les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 30 octobre 2017

L'histoire


L’histoire en train de se faire



Etre ou ne pas être dans le bain de l’histoire : il est des moments où le sentiment dominant est qu’il ne se passe rien, rien de notable, rien d’essentiel, le monde tourne cahin-caha, le temps s’égrène, sans aspérité, si ce n’est la monotonie de la quotidienneté. En clair, on s’emmerde un peu. Il nous faut les dérivatifs habituels : l’Usap, la pêche, les courses au supermarché, et la télé bien sûr. L’histoire est souvent aux abonnés absents. C’est un peu le temps hors du temps, mais si on y réfléchit bien, c’est bien souvent le temps le plus fréquent. Les événements du monde ne nous touchent que subrepticement, par ricochet, par écran interposé, C’est le repli sur l’intime, sur la proximité immédiate, sur l’égoïsme assumé.

Les fracas du monde

Et puis il peut arriver sans que l’on sache très bien pourquoi que les fracas du monde s’invitent dans votre quotidien, sollicitent votre attention, votre intérêt, votre désapprobation, votre révolte, votre adhésion. Quand vous en faites le bilan, vous vous rendez compte qu’ils sont rares, qu’ils sont divers, qu’ils ne sont pas nécessairement heureux, mais vous savez qu’à cette occasion vous vous êtes senti concerné parce que vous avez eu le sentiment d’être à côté-dans-avec l’histoire en train de se faire. Vous vous souvenez alors de votre pépé vous racontant sa guerre de 14, de l’histoire de votre mère, infirmière militaire en 39/40 et prise dans les affres de la débâcle avec une flopée de blessés et tentant d’échapper à l’avancée de l’armée allemande.

Et puis vous remontez le temps, vous êtes, vous, dans le film !

L’expérience de l’histoire

Vous vous rappelez qu’enfant ou adolescent, la fin de la guerre d’Algérie a amené à Perpignan un flot de troubles, parfois violents, qui touchaient votre quotidien, vous gardez le souvenir de cars de CRS quadrillant la ville. Parmi les milliers de rapatriés qui ont changé la ville au début des années 60 certains sont restés dans vos mémoires, et sont même restés vos copains. Vous avez vu la stature du Général de gaulle traversant la Place de la Loge au milieu d’une liesse que vous ne compreniez qu’à moitié. Vous gardez des images très inquiétantes de vos premiers passages de la frontière espagnole et des mines patibulaires de la guardia civil.  Il vous revient même en mémoire que le virus de la grève vous ayant déjà piqué, au moment de Charonne, vous avez, avec les petits camarades de votre classe  de première, fait grève sans trop savoir pourquoi : vous vous êtes pris une avoinée.

Agir … modestement

A l’âge adulte vous avez mieux pris conscience de ce qui se jouait dans ces moments d’histoire, en 68 avec une conscience diffuse, la suite est plus claire, plus engagée. Mitterrand, à Toulouse en 1974, l’espoir d’en finir avec le gaullisme, les grandes manifestations régionales unitaires (viticulteurs et salariés), la fièvre mitigée de la victoire de la gauche unie (?) en 81, des ministres communistes, des manifestations laïques pour nationaliser l’enseignement privé (un flop !), la lente érosion des espoirs et les inlassables batailles syndicales, avec des moments où on a le sentiment de toucher à l’essentiel, de titiller ce qui pourrait sembler une victoire. 89, pour les enseignants, la revalo, 94 la Loi Falloux renvoyée aux oubliettes par un million de manifestants. Un an plus tard,  Le plan Juppé, idem, à l’issue d’une grève dure qui dura. En 2000 les écoles révoltées contre un ministre frapadingue du nom d’Allègre, renvoyé au vestiaire ! Ce sont là des moments de mon histoire où le local s’élargit à une conscience collective d’un réel sur lequel on a comme l’impression d’agir…modestement certes, mais agir quand même, avec un cortège d’inquiétudes, de migraines, d’engueulades (non, de débats).

Il s’agit chaque fois de moments où le terrain social, politique (et personnel) vibre, s’échauffe, germe de nos espoirs, de nos ambitions, de nos craintes sans que sur le moment on comprenne l’exactitude de ce qui se passe.

Avec comme un pressentiment celui de construire du nouveau : nos camarades, nos amis, de l’autre côté des Pyrénées vivent sans aucun doute quelque chose qui ressemble à cela. Ils le vivent avec la rue pour paysage. Avec incertitude et enthousiasme. Avec inquiétude et espoir. Avec la soif du rassemblement et de la démocratie. Avec l’aspiration à écrire eux-mêmes leur histoire.

Jean-Marie Philibert

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