Avec les peuples et nos cousins
N’est-ce
pas un peu imprudemment que je me suis engagé à parler de la Catalogne ?
Certes ils en parlent tous, les grands esprits, les petits, les qui se moquent,
les qui admirent, les qui donnent des leçons, les qui savent qu’il ne sortira
rien de bon d’une situation compliquée et quelque peu inextricable. Je crains
qu’il y ait plus d’attente que prévu ! Mais comme je n’ai aucune
disposition à faire l’autruche, comme je sais
que tout engagement véritable impose de garder les yeux ouverts, comme
je perçois dans l’affaire des valeurs en jeu de démocratie, de liberté, de
justice, de solidarité qui ne cessent de me concerner (on ne se refait
pas !), je prends la plume catalane pour dire ma pensée.
Un souvenir
Partons
d’un souvenir : lors d’une manifestation parisienne organisée par un
syndicat cher à mon cœur, la délégation des P.O était toute fière d’arborer une
banderole sang et or et d’affirmer ainsi un peu de sa catalanité. Mal nous en a
pris, il y avait les ignares qui nous prenaient pour des supporters de l’équipe
de Lens, mais plus grave à de multiples reprises au cours de la manifestation
nous nous sommes faits copieusement
engueuler par des camarades qui
n’admettaient pas l’expression d’une identité, on va dire
« particulière », dans une
manifestation « nationale ». C’était il y a quelques lustres… mais
les incompréhensions demeurent.
Et
à écouter les « éminents spécialistes » évoquer la question catalane
dans cette dernière période, je me dis que leur capacité à analyser, comprendre
et faire comprendre ce qui se passe en Catalogne, la(les) question(s)
nationale(s), celles de l’identité, de la démocratie, de la liberté, est restée
quasi nulle.
Etre ce que nous sommes
Question
centrale : a-t-on le droit d’être ce que nous sommes ? Ailleurs, ici,
à côté, tout près : le poids de l’histoire ! Du milieu ! De la
géographie ! De la langue entendue, lue, enfouie ! Des
ancêtres ! Des exils et des pérégrinations ! Des violences, des
luttes, des bonheurs, des malheurs, des angoisses ; des espoirs, des
rêves, des rencontres, des amours, de l’atmosphère, de la terre, de son odeur.
De papa-maman…
Ma
réponse est IN-DIS-CU-TA-BLE-MENT OUIIIIIIII ! Et l’expérience historique
nous rappelle que les peuples, même dans les pires des souffrances, ne cessent
d’agir pour être entendus. Souvent ils y parviennent. Reste à savoir ce qu’est
un peuple, certainement plus qu’une identité. Reste à trouver la-les forme(s)
apte(s) à permettre l’expression de cette identité. Et là du côté de Barcelone,
il y a visiblement problème ; l’accent progressivement, mais très
sûrement, et exclusivement, a été mis sur la seule notion d’indépendance. A en
faire la seule issue possible à une crise qui n’est pas que nationale, on a pu
laisser croire, et c’est souvent le cas en politique, que la magie des mots
ouvrirait une voie royale à un avenir radieux en gommant la complexité sociale
et économique.
Pour ne plus patauger dans
la paella
Le
jour où j’écris ce billet d’humeur pourrait être une illustration parfaite du piège du mot
indépendance, puisque c’est le jour de l’ultimatum fixé par Rajoy à Puigdemont
pour savoir s’il a bien dit indépendance. S’il l’a dit AIE! AIE !
AIE !! S’il ne l’a pas dit, les indépendantistes catalans vont attraper la
migraine. Nous allons patauger encore dans la paella !
Et
tous ceux qui n’ont pas que le mot indépendance à la bouche ont du mal à se
faire entendre : la seule issue possible impose de prendre en compte la
globalité des réalités. Divisions sociales,
souffrances sociales, exploitation, aspiration au progrès, répartition des richesses, avancées
démocratiques à mettre en œuvre, république à véritablement et durablement
fonder pour sortir définitivement du franquisme. Ne sont-ce pas là les
fondements à mettre en commun, en Catalogne, comme ailleurs ? Une mise en
commun populaire au sens très plein du terme et avec tous les pluriels
nécessaires. Elle devrait se nourrir des mobilisations de masse à l’œuvre. Un
(petit ? grand ?) coup de luttes des classes pour réveiller les
peuples !
L’Europe
qui s’est tant bien que mal, et plus mal que bien, construite a tourné le dos à
ces exigences. Son incapacité à dire quoi ce soit sur la Catalogne en est un
signe manifeste. A nous de lui rappeler qu’elle ne peut, ne doit se construire
qu’avec les peuples.
Nous
vivons une moment d’histoire partagée où grâce au courage, à la mobilisation de
nos cousins du sud nous (re)découvrons le besoin des femmes et des hommes de construire leur destin, certes avec
difficulté, avec le souci de la paix à
construire, du dialogue à instaurer, j’ajouterai du pluralisme à renforcer.
Merci cousins !
Jean-Marie
Philibert.
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