Un
peu…beaucoup…
En cette froide journée de décembre où le sentiment diffus
d’avoir perdu un être cher s’est emparé de nombreux français de tout âge les
Champs Elysées connaissent ce dont Mélenchon a rêvé, un méga rassemblement
pétaradant populaire et surprenant pour accompagner un disparu, mais ce n’est
pas le code du travail, c’est pour être jusqu’au bout du bout avec Johnny dans
une sorte de catharsis pour se préparer à se séparer de ce que l’on a aimé et
pouvoir faire en sorte que la vie continue sans lui, qui nous accompagne depuis
des décennies.
Il a animé
nos vies
Je me suis interrogé sur la manière d’aborder l’événement. Ce
que j’en pense importe peu et risquerait d’être à contre-courant. Mes
compétences dans le domaine musical étant réduites à zéro, il était exclu que
je puisse dire quoi que ce soit d’intéressant sur l’apport du chanteur, si ce
n’est répéter ce que d’autres ont dit. Certes il a animé nos surprises parties
comme on disait alors : il a posé les fondements d’une vie rock-and-roll,
il a joué à l’Elvis Presley hexagonal, il a été une bête de scène, et très vite
il est apparu comme le dessus de panier des chanteurs de son acabit. Et puis il
a tant duré qu’il est passé avec allégresse d’une génération à un autre, il
était l’idole des parents, il est devenu celui des enfants, aujourd’hui celui
des grands parents… jusqu’aux obsèques quasi nationales.
Une soif de
nouveauté
Cette relation avec un public, et au-delà avec un peuple est
surprenante, rare. Je pense qu’il est le produit d’une époque, d’un temps qu’on
a appelé les trente glorieuses, issu d’une guerre qui fut une ignominie pendant
laquelle la vie, plutôt mal que bien, a continué. L’enfance pour ceux qui ont
été comme lui les précurseurs des baby-boomers dans les années cinquante fut
une période d’autant plus difficile que les modèles anciens restaient très
prégnants de conformisme et que dans le même temps la soif de nouveauté, de
modernité, d’ouverture, de liberté frappait à la porte.
Il va dans ces premiers succès montrer la voie à suivre pour
l’étancher, timidement d’abord, puis la vague rock and roll aidant, il
bousculera les bornes jusqu’à se rouler par terre sur scène, et autres
joyeusetés du même tonneau. Vous n’y pensez pas ! Il a osé !
Complicité
Et il va continuer à oser, à s’embarquer sur toutes les
nouveautés que les temps d’alors vont proposer à une jeunesse exubérante que le
gaullisme vieillissant ne parviendra pas à étouffer. Il restera dans le
spectaculaire, le médiatique, le people, le showbiz… nourrira les modes, les
exprimera avec flamboyance et un goût pas toujours très sûr. Mais
qu’importe ! Il vit intensément, s’enrichit, parle de lui, de nous, nous
accompagne, nous entraîne. Il a les mots simples et pas toujours justes pour
dire les choses. Comme nous ! On s’en amuse … Une complicité est née qui
ne cessera.
Une constante, qui a sans doute du sens : la distance
prise avec le politique qui dérange, comme si la vraie vie n’était que
spectacle, que rassemblement festif, que
rencontre par-delà les différences, les âges, les générations, les clivages
sociaux. Et ça marche !
Le destin
D’autant mieux que la revanche à prendre sur un destin
contraire reste une marque de fabrique qu’il assume : il permet à la plus
grande partie de son public de sublimer ainsi la médiocrité d’un destin pas
toujours folichon, et de partager, fût-ce symboliquement, une part de ses débordements, débordements
d’amour et de vie.
Ce qui s’est exprimé dans les rues de Paris ce samedi tient
de cette rencontre intime entre le destin singulier et extraordinaire d’un
chanteur hors norme (pour lequel chacun peut garder l’appréciation qu’il
souhaite) et des milliers et des milliers de gens qui se sont reconnus, qui se
sont projetés, qui se sont identifiés avec une icône dont ils avaient le
sentiment qu’elle leur ressemblait un peu… beaucoup… passionnément…
Jean-Marie Philibert.
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