La
calanque, la villa, le monde, la vie.
Voguer au gré de ses humeurs… un plaisir… et quand ces
humeurs sont destinées aux lecteurs du TC, c’est un plaisir partagé, même si la
palette des sentiments qui les animent n’a pas toujours des couleurs
euphoriques. L’époque n’est pas à se taper sur le ventre ; elle exige
lucidité et exigence pour ne pas verser dans un nihilisme qui enchanterait les
adeptes de la désespérance. Elle impose d’être aux aguets, de garder la
dialectique en bandoulière, de capter toutes les bouffées d’oxygène qui sont
les signes d’une vie qui continue.
De l’oxygène
Il ne viendra pas nécessairement que de la vraie vie, comme
on dit, mais aussi des salles obscures où des cinéastes, des acteurs-et-trices
(c’est mon écriture inclusive) répondent à notre besoin d’écouter des
histoires. Le dernier film de Robert Guediguian, La Villa, est une mine
d’oxygène : il est depuis la semaine dernière sur les écrans. Il serait dommage
de ne pas s’en servir pour prendre une dose d’optimisme, même si apparemment le
sujet pourrait donner le sentiment de ne pas tout à fait s’y prêter.
En effet : sur la terrasse d’une maison dominant la
calanque de Méjean à Marseille un vieil homme contemple la mer. La main
tremble. Il s’effondre, terrassé par une attaque. L’histoire commence :
ses enfants se retrouvent, après de longues années de séparation, à son chevet.
Angèle (Ariane Ascaride) a peur de retrouver vingt ans après le lieu d’un drame
familial qu’elle a voulu gommer. Joseph (Jean-Pierre Daroussin),
« jeune » retraité sans illusion et, bien sombre malgré la jeunesse
de sa compagne, semble accepter un
avenir plombé, seul Armand (Gérard Meylan) resté dans la calanque où il tient
le restaurant populaire ouvert par son père semble faire face… porté peut-être
par la magie d’un lieu à perpétuer envers et contre tout. Tout est dit en
quelques images.
Une tragédie finie
La tragédie n’a pas à commencer, elle est déjà écrite.
La mort a emporté accidentellement la
fillette d’Angèle, dont les souvenirs peuplent la villa, vingt ans plus tôt. Elle va emporter aussi le
couple de vieux amis, voisins de la villa, qui, devant la vie qui fuit,
préfèrent la mort ensemble et choisie à la sollicitude d’un fils aimant. La
présence récurrente de forces de police à la recherche de réfugiés introuvables
est comme le signe que quelque chose d’autre peut arriver, mais qui n’arrive
pas.
La sympathique passion dévorante d’un jeune marin pécheur,
amoureux depuis l’enfance d’une Angèle actrice admirée qui lui a fait découvrir
le théâtre permet à l’amour de faire de la résistance.
Ils sont au bord de l’abîme, mais ne font pas le pas de
trop. Ils revivent l’exubérance de leur jeunesse dans la citation d’une œuvre
précédente de Guediguian, images séduisantes d’une joie définitivement enfuie.
Ils restent tous droits, dignes, humains. Ils font face !
Et pourtant
Et pourtant de trois jeunes enfants (une fille et deux
garçons là aussi), réfugiés venus d’ailleurs, découverts par hasard cachés dans
les rochers de la calanque va venir le signe inespéré. Je ne veux pas vous en
dire plus. La scène finale résume tout le propos et la beauté du film. Cette fin est un début ! La
calanque peut aussi donner la vie, dans l’ouverture aux autres, dans la
solidarité. Ils sont l’image d’un monde qui n’a pas fini de nous étonner par sa
capacité à se régénérer au moment où on s’y attend le moins. Le cinéma peut
nous donner des leçons de vie qui font du bien.
Jean-Marie Philibert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire