La séparation, le lien et la
sottise
La
conversation très savante entre madame Coucougne et madame Costeflouche
dissertant sur les pouvoirs de la télé dans mon dernier billet d’humeur m’a
valu des reproches ( immérités ? bien sûr) de féministes convaincues qui
trouvaient trop souvent centrée sur les femmes ma charge bien lourde sur la
connerie humaine. Je les prie de trouver ici l’expression de mes excuses les
plus plates. Je pense profondément que, dans un monde totalement inéquitable,
la sottise y a échappé et les hommes y ont eu, y ont, y auront toute leur part.
Moi, y compris : regardez ma dernière bourde. Pour regagner leur
confiance, je vais tenter de leur montrer que ma plume ne fait pas une fixette
sur la gent féminine.
Des hommes bien réels
Mesdames
Coucougne et Costeflouche étaient de braves femmes fictives, des victimes d’un
bourrage de crâne institutionnalisé et beaucoup d’hommes, fictifs ou pas, le
subissent avec la même innocence. Mais il y a bien pire dans la gent masculine,
il y a ceux bien réels qui le professent, l’organisent. Et ils sont souvent à
des postes clefs qui donnent à leurs propos des échos dangereux pour une
humanité que nous voudrions plus ouverte sur la voie du progrès. Y compris dans
les plus hauts sommets de la hiérarchie.
Ainsi
lundi dernier Emmanuel Macron en a professé un chapelet (c’est le cas de le
dire) devant la conférence des évêques qui l’avaient invité à s’exprimer devant
leur sainte assemblée.
Des arrière-pensées
D’abord
pourquoi une telle invitation inhabituelle ? Est-ce pour se faire
pardonner un silence coupable lors de la dernière présidentielle où
contrairement à des occasions précédentes ils n’avaient pas appelé clairement à
faire barrage à la candidate du Front National et à voter Macron ? Est-ce
pour tenter de contrecarrer la frange la plus réac des catholiques (Manif pour tous et tous ceux qui en
rajoutent) en réinsérant la hiérarchie de l’Eglise dans le jeu
politique ? Est-ce pour montrer
que, plus d’un siècle après la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les lois
laïques ne parviennent pas à faire en sorte que la France ne soit plus la fille
aînée de l’Eglise ? Des arrière-pensées en tous genres, ce n’est pas rare
chez ces gens-là. Et en tout cas le sentiment d’avoir réussi quelque chose, à
en croire le père Laurent Stalla-Bourdillon, l’aumônier des parlementaires (et
oui dans une république laïque les parlementaires ont besoin d’un
aumônier) : « J’ai bu du petit lait. Il tend une perche à
l’église… ».
Le spirituel…
Quant
aux préoccupations de la population devant les difficultés qui l’assaillent,
précarité, chômage, exclusion, inégalité, pouvoir d’achat en berne pour le plus
grand nombre, avenir plombé pour la jeunesse… il n’en fut pas question.
Problèmes mineurs devant la préoccupation centrale de Macron : la place du
spirituel dans le débat public.
« Nous
partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est
abîmé et qu’il importe à vous comme à moi de le réparer. » Devant une telle
couillonnade de Macron face aux évêques, le psittacisme des dames Coucougne et
Costeflouche c’est de la gnognote. Et je m’explique.
Macron
n’est-il pas le président d’un pays qui a voté il y a plus d’un siècle une loi
de séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Le fait de séparer ne
signifie-t-il pas que tout lien est coupé, que chacun vit sa vie,
indépendamment de l’autre ? Tenter de réparer ce qui n’existe plus
n’est-il pas le signe d’une altération du jugement ? Ou bien peut-être,
dans un moment de sérieuses difficultés politiques pour l’impétrant, une
tentative de brouiller un peu plus les pistes en recherchant une onction
épiscopale ? Et accessoirement, de s’asseoir sur un des fondements de
notre république, la laïcité ? De tourner et retourner à la droite
réactionnaire dont il devient de plus en plus le héraut têtu et arrogant ?
De
l’embrouillamini qui a du sens… imbécile, et qui mérite totalement le tweet du conseiller (PCF) de
Paris Ian Brossat : « abuser du vin de messe nuit gravement aux
capacités mentales… »
Jean-Marie
Philibert.
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