les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 19 décembre 2017

La Bourse et l'histoire


La Bourse dans son histoire et dans l’histoire

Dans un article précédent « La bourse et la vie », nous avons mis l’accent sur  les conséquences négatives de la disparition de la Bourse du travail, Place Rigaud, pour cause de bibliothèque universitaire à implanter. La presse locale est revenue sur cette information en interrogeant des responsables CGT. Le TC  a cherché à en savoir plus, à revenir sur l’histoire,  la valeur, l’intérêt du bâtiment et de son maintien en centre ville. Nous avons interrogé l’historien André Balent.



André, que sais-tu de l’histoire  du bâtiment ?

C'est la municipalité de Louis Caulas, maire radical, qui a décidé la construction du bâtiment de la place Rigaud destiné à la Bourse du Travail oeuvre de Léon Baille, architecte de ma ville. Ils furent inaugurés le 31 mai 1903.

La Bourse du travail de Perpignan fut créée grâce à une première subvention de la municipalité de Perpignan aux syndicats de la ville (2000 fr. le 24 avril 1893 des locaux municipaux chauffés et éclairés ; 3000 fr. le 10 novembre 1893). La Bourse du Travail de Perpignan ouvrit le 1e février 1894 dans les locaux "provisoires" de l'ancienne école professionnelle de la place Rigaud (inauguration 17 mars). À cette date parut le n° de La Bourse du Travail, mensuel, remplacé en janvier 1911 par L'Action syndicale un autre mensuel qui parut jusqu'en 1940.

 La construction fut financée par des municipalités radicales qui craignaient que les syndicats n'échappent à son influence (ce qui advint). Il a été conçu d'emblée pour abriter les syndicats ouvriers. Plus d'un siècle, donc, de présence syndicale. Lieu de mémoire du mouvement social et syndical.

Peux-tu nous parler de son intérêt architectural ?

Il est de premier ordre. Léon Baille (1862-1951) a été, entre autres architecte de la ville de Perpignan pour laquelle, il réalisa de nombreux édifices :  certains emblématiques comme l’hôpital Saint-Jean de Perpignan dont le fameux « anneau », récemment démoli ; l’ancienne école primaire supérieure, aujourd’hui collège Jean-Moulin (avec un remarquable portail d’entrée sculpté œuvre de Gustave Violet, un des grands artistes (nord) catalans de la première moitié du XXe siècle) ; l’annexe de l’ancien collège de garçons devenue l’annexe de de l’ancienne école des Beaux-Arts ; la Bourse du Travail. Il travailla comme architecte libéral pour des particuliers : des maisons à Perpignan et surtout, l’Hôtel du Belvédère du Rayon Vert, mondialement connu, à Cerbère. Il a tâté à divers styles, de l’éclectisme à tendance historiciste, jusqu’au modernisme, devenant un des pionniers dans l’utilisation du béton pour des édifices destinés à abriter des activités humaines. La Bourse du Travail est une réussite en ce sens que, de style d’inspiration classique, elle a une allure monumentale tout en étant implantée en un lieu exigu. Ce qui montre le talent de l’architecte qui a su s’adapter à des contraintes spatiales sévères. On considère que Baille a été un architecte de très grand talent.

Au-delà des murs, des formes de la bâtisse, peux-tu évoquer son intérêt patrimonial ?

Il est aussi de premier ordre. Il est lié à toute l’histoire du mouvement ouvrier et social à Perpignan depuis la fin du XIXe et jusqu’au début du XXIe. Il faut préserver cette mémoire en l’affichant dans le cœur de la cité. D’ailleurs, le bâtiment a été construit pour ça . Accessoirement : pour donner un temple à la communauté réformée de Perpignan (nous sommes avant la loi de Séparation de 1905) : il est donc aussi lié à la mémoire du protestantisme à Perpignan. C’est le plus vieux bâtiment de l’Église réformée de France dans la ville.

Qu’ont représenté les Bourses du Travail ?

Pour la France, elles représentent un moment capital dans la construction du mouvement ouvrier qui renaît de ses cendres après la Commune. Les Bourses naissent sous l’impulsion de Fernand Pelloutier (1867-1901). Il est devenu le secrétaire de la fédération des Bourses du Travail (1895), préalable à la constitution de la CGT la même année. Les Bourses permettent : le placement des travailleurs ; l’organisation des syndicats (sièges d’UD et d’UL) ; elles sont aussi des lieux d’éducation ouvrière (réunions, bibliothèques ; mise en place des Assurances sociales en 1930 avec la fondation par les syndicats de la caisse Le Travail). À Perpignan : siège des syndicats de la CGT et de la CFTC (après 1919, pour cette dernière ; localement très minoritaire). Dans l’entre deux guerres, (1922-1935), la CGTU s’y est implantée. Avec la scission de 1948, FO et la FEN en sont parties ; En 1964, la déconfessionnalisation de la CFTC entraîna la création de la CFDT et le départ des lieux de la CFTC maintenue. De 1940 à 1944 : siège des syndicats vichystes  dirigés par d’anciens de la CGT (tendance « confédérée) dissoute.

Sont passés par la Place Rigaud tous les mouvements sociaux, peux-tu rafraichir notre mémoire ?

Toutes les grandes grèves et mouvements sociaux d’importance locale, régionale ou générale depuis le début du XXe siècle.

1904 ; grande drève des Agricoles ; 1920 , grève des cheminots ; 1934, : antifascisme et grève du 12hec) ; février : grèves de juin 1936 ; grève générale du 30 novembre 1938 (échec) ; soutien à l’Espagne 1936-1939, organisation de l’accueil des enfants espagnols ; grèves de 1947 ; de 1953 (cheminots, et , localement des Agricoles) ; mineurs en 1962-63 ; mai 1968 ; accueil de travailleurs immigrés dans les années 1970 ; mouvement social de décembre 1995 , etc ...



Ton sentiment sur le projet en cours ?



Il faut lutter pour conserver en l’état ce bâtiment qui présente un intérêt architectural remarquable. Il faut lui conserver son affectation première ; et faire en sorte que dans ce quartier central ne disparaisse pas le souvenir de la mémoire du mouvement syndical et des luttes sociales. Ce dernier enjeu est capital.

Propos d’André Balent, recueillis par JMP

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