Les
enclumes
C’est pourtant le B.A.BA, celui que l’on tente d’inculquer
aux enfants et que même les plus récalcitrants comprennent pour peu qu’ils
aient une once de bon sens. Certes les enclumes avérées restent hors-jeu, mais
une enclume ne trouve sa raison d’être que quand on lui tape dessus. Conclusion
immédiate : ce sont des enclumes. Mais qui donc ? Je pense que vous
avez deviné…
Faire des
bêtises ça se soigne
En effet quand on a fait une bêtise, qu’elle est notoire,
visible, énorme, la première des choses à faire c’est de tout tenter, et vite,
pour la faire oublier, de faire gentil-gentil avec ceux que l’on a essayé de
rouler dans la farine, d’en effacer les traces et d’en faire oublier jusqu’au
souvenir, pour montrer qu’on a compris la leçon. Les enfants, les jeunes, les
élèves, mais aussi les adultes, fonctionnent comme cela. Et après l’engueulade,
après le petit moment de bouderie, on aura droit à un retour de flamme, à un
regain d’intérêt qui vous montrera que vous avez réussi votre tâche
pédagogique. Les bêtises peuvent rapprocher à condition de ne pas s’y enferrer.
Ce principe d’éducation, digne d’un ouvrage qu’on pourrait
appeler « la pédagogie pour les nuls » est inconnu à l’Elysée, à
Matignon, aux ministères du Travail, des Finances…
Dans ses nuits d’insomnie, j’imagine le François pensant,
prostré, paralysé. … « Avec la
loi El Khomry on en a fait une grosse, les syndicats le disent, le peuple ne
cesse de la répéter, le pays se paralyse, les députés socialistes ont eu honte
et peur de perdre leur siège, on me dit au fond du trou. Pour 2017, c’est
râpé !!! Comment en est-on arrivé là ? J’ai tout raté… »
Puis dans un sursaut d’orgueil : «Le
ratage généralisé serait-il devenu ma raison d’être ? Non ! Je ne
reculerai pas », affirme-t-il dans sa molle dignité. Sottise…
Face au
taureau CGT
Pas très loin du côté de l’hôtel Matignon, l’atmosphère est
aussi tendue, mais le Manuel, lui, trompe son anxiété en bougeant, en
engueulant son monde, en convoquant les chefs de police pour leur dire de taper
encore plus fort, en crachant sur le poste qui lui montre des images de
manifestations. Des flashes lui traversent la tête : un taureau, avec à
chaque corne un badge de la CGT, et lui la muleta à la main qui tente de
dompter l’animal. « Olé ! On
ne recule pas ! » Sottise…
Dans les entourages, c’est la consternation. A la CFDT, c’est
la cata. A droite on est partagé : « Laissons
les faire le sale boulot et puis banco ! Mais il ne faudrait pas que ça
dure trop longtemps. » Chez Gattaz, brusquement on se réveille : « Mais le peuple ça existe
donc ! » Chez les financiers on se demande si au bout du compte
on ne va pas y laisser quelques plumes : « On en avait perdu l’habitude ». La sottise a un coût.
Tourneboulé
Le propre de la bêtise
(il n’y a rien de propre dans la bêtise, elle est même plutôt crade, c’est
juste une façon de parler), est d’être excessivement facile d’accès, y compris
chez les puissants, ou ceux qui se croient tels, de ne pas apparaître à
première vue pour ce que l’on est, d’être facilitée par des flatteurs et des
flagorneurs sans scrupule, de s’incruster comme une maladie incurable, de
devenir une seconde nature qui imprègne tous vos comportements.
Elle emporte tout sur
son passage. Vous oubliez le peuple, vos promesses, votre haine de la finance,
votre engagement à gauche. Vous ne savez plus ce qu’on appelle le code du
travail. Vous n’avez plus aucun souvenir de ce que sont les travailleurs, la
grève, les mouvements sociaux. Vous êtes dans l’incapacité absolue de retrouver
le chemin de la raison. La bêtise vous a tourneboulé les neurones, les fastes
du pouvoir et l’idéologie de la résignation, version PS, ont fait le reste.
Vous êtes devenu une enclume.
Et on tapera dessus autant de fois que nécessaire jusqu’à ce
que l’enclume retrouve enfin un brin de lucidité…
Jean-Marie Philibert.