Les
souschiens et les non-souchiens
Il a encore frappé… Ne croyez pas que ce soit pour éclairer
les esprits ou exprimer un tout petit peu de sollicitude pour une frange de la population
en souffrance. Il n’est pas là pour ça. Il est là pour nous montrer que du haut
de sa suffisance pontifiante, il y a ceux qui comprennent le monde, ses
arcanes, sa complexité et tous les autres … couillons, dont nous sommes,
qui ont quand même la chance de l’écouter, lui, à qui tous les micros sont
ouverts et qui peut y dire n’importe quoi.
Lui, vous avez compris, c’est Alain Finkielkraut, « grand » philosophe devant
l’éternel, et qui bien sûr, devant donner son avis sur tout, s’est répandu en disant
à propos de l’hommage populaire à Johnny que les « non-souchiens » y
étaient absents, et que ce fut essentiellement le rassemblement du « petit
peuple blanc ». Il ne s’agit pas de revenir sur un cérémonial dont chacun
est libre de penser ce qu’il veut, mais qui, souvent comme tout cérémonial, a
du sens. Et bien sûr tout à ses fantasmes, Finkielkraut lui donne un sens
raciste. Il aime tant fricoter avec la droite et la droite extrême. C’est ce
racisme que je veux interroger parce qu’il gangrène notre société, la
conduit dans l’impasse, rend impossible toute possibilité de transformations
sociales. C’est sans doute pour cela que les réactionnaires de tous poils s’y
précipitent.
La souche est un absolu
Le racisme se nourrit à deux mamelles, l’absolu de la souche
et la phobie de l’altérité. Pas d’avenir si vous n’êtes pas souchiens, si vous
n’avez pas vos racines plongées dans la terre de vos ancêtres, qui eux-mêmes en
sont nés, progressivement purifiés par une atmosphère à nulle autre pareille,
puisque c’est la vôtre, qu’elle vous est inaliénable, qu’elle vous résume, vous
et les vôtres, qui vous rapprochent de ceux qui se sont enracinés tout près de
vous. Si de plus la souche est de couleur blanche, s’imagine bénie des dieux,
et héritière d’une histoire pluriséculaire, vous êtes au top, vous pouvez
mépriser le monde et ses bariolages dont
il faut vous protéger, parce que là est le mal.
L’altérité,
c’est le mal
Le mal, c’est l’altérité, celui-celle qui n’est pas comme
nous, dont la souche est ailleurs, dans un monde hostile et inconnu où la
civilisation ne peut être que primitive, l’éducation, inexistante, les mœurs,
sulfureuses. Certes ils peuvent être vaillants et utiles, ils se débrouillent
très bien avec les marteaux piqueurs, ils ne rechignent jamais devant les
tâches ingrates. Mais fondamentalement ils ne sont pas comme nous. Aller les
voir chez eux, de loin, en faisant du tourisme, pourquoi pas ? Mais vivre
à côté d’eux ici, envoyer nos enfants à l’école que fréquentent leurs enfants,
non, ce n’est pas possible ! Nos souches sont incompatibles et le
resteront.
La vérité
botanique
C’est sans doute, ce que pense l’académicien. Et oui !
Il va faire la sieste aux séances de l’académie française : ça ne l’empêche pas
de dire des bêtises. La preuve par la botanique !
Il s’avère que grâce aux mystères de la botanique, les
racines n’obéissent pas à un déterminisme absolu et que toutes les souches ne
soient pas conçues avec les lourdes bornes que Finkielkraut juge indépassables.
Les graines poussent un peu où elles veulent et comme elles le veulent.
L’univers plombé de celui que Bourdieu qualifiait de
« sous-philosophe » n’est qu’une construction mentale d’un autre âge
qui a peur que les femmes, les hommes se rassemblent avec leurs différences et
avec toutes leurs couleurs pour construire un monde neuf.
La vie, comme le monde et ceux qui le peuplent, ne peut être qu’arc-en-ciel. N’en déplaise à
Finkielkraut.
Jean-Marie Philibert
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