sur le gâteau, il a nommé pour le remplacer son ex-épouse, Marie-France
Marchand-Baylet, qui avait déjà des fonctions importantes dans le groupe et qui
n’est autre, à la ville, que la compagne d’un ministre remanié pour aller
siéger au Conseil Constitutionnel, un dénommé Fabius, il ne doit pas être un
inconnu pour vous. La presse locale est tombé ainsi dans la tambouille du grand
capital avec la bénédiction des radicaux, des sociaux libéraux, et des patrons
locaux sans doute pour mieux nous empapaouter.
Je crois que ce journal-là, ma mémé ne me l’aurait pas porté
au lit tous les matins. Elle aurait bien fait.
Jean-Marie Philibert.
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