Possible et
nécessaire
Les propos les plus justes, les messages les plus
convaincants, les leçons de la vraie vie
ne viennent pas toujours de là où on devrait les entendre et les attendre.
Des « responsables » politiques, économiques ou
autres, tout confits de leur légitimité qu’ils considèrent comme inébranlable,
nous assènent souvent avec la plus haute autorité des « vérités »
qu’ils exposent comme incontournables et imparables. Les outils modernes de
communication font le nécessaire pour nous remplir le crâne de ce qu’il serait grand temps de considérer comme un
immense foutage de gueule. Ecouter par exemple tout ce qui se dit sur le thème
de la réforme, la réforme remède miracle
à toutes nos difficultés, il faut réformer le code du travail, les
retraites, la sécurité sociale, les collèges, l’état, l’impôt, et tout baignera
enfin dans un monde idyllique. Il faut gagner moins, travailler plus, fermer sa
gueule et penser peu, peu, peu. Si vous ne partagez pas cette foi aveugle dans
le catéchisme social-libéral, vous serez voué aux gémonies, vous deviendrez le
renégat, le paria d’un monde qui n’a pas besoin de mécréant. L’état d’urgence
aidant, on vous enverra quelques CRS, nouveaux messagers de la vérité
officielle, vous taper sur la tronche pour que l’idéologie dominante vous
rentre bien dans la tête. De Sarkozy à Hollande, nous avons eu droit à tous les
spécimens de donneurs de leçons, convaincus qu’ils sont seuls dans le vrai.
Pas là où
ils le disent
Et nous avons résisté, et nous avons douté, et nous avons
hésité, et nous avons insisté, et nous nous sommes rassemblés, et nous avons
manifesté, crié, et nous nous sommes engagés. Et les choses donnent un peu le
sentiment que ça bouge, que la vraie vie n’est pas là où ils le disent. Elle
n’est pas dans l’abnégation devant les idoles dorées, elle n’est pas plus dans
l’acceptation du moins pire pour éviter le plus pire. Elle est à la fois dans
nos portefeuilles maigrichons et dans nos consciences riches d’espoirs, pour
nous, mais aussi et peut-être surtout pour les générations qui suivent. Basta
l’avenir plombé.
La vraie vie, elle est dans la volonté forcenée d’aller au
bout de nos questions, de nos ambitions, de notre besoin d’affirmer haut et
fort ce que nous voulons.
Et ces derniers jours, l’actualité, mais aussi le hasard,
m’ont confronté à des formes, à des mots, qui l’évoquent. Et j’ai envie de vous
les faire partager. Ce sont des artistes qui nous parlent.
La parole
des artistes
Commençons par la plus surprenante, il s’agit de la
« vraie vie » selon Antoni Tàpies, peintre catalan, de renommée
internationale, décédé en 2012, à l’âge de 88 ans. Il a sa fondation à
Barcelone et il a souvent exposé ses œuvres dans le département. Actuellement
le musée des Abattoirs à Toulouse organise une rétrospective qui retrace son
parcours, depuis les débuts de son œuvre, engagée contre le franquisme,
jusqu’aux grands « tableaux » de la maturité. Je mets tableaux entre
guillemets parce que nous sommes aux
antipodes du tableau tel qu’il peut être admis et attendu, nous sommes dans le
tableau recouvert de sable, retourné, déchiré, nous sommes dans les chiffons,
nous sommes dans les signes élémentaires, dans les rares dessins improbables
qui nous interrogent sur le sens de la création, sur la part de négation, de
rejet de l’académisme, de vérité toute faite qu’il y a au fond de toute
recherche créative. Sur la démonstration vivante et concrète qu’il n’y a pas de
vérité vraie sans invention absolue. Sans concession à l’ordre dominant. C’est
ce que je retiens de la confrontation avec ses œuvres.
Le cinéma,
la vie…
Le deuxième exemple vient d’un autre vieux monsieur, bien
vivant, il traite du cinéma, mais il fait du cinéma pour nous parler de la vie.
Il a obtenu la palme d’or au festival de Cannes pour son film « Moi,
Daniel Blake ». Il est britannique, il s’appelle Ken Loach. La force et la
vérité de son message balaient tous les artifices. Le destin de son personnage
menuisier de 59 ans contraint d’arrêter de travailler après une crise cardiaque
lui fait dire : « Le monde
dans lequel nous vivons se trouve dans une situation dangereuse… Les idées que nous appelons néolibérales risquent de
nous amener à la catastrophe…. Ce sont les gens les plus vulnérables qui ont le
plus souffert… et on leur dit que s’ils sont pauvres c’est de leur faute… Il
faut dire qu’un autre monde est possible et même nécessaire »
La vraie vie est aux antipodes de l’ordre dominant.
Jean-Marie Philibert.
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