C’est
magique !
Pendant des décennies vous avez enseigné à des jeunes d’un
peu tous les milieux le français : vous avez eu largement le temps de
mesurer les difficultés du métier, les obstacles que vous rencontriez, la très
grande richesse des adolescents qui vous entourez. Vous avez ressenti
l’évolution de la relation pédagogique qui était étroitement dépendante de
l’évolution des jeunes et des contextes sociaux dans lesquels ils étaient engagés à conquérir leur
autonomie. Vous avez très vite compris que la crise sociale dans laquelle nous
étions embarqués allait compliquer leur vie, leur avenir et vous rendre la
tâche plus ardue. Mais un certain sens de votre engagement vous a incité à poursuivre la tâche, à
maintenir votre niveau d’exigence, à ne jamais céder à quelque forme que ce
soit de renoncement, même ténu, même partiel.
Vous ne vous êtes pas laissé prendre au chant des
sirènes des ministres successifs qui
trouvaient qu’il fallait vous moderniser, vous adapter et en rabattre sur vos
ambitions… d’un autre âge.
Vous rendre
la vie difficile
Ils ont pourtant tout fait pour vous rendre la vie plus
difficile : ils vous ont confié plus d’élèves dans des classes plus
lourdes, dans les collèges ou lycées souvent pléthoriques. Ils ont tenté de
mettre l’institution au pas en imaginant de petits chefs dociles … pour
enseignants indociles. Ce travail n’a séduit que quelques hurluberlus en mal de
promotion.
Parce que vous étiez les fauteurs de trouble, ceux qui
empêchaient la réussite du plus grand nombre, ceux qui bloquaient la
démocratisation de l’école, ceux qui ne savaient pas suffisamment dialoguer
avec les parents, parce que vous étiez corporatistes, fonctionnaires et même
parfois, horreur !, syndicalistes, tous les pouvoirs politiques, y compris
ceux pour lesquels vous aviez voté ont voulu vous faire la leçon, vous mettre
au pas, décider pour vous de presque tout, en multipliant les directives en
tous genres qui ne servent à rien… Avec un résultat très mitigé ! Vous
êtes parvenus à préserver des pans entiers de l’institution au point d’en avoir
protégé le niveau d’exigence et de la garder comme maillon encore tangible de
la construction du lien social, y compris dans des zones où il se tend
dangereusement.
Les
manœuvres vazelinesques
Vous avez eu parfois l’illusion que vous n’étiez pas loin de
vous faire comprendre, que certains ministres pouvaient revenir sur les projets
les plus nocifs… Vous avez fait l’expérience qu’il ne s’agissait encore une
fois que d’une manœuvre vazelinesque : vous cajoler pour… sois correct,
Jean-Marie.
Eh bien ! Encore une bonne nouvelle, avec Macron, avec
Blanquer et leur premier ministre transparent, ça continue comme avant. On vous
zen…tourloupe ! Quelques mesures
qui ne coûtent rien pour revenir sur les bêtises de l’équipe de branques
précédente, du redéploiement de quelques postes pour faire croire que l’on va
enfin s’attaquer aux difficultés dans les CP des zones difficiles. Avec
l’espoir d’endormir la vigilance et puis l’attaque frontale : elle a deux
visages, la préparation de la prochaine rentrée avec une nouvelle et massive
chasse aux postes (nous aurons l’occasion d’en reparler) et surtout l’arme
absolue contre toutes les difficultés que vous avez rencontrées, que vous
rencontrez, que vous rencontrerez, le Conseil
Scientifique.
La pierre
blanche
C’est un truc que le Ministre veut marquer d’une pierre
blanche, qui réunit de grands savants, spécialistes des sciences cognitives,
qui savent tout sur le cerveau, ses mécanismes, ses forces, ses faiblesses. Ils
en savent tellement qu’ils vont régler tous les problèmes, décider des
protocoles à suivre en classe, des manuels, de la formation des enseignants, du
traitement du « handicap, des inégalités », termes curieusement
rapprochés. Il travaillera, ouvrez vos oreilles, sur la « métacognition », Dehaene
dixit. C’est le chef de la bande, la coqueluche du Ministre…et un petit copain
de l’Institut Montaigne, officine de droite pour nous empapaouter profond.
Et voilà la messe est dite, l’avenir est à la science… ou au renouveau imparable de la pensée magique.
Et voilà la messe est dite, l’avenir est à la science… ou au renouveau imparable de la pensée magique.
Vous prenez alors conscience que vous avez été un couillon
pendant quarante ans ! Mais vous vous jurez de le rester.
Jean-Marie Philibert
Je suis d'accord avec quasiment la totalité du texte de Jean-Marie, comme lui et comme un grand nombre de ces collègues auxquels il s'adresse j'ai partagé la même foi en notre métier d'enseignant-éducateur et j'ai combattu, à ma manière, pour atténuer dans mes établissements d'
RépondreSupprimeraffectation les effets néfastes des décisions ministérielles et pour veiller à la sauvegarde autant que faire se pouvait des pratiques éprouvées. Aussi, bien qu'actuellement retraité, mais concerné par la période qu' analyse Jean-Marie- il parle de 40 ans - je ne peux souscrire sans d'importantes réserves au passage suivant "en imaginant de petits chefs dociles … pour enseignants indociles. Ce travail n’a séduit que quelques hurluberlus en mal de promotion". J'ai été personnel de direction de collège pendant 30 ans et je ne me suis jamais considéré comme justiciable d'une telle qualification et j'ose avancer que les collègues enseignants avec lesquels j'ai essayé de faire vivre au mieux notre établissement guidés par le seul intérêt majeur de nos élèves et non par la perspective d'une quelconque promotion ou par crainte d'une administration académique ne m'ont jamais assimilé à ces hurluberlus aux ordres et carriéristes.
Je pense que d'autres collègues partageraient ce sentiment d'injustice devant des propos brillants certes et incisifs à l'image de leur auteur mais certainement très outranciers de par la généralisation qu'il énoncent.
Rémi Bélet
Je suis d'accord avec quasiment la totalité du texte de Jean-Marie, comme lui et comme un grand nombre de ces collègues auxquels il s'adresse j'ai partagé la même foi en notre métier d'enseignant-éducateur et j'ai combattu, à ma manière, pour atténuer dans mes établissements d'
RépondreSupprimeraffectation les effets néfastes des décisions ministérielles et pour veiller à la sauvegarde autant que faire se pouvait des pratiques éprouvées. Aussi, bien qu'actuellement retraité, mais concerné par la période qu' analyse Jean-Marie- il parle de 40 ans - je ne peux souscrire sans d'importantes réserves au passage suivant "en imaginant de petits chefs dociles … pour enseignants indociles. Ce travail n’a séduit que quelques hurluberlus en mal de promotion". J'ai été personnel de direction de collège pendant 30 ans et je ne me suis jamais considéré comme justiciable d'une telle qualification et j'ose avancer que les collègues enseignants avec lesquels j'ai essayé de faire vivre au mieux notre établissement guidés par le seul intérêt majeur de nos élèves et non par la perspective d'une quelconque promotion ou par crainte d'une administration académique ne m'ont jamais assimilé à ces hurluberlus aux ordres et carriéristes.
Je pense que d'autres collègues partageraient ce sentiment d'injustice devant des propos brillants certes et incisifs à l'image de leur auteur mais certainement très outranciers de par la généralisation qu'il énoncent.
Rémi Bélet