La surdité
et son remède
Serait-ce une donnée génétique de tout gouvernement ? La
disparition lente, inexorable, d’un sens pourtant très utile à la vie en
commun, l’ouïe. Alors que des publicités
alléchantes n’arrêtent pas de tenter de vous convaincre que la surdité
due à l’âge a tout à fait enfin trouvé son maître (un petit appareil quasiment invisible qui vous permettra de
retrouver l’oreille de vos vingt ans), les gouvernements, eux, semblent être en
dehors de ce progrès et deviennent de plus en plus sourds à toute expression
d’une revendication sociale.
Tout avaler
Serait-ce le signe d’un vieillissement emblématique et inexorable
d’un système politique incapable de répondre aux besoins populaires ? Ne
parlons pas des gouvernements autoritaires, sourds par nature à tout ce qu’un peuple
peut dire, mais même dans les gouvernements dits démocratiques, la surdité est
de règle, comme si le fait de glisser un bulletin dans l’urne de temps à temps
signifiait votre capacité à avaler toutes les couleuvres, tous les
reniements, toutes les régressions
possibles et imaginables, bien sûr déguisés en réformes incontournables.
Je ne
reculerai pas
Dans le cas actuel l’argument est immédiat, péremptoire et
sans appel. Jupiter nous assène qu’il a été élu, qu’il a dit ce qu’il ferait (même
s’il fait bien au-delà de ce qu’il a dit), donc vos gueules les mouettes .
Obéissance à tous les étages : les députés bien sûr, les organisations
syndicales, les média, les français moyens, les fonctionnaires, les retraités,
les jeunes, les vieux. Il rêve de soumettre cette valetaille sans idées à la
clairvoyance de son esprit nourri aux meilleures sources, celles de la banque,
de l’enseignement privé, de l’ENA et de l’ambition forcenée d’un napoléon aux
petits pieds. Vous pouvez hurler... je ne vous entends plus sur ma hauteur
olympienne. Je ne parle qu’aux les plus grands.
Je ne
reculerai pas
Il oublie un fondement de l’histoire politique et sociale qui
se vérifie incontournablement : l’arrogance des nantis pour avoir une
quelconque crédibilité se doit d’être proportionnelle à la souplesse d’échine
de la population non nantie. Et l’histoire nous apprend à longueur de pages
qu’ici, en France, la souplesse d’échine
n’a que peu d’adeptes... Il oublie que dans la lignée des grands stratèges, il
n’a jamais suffi d’être droit dans ses bottes, il n’a jamais suffi d’être sûr
d’avoir raison, il n’a jamais suffis d’avoir le verbe haut, des courtisans en
vénération et une armée de CRS pour gouverner.
Dire et répéter à satiété : je ne reculerai pas, je ne
reculerai pas, je ne reculerai pas tient uniquement de la méthode Coué qui
consiste, expliquons le lui, à dire ce que l’on voudrait croire vrai et réel,
pour que le disant on le croit soi-même vrai et surtout on en persuade ceux qui
vous écoutent de façon à les obliger à fermer définitivement leurs gueules et à
prendre un mensonge pour une vérité. Le tour est joué. Je t’embrouille et j’ai
gagné.
Je ne
reculerai pas
Mais c’est oublier que le peuple dans sa grande sagesse et
dans sa longue expérience a su se trouver des armes incomparablement plus
puissantes que les tours de passe-passe d’un blanc bec des beaux quartiers. Il
prend le temps ! Il s‘organise. Il se rassemble. Il manifeste. Il secoue
le cocotier. IL avance avec sa joie de
vivre, son besoin de vivre, ses aspirations à la justice, à la solidarité, à la
démocratie. Il n’a pas des puissants à servir, des financiers à cajoler, des
riches à enrichir un peu plus. Sa seule contrainte, c’est son infinie liberté à
être le peuple divers et riche de ses espoirs, à y croire, y compris dans les
pires moments, à payer s’il le faut le prix pour cela.
Une fée
Il est accompagné, depuis la nuit des temps, d’une amie qui
ne l’abandonne pas et qui peut, sinon tout, au moins beaucoup, elle a pour nom
la fée obstination. Elle a vaincu plus d’une surdité.
Jean-Marie Philibert.
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