les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 22 janvier 2018

50 ans et toutes ses dents


50 ans et toutes ses dents



C’est le cinquantenaire, compte tenu de mon avancée en âge, le centenaire, il n’est pas sûr que je puisse le fêter, alors n’attendons pas plus longtemps, dès ce début janvier, certes avec quelques semaines d’avance, allons-y gaiement, avec toute la nostalgie nécessaire, commémorons MAI 68 !

Vanitas vanitatum

Ce sera chose faite, on n’aura plus à y revenir. Tous les réacs en tous genres pourront disserter en long en large et en travers sur ce qui fut un des derniers moments de trouille gigantesque pour les possédants, sur ce qui se passe quand l’imagination prend  un peu le pouvoir, sur la convergence de l’action syndicale, sociale, culturelle, politique quand elle sort des cadres préétablis. Ils auront pratiquement toute l’année pour nous expliquer que VANITAS VANTATUM tout n’est que vanité, y compris Mai 68, qu’il fallait être bien naïf pour y croire. Et que les grands prêtres  des barricades reconvertis dans la souplesse d’échine, dans les petits fours et dans tous les visages de la réaction ont eu raison de le faire… au moins pour leurs portefeuilles et pour leur gloriole. A quoi bon rester fidèle à ses idéaux de jeunesse, tout le monde a le droit de devenir un vieux con !

Comprendre Mai 68 ne peut pas faire l’impasse sur une dimension essentielle : la référence incontournable à la jeunesse, à la jeunesse du monde.

La vraie vie

Et charité bien ordonnée commençant par moi-même, partons de ma jeunesse, à moi-même bien sûr… L’humeur c’est toujours un peu personnel… 68, la fin des études universitaires, brillantes certes, mais sinueuses, les premiers contacts avec la vie professionnelle, mes premiers élèves, les fondements d’une famille et vue rétrospectivement une insouciance généralisée. Comme dit ma maman « Tu n’en as pas beaucoup dans le ciboulot ! Sois un homme, mon fils ! » Et 68 représente pour moi, un contact sans doute salutaire avec la vie sociale, politique, avec les soubresauts du monde, avec la vraie vie, quoi !

Mais le paradoxe de ce contact tient à ce qu’il s’opère dans une société où la jeunesse subit la sclérose d’années de pouvoirs gaullistes, où le poids des idéologies rétrogrades et moralistes semble condamner les issues, où sur tous les continents la révolte, la soif de liberté, de démocratie grondent, où, référence à un article prémonitoire, « la France s’ennuie ».

Cette jeunesse a envahi les amphis, la démocratisation des enseignements supérieurs a commencé ses « dégâts », la révolte des étudiants va parachever la fin d’un monde où le désordre dominant est contesté, où le rôle d’héritiers bien-pensants d’une bourgeoisie en mal de repères ne fait plus recette. L’aspiration à être entendus sera décuplée par la sottise du pouvoir et de ses charges policières.

Les luttes

Depuis des mois, le monde du travail bruit de luttes multiformes. Le feu couve, et sans que l’on comprenne exactement pourquoi, même 50 ans après, les petites étincelles  deviennent un grand incendie : le mouvement voit se rejoindre dans la grève les étudiants et le monde ouvrier, non pas sur la base d’un ralliement, mais sur le besoin d’en finir avec la souffrance sociale, de sortir d’un ras-le-bol généralisé. En effet les inégalités sociales restent fortes, la croissance soutenue n’a pas eu pour effet de les lisser (vous savez qui tire toujours les marrons du feu).  Il y a 5 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, 8 millions qui vivent avec l’équivalent de 700 euro par mois (Ludivine Bantigny, historienne).

L’utopie ?

Les morts (quoi qu’ait dit et fait le préfet « humaniste » Grimaud), la répression, toutes les provinces en branle, les centrales syndicales dans l’unité, la surdité du patronat font prendre au mouvement une ampleur difficile à imaginer aujourd’hui, jusqu’à une paralysie du pays dans une grève générale où apparaissent des  voies nouvelles vers l’autogestion, le contrôle ouvrier, on veut se parler, décider ensemble. On veut vivre l’utopie. Les cultureux sont dans l’action, ou dans l’inaction plutôt. Le gouvernement, le patronat, négocient : les accords de Grenelle acceptent  d’un coup 10 %  d‘augmentation de salaire, une semaine supplémentaire de congés payés, une véritable reconnaissance syndicale…

Cela va sans doute paraître riquiqui à ceux qui rêvent de « jouir sans entrave », mais le syndicalisme est essentiellement pragmatique, et heureusement…

 Nous vivons encore des acquis de 68. Bien loin des bonimenteurs officiels qui se contorsionnent pour nous détourner des combats de l’histoire.

Ce sont ces deux visages de conquêtes ouvrières soudaines et considérables et d’unité des luttes sociales progressistes qu’il me semble important de mettre en avant dans cette commémoration qui débute. Ces deux visages avec toutes leurs dents ! Des visages vivants !

Jean-Marie Philibert.








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