L’action
A mes camarades gilets jaunes
Une constante de l’action est le souci d’être efficace pour
déboucher sur des résultats d’autant plus nécessaires qu’il y a belle lurette
que les actions multiples et variées se sont cassé les dents sur les murs des
pouvoirs réactionnaires. Ces gens-là ne conçoivent le peuple qu’à genoux.
La deuxième constante incontournable est d’être unis et
rassemblés et pour cela d’exprimer le besoin d’être tous ensemble de telle
façon que chacun se reconnaisse dans le mouvement par-delà les différences.
La troisième et dernière c’est d’être déterminés à aller au
bout de l’aventure, jusqu’à satisfaction des revendications, comme on dit, et
de croire que ce schéma, résultats =unité=détermination, est imparable, que la
victoire est au bout du chemin.
Des
comportements à interroger
Dans le mouvement des gilets jaunes en cours, ces constantes
opèrent une nouvelle fois et génèrent des comportements à interroger.
Ce qui ne disqualifie
en rien les revendications qui s’y expriment : injustice sociale,
précarité, exclusion, pouvoir d’achat massacré… Elles ont la force du réel et
leur pertinence ne se discute pas.
Mais l’observation du mouvement en cours dont je voudrais le
plus ardemment possible qu’il débouche sur des résultats concrets qui
améliorent la situation de ceux qui souffrent me conduit à tenter de réfléchir
à la meilleure façon d’y parvenir. Réfléchir à partir d’une expérience de
syndicaliste qui en a connu des vertes et des pas mûres depuis près de 50 ans.
Pas nécessairement que des défaites.
Pour des
résultats qui comptent
Je crains que la volonté des gilets jaunes de s’arcbouter sur
les principes de base énoncés plus haut pour s’y limiter, pour se convaincre
qu’ils suffiront à faire reculer un adversaire pas nécessairement bien
identifié est une impasse. Une fois passé, quel que soit son âge, un
enthousiasme juvénile à descendre dans la rue, à se parer de symboles de la
révolte, à vivre un moment fort où on exprime ce que l’on n’accepte plus,
l’incertitude demeure sur ce qu’il va advenir, sur les résultats. Et il n’y a
que les résultats qui comptent.
D’autant que de façon totalement paradoxale, alors que le
mouvement pose des questions politiques majeures, comme celle de la répartition
des richesses, celle des moyens de vivre décemment, celles des inégalités
sociales, celle des droits, dans les slogans avancés, comme dans les
comportements, le rejet du politique et du syndical est affirmé avec véhémence,
comme pour se donner l’illusion que s’isoler du politique est la première des
garanties. Ce n’est pas parce que les politiques, de droite, du centre et même
de la social-démocratie ont mis le peuple en pénitence qu’il faut tourner le
dos à toutes formes d’action syndicale et politique.
Pas une
seule avancée qui n’ait été syndicale et politique
Comme pour ne pas voir qu’il n’y a pas eu une seule avancée
sociale dans ce pays qui n’ait été le fruit d’une action syndicale et
politique. Sans syndicat, pas de droit aux vacances, pas de code du travail,
pas de sécu, pas de retraite, pas de smic, pas de droit de s’organiser et de se
défendre dans les entreprises et les services. Et je ne dis pas tout.
Certes parmi les politiques, ils sont assez nombreux à ne pas
aimer tout ça, à tenter de le remettre en cause ; mais il y en a d’autres,
à gauche-toute quasi exclusivement, qui les défendent ? Certes parmi les
syndicats il y a des mous et des durs, c’est notre affaire à tous. Mais chaque
fois que l’on s’est attaqué à eux, ce ne fut que pour s’attaquer au peuple, à
la démocratie et à nos libertés.
Alors quand des éléments du peuple semblent redécouvrir
l’action sociale, il est totalement illusoire qu’ils croient pouvoir le faire
sans rechercher l’union la plus large, y
compris, disons les choses à l’ancienne,
avec les outils syndicaux et politiques que la classe ouvrière, le monde
du travail, se sont donnés.
Parce que, mes camarades gilets jaunes, j’ai cru comprendre
que c’est de ce monde-là que vous parlez.
Jean-Marie Philibert.
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