Humeur,
cinéma et optimisme
L’avalanche électorale : primaires à droite, puis à
gauche ( enfin tout près de la droite), puis turbulences et turpitudes
multiples et variées, avant un premier tour fait de surprises et de déconvenues
prévisibles (Mélenchon commençant sa mue en matamore) , enfin un second tour où
pour éviter le pire on vote un peu moins pire. Et depuis l’un peu moins pire se
prend pour le roi au Louvre, pense que si on a choisi sa pomme, il le doit à
son génie, sa grandeur, sa précocité, sa lucidité. Il nous la joue grand homme
avec l’aide des caméras complaisantes et des cireurs de pompes qui semblent
avoir trouvé leur nouvel icône. Je suis certain qu’il faudra revenir à ce
feuilleton, mais accordons-nous un répit auprès de l’humanité vraie.
Paradoxalement je l’ai rencontré au cinéma : les images ne sont pas
toujours trompeuses.
A voix haute La force
de la parole
Passe sur les écrans un documentaire de Stéphane De Freitas,
intitulé A VOIX HAUTE LA FORCE DE LA PAROLE : c’est un vrai moment de
bonheur et de vérité qui mérite notre détour.
Depuis 2013 a lieu chaque année le concours
« Eloquentia » qui désigne, parmi les étudiants de l’Université de
Saint-Denis qui s’y préparent, « le meilleur orateur du 93 ». Le film
de Stéphane De Freitas suit une cohorte d’étudiants, issus de tous les cursus
qui s’y préparent, qui s’y affrontent accompagnés par des professionnels
(avocats, slameurs, comédiens…). Is leur enseignent le difficile exercice de la
prise de parole en public, les enjeux personnels, sociaux, politiques de l’exercice, sa dimension
rhétorique bien sûr, mais aussi, et peut-être avant tout, le défi psychologique
que représente l’ambition de se révéler, en même temps, aux autres et à
soi-même. De dévoiler la riche part d’humanité dont ils sont porteurs. Il y
aura un vainqueur dont nous partagerons la joie exubérante et digne, mais
l’émulation, la complicité, la solidarité, la détermination qui les animent les
amènent tous à se dépasser et provoquent chez le spectateur une empathie qui va
croissant avec le suspens bien construit que le réalisateur instaure pour nous
faire vivre le verdict.
Un regard
métamorphosé
Après un tel documentaire le regard porté sur la banlieue,
comme sur l’immigration, est métamorphosé : c’est de la vraie vie, même si
elle n’est pas rose tous les jours. Les échappées sur les familles de plusieurs
protagonistes ne cachent rien de leurs difficultés sociales. Nous sommes aux
antipodes des discours médiatiques habituels. Bien loin du catastrophisme ou de
l’angélisme. Avec des jeunes qui savent que leur lutte pour la vie passe par la
force de la parole et qui ont décidé de relever le défi. Il est heureux que
l’université, le service public, des formateurs
aguerris les accompagnent.
Le réalisateur a nourri le film de sa propre
expérience : il grandit en Seine-Saint-denis au cœur d’une famille
portugaise, avant de quitter le 9-3 pour les beaux quartiers de Paris où il
mesura le handicap d’une maîtrise insuffisante du langage, d’où son rôle dans
le cadre associatif pour créer ce concours d’éloquence.
Je me permettrais d’ajouter qu’il y a là, pour tous ceux que
concerne l’enseignement de la langue, enseignants et enseignés quelques
fondements à méditer : l’oralité est primordiale, parler s’apprend, le droit à la parole est la
force de la démocratie.
Allez au cinéma prendre une dose d‘optimisme. Dans ces temps
compliqués, cela fait du bien.
Jean-Marie Philibert.
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