SILENCE ON TOURNE
Sur l’écran noir de nos nuits blanches, comme disait Nougaro, nous nous
faisons régulièrement du cinéma, un cinéma qui nous fait rêver, voyager,
frémir, rire… un cinéma souvent inspiré
du cinéma des vraies salles obscures qui parsèment nos villes et même
nos campagnes et qui depuis un siècle et même un peu plus nous racontent des
histoires qui ne sont jamais tout à fait comme la vie, la vraie, mais qui s’en
inspirent et qui même l’inspirent.
A partir d’une série d’articles édités par la revue « les Cahiers
du Cinéma » sur le thème « le vide politique du cinéma
français » je voudrais tenter de
faire d’une pierre deux coups, parler de cinéma, de films qui m’ont intéressé
et parler de politique, comprendre la panade politique dans laquelle les
Hollande, Valls, Macron et Cie, essaient de nous enfermer à double tour ( avec
l’aide de l’état d’urgence) pour tirer les marrons du feu.
Y a-t-il vide politique du cinéma
français ?
A voir les nombreux spectateurs qui ont assisté, au Castillet, à
l’avant-première du film « Merci Patron» (voir la présentation à
l’intérieur du journal), où il a fallu de toute urgence ouvrir une deuxième
salle, on peut se dire que si vide il y a il ne viendra pas des spectateurs. La
demande est forte et elle est plurielle : le film « Demain » a
tenu l’affiche pendant de longues semaines et le sujet était austère. Suite à
la publication d’une étude qui annonce la possible disparition d’une partie de
l’humanité d’ici 2100, Cyril Dion et Mélanie Laurent sont partis enquêter dans
dix pays pour comprendre ce qui pourrait provoquer cette catastrophe et surtout
l’éviter. Du cinéma qui dérange, par son souci d’authenticité et qui nous
change des inepties du petit écran.
Et la fiction
Mais pour les auteurs de l’étude précitée, ces films documentaires
seraient l’arbre qui cache la forêt du vide politique de ce qu’ils considèrent
comme le vrai cinéma, les films de fiction. Il est vrai que les fictions,
comme celles que Claude Lelouch ne cesse de nous raconter, comme dans son
dernier film « Un + Une » à la manière d’une éternelle histoire de
Roméo et Juliette, ne vont pas réveiller notre conscience politique.
Chabadabada ! Chabadabada ! Evadez-vous sur de belles images et
oubliez un temps la lutte des classes !
Encore que le cinéma de fiction est capable de nous confronter à cette
lutte, ainsi « La Loi du marché », le film de Stéphane Brizé. Vincent
Lindon-Thierry Taugourdeau, la cinquantaine, enchaîne les formations sans
avenir et les rendez-vous à Pôle Emploi depuis qu'il a perdu son travail. Entre
les traites de l'achat de la maison familiale et les frais de scolarité élevés
de leur fils handicapé, Thierry et son épouse ne s'en sortent plus
financièrement. Pris à la gorge, Thierry accepte un poste de vigile dans un
supermarché. Il est bientôt confronté à des situations difficiles... On lui
demande alors d'espionner ses collègues pour que le patron puisse licencier du
personnel et accroître les bénéfices. Il se retrouve face à un dilemme moral …
jusqu’au moment où il quittera le navire en silence… Du pur jus
lutte-des-classes, mais dans le même temps, un constat qui nous laisse sur
notre faim, comme si les batailles sociales étaient ankylosées au point de ne
nous laisser que la fuite comme issue.
Ankylosés ?
« La fille du patron », le film d’Oliver Lousteau, actuellement à l’affiche souffre du même
manque. « Fatima », le film de Philippe Faucon qui évoque le destin d’une mère et de ses deux filles
immigrées en reste à la dureté du constat. Il ne serait pas trop difficile de
multiplier les exemples. Même si d’heureuses exceptions, comme les films de
Guédiguian viennent apporter régulièrement un contrepoint salutaire à une
dérive inquiétante. Ils nous réapprennent la fraternité.
Les héros positifs, les rébellions sociales, les échines qui souffrent,
mais qui résistent, les solidarités indéfectibles, le devoir d’insoumission à
un ordre inhumain ne font plus partie de l’idéologie social-libérale qui tente
d’accaparer toutes les représentations pour enfermer nos désirs de liberté, de
justice, de fraternité dans les bas-fonds des égoïsmes financiers et autres.
Nourrir toutes nos utopies de toute la sève d’un monde qui veut vivre
et non survivre, de toutes les exigences des peuples qui ont pour ambition de
s’émanciper, ce n’est ni le programme des Hollande, Sarkozy, Le Pen, ni celui
des « penseurs » qu’ils nourrissent.
Cela pourrait être celui d’un cinéma qui nous aiderait à nous enrichir
de toutes les potentialités que nous portons.
Jean-Marie Philibert
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