les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 22 février 2016

l'indèp


L’Indep, la vie comme elle va…

Il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé de ma mémé, mais la demande de mes petits copains du comité de rédaction qui souhaitent que dans mon billet d’humeur je traite de la nouvelle direction de l’Indépendant m’offre une occasion de réveiller des souvenirs pleins de tendresse. En effet l’Indépendant et moi, c’est une très vieille histoire qui a commencé dès l’enfance, dès la maîtrise de la lecture. Ma mémé qui voulait que son petit-fils  connaisse dès le matin un réveil lent, progressif, heureux, mais instructif, m’apportait au lit un bol de lait, convenablement sucré, accompagné de l’Indépendant du jour  qui venait d’être livré et dont une partie de la famille avait déjà pris connaissance. Les yeux encore embrumés de sommeil je me plongeais dans une actualité qui ne correspondait pas nécessairement aux choix familiaux. Je privilégiais le sport,  les photos, les BD ((ah Rip Kirby), les loisirs, les fêtes, la vie locale et le repérage des têtes connues que nous reconnaissions. « Tu as vu, Tartempion, il est dans le journal aujourd’hui », et si ce Tartempion était un proche de la famille, c’était un moment de gloire partagé. L’Indep, c’était un peu notre vie.

Une joyeuse complicité

Rétrospectivement l’ancrage local du quotidien, son ancienneté (le journal a été créé au cours de la seconde république, en plein milieu du 19 ° siècle), sa prétention à être « indépendant » (encore que…), sa dimension d’entreprise locale appartenant à la bonne bourgeoisie du coin, le fait qu’il soit écrit, fabriqué, diffusé, ici et pas ailleurs,  la concurrence des autres titres qu’il avait régulièrement à affronter, le Midi Libre, la Dépêche,  (qui eux n’étaient pas d’ici) peuvent expliquer que le titre a duré, a survécu aux nombreuses crises que la presse a pu connaître.

Une joyeuse complicité pouvait s’établir avec son lectorat : elle était parfois marquée par un certain esprit critique : «  L’Indépendant, quatre page et rien dedans … »

La sève du temps passé

Pour beaucoup de familles, les numéros qui portaient,  dans la rubrique des naissances, l’arrivée du petit dernier, l’annonce de la réussite de l’aîné(e) au bachot, les exploits sportifs du plus costaud de la famille allaient s’empiler dans les archives familiales et jaunir jusqu’au moment où on les exhumerait pour retrouver un peu de la sève du temps passé. L’Indep… la vie…

Mais les temps ont changé et ils nous ont bousculé notre Indép : les signatures auxquelles nous étions habitués ont progressivement disparu, la propension à être systématiquement du côté du manche et des puissants d’ici et d’ailleurs, les alliances financières avec des groupes de presse,  les compressions de personnels, la fabrication du journal déménagée, le journal vendu et sans doute son âme un peu avec.

U-NI-FOR-MI-SER

Certes le titre perdure, mais il perdu un grande partie de son suc. Il est fabriqué chez l’ennemi d’hier, le Midi Libre, à Montpellier, ils appartiennent, en plus,  désormais, l’un et l’autre, à l’autre ennemi d’avant-hier La Dépêche : la famille Baylet s’est enfin taillé un empire de presse à la dimension de la  grande région que constitue aujourd’hui le Languedoc-Roussillon et Midi Pyrénées et qui semble chère à son cœur. Que l’une soit un peu plus à gauche (si peu), que l’autre soit plus nettement à droite, que nous soyons, nous ici,  de moins en moins indépendants, ne change rien au scénario d’une uniformisation des esprits et des organes qui la véhiculent.

La participation de l’ex-PDG Baylet, radical de gauche, devenu entre temps ministre d’un gouvernement de gauche aussi (pourquoi tu tousses ?) ne change rien à une évolution de la presse régionale qui ne peut qu’inquiéter ceux qui sont attachés au pluralisme, à l’esprit critique, à l’indépendance et à la liberté d’informer. Nous serons tous des enfants de Baylet !

Tambouille

Enfin presque, parce que dans un souci louable certes d’éviter un mélange des genres préjudiciable  aux apparences de la liberté d’expression (les journalistes de la Dépêche savent que c’est là une donnée à géométrie variable), le dénommé Baylet a démissionné de ses fonctions de PDG pour se consacrer à son ministère et, cerise sur le gâteau, il a nommé pour le remplacer son ex-épouse, Marie-France Marchand-Baylet, qui avait déjà des fonctions importantes dans le groupe et qui n’est autre, à la ville, que la compagne d’un ministre remanié pour aller siéger au Conseil Constitutionnel, un dénommé Fabius, il ne doit pas être un inconnu pour vous. La presse locale est tombé ainsi dans la tambouille du grand capital avec la bénédiction des radicaux, des sociaux libéraux, et des patrons locaux sans doute pour mieux nous empapaouter.

Je crois que ce journal-là, ma mémé ne me l’aurait pas porté au lit tous les matins. Elle aurait bien fait.

Jean-Marie Philibert.

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