les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 23 octobre 2017

le chef de la rue ?


Le chef de la rue ?

Etre le chef de la rue : un vieux rêve qui remonte à l’enfance. A une époque où la rue était le terrain de jeu favori, celui de la rencontre, des moments de détente, des loisirs, de la respiration sociale avant que les bagnoles ne les rendent invivables et que la petite lucarne renferme chacun chez soi pour offrir un spectacle du monde certes plus large, mais frelaté, La rue vivait.

Elle vit encore quand des milliers de manifestants l’envahissent pour crier leur révolte et leurs espoirs. Ce qui ne plait pas du tout aux puissants du jour qui se sentent obligés de rappeler vertement que la rue ne fait pas la loi ! Il n’empêche, je reste persuadé qu’elle y contribue. Et c’est, pour cette raison, qu’on voit y poindre le nez de tous ceux qui ont envie d’être le chef de la rue… Comme, quand enfant nous nous foutions quelques dérouillées pour être le chef de notre rue.

Occuper la rue

La compétition bat son plein, entre ceux qui, façon Macron, n’aiment la rue qu’à condition qu’elle serve leur culte, qui l’occupent avec leurs affidés, accompagnés de cars de CRS pour éloigner les gêneurs, ceux qui depuis qu’ils existent ont compris que la rue et les luttes qui s’y expriment  sont à la vie syndicale ce que le sang est à l’organisme, qu’il ne sort rien de très bon des salons où l’on ne fait que causer, et enfin tous ceux qui rêvent d’être chefs de quelque chose, qui sont à la recherche de troupes, qui ne connaissent la rue que depuis peu de temps, mais qui sont des spécialistes de la philosophie des YAKA-FOCON, genre MELUCHE PREMIER, qui ambitionne des Champs Elysées  envahis d’un million de manifestants pour renvoyer Macron et sa loi travail dans les cordes.

Pas à la hauteur

Pour lui, le mouvement social n’est pas à la hauteur de ses rêves les plus fous, les leaders syndicaux manquent de visions communes, nous allons perdre, lance-t-il à ceux qui continuent la lutte, à ceux qui ont rassemblé toutes les fédérations de la fonction publique le 10 Octobre, à ceux auxquels il reproche de n’être que des rouages d’un vieux monde…

Ces propos abrupts, très réducteurs, sont totalement incongrus pour ceux qui ont l’expérience, même modeste, de la rue. Ils sont plus révélateurs de l’hypertrophie du personnage que de sa connaissance du mouvement social. Ils offrent cependant l’occasion d’aborder une question complexe que soulèvent les luttes sociales : le rapport au politique.

A personne ? A tous ?

La rue n’est à personne, ou à tous, en particulier à ceux qui l’occupent, le plus souvent très pacifiquement, regroupés, revendiquant avec des messages clairs en direction des pouvoirs publics ou économiques. Elle est le peuple rassemblé qui peut ainsi dire sa colère, ses espoirs, son besoin d’en finir avec toutes les galères. Figurez-vous qu’elle est même inscrite dans la constitution ! Les régimes autoritaires n’ont eu de cesse de vouloir interdire ces rassemblements, bien sûr, séditieux : c’est dire qu’ils sont le signe, et même un peu plus, la réalité tangible de notre liberté. C’est un bien précieux dont les organisations syndicales ont raison d’user et d’abuser parce qu’ils sont porteurs de nos intérêts matériels et moraux, souvent mis à mal dans les politiques en œuvre. lls travaillent ainsi, et nous avec, au progrès social.
Il leur appartient d’en définir les visées, les formes, les alliances, démocratiquement, en toute indépendance, avec leurs mandants (le travailleur syndiqué) qui sont seuls juges.

Je sais très bien que le passé, mais aussi le présent, pourraient contredire ces propos, qu’ils sont nombreux à imaginer un syndicalisme aux ordres, que même le syndicalisme se plaint parfois de la distance qui le sépare du politique, que des tentations existent. Mais je crains que dans ces temps d’incertitude, de bouleversement du monde du travail, d’exclusion massive de pans entiers de la population, toute dérive des « organisations ouvrières », c’est un mot qu’il faudrait remettre à l’honneur, vers des intérêts qui ne seraient pas ouvriers soit mortifère pour le monde du travail.

N’en déplaise à ceux qui se voient un avenir de chefs de rue.

La rue, comme la terre,  doit être à ceux qui la « travaillent ». Il ne peut en sortir que des récoltes futures. Encore un coup de la lutte des classes. Relisez Germinal !

Jean-Marie Philibert.

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