L’amour du beau
Tous les psychologues vous le diront, il y a là une donnée
forte pour tous ceux qui ne sont pas satisfaits de la médiocrité du quotidien,
pour tous ceux qui ont des exigences esthétiques fortes, pour tous ceux qui ne
peuvent pas vivre sans la beauté : ils sont en souffrance dès qu’ils ne peuvent
plus satisfaire leurs yeux du spectacle de la beauté, des œuvres des plus
grands artistes, de la fréquentation des lieux qui les exposent, donc des
musées. Or, confinement oblige, la pandémie a fermé tous les lieux de culture
où la beauté se donne en spectacle, où les peintres et sculpteurs en fixent les
formes pour la plus grande joie des esthètes. La fermeture des musées est, pour
eux, une catastrophe nationale, que dis-je internationale, aussi insupportable,
si ce n’est plus, que les milliers de
malades, de victimes du corona. La plupart d’entre eux assument un manque dont
ils ne savent pas jusqu’à quand il va durer, il y a les livres, les
reproductions, les œuvres produites par les artistes dans ces jours douloureux.
L’art reste présent dans nos vies même si nous ne pouvons pas côtoyer, de visu,
au quotidien la palette de Léonard de Vinci, d’Edouard Degas, de Raoul Dufy.
Elles sont inscrites dans notre imaginaire. La rationalité nous incite à nous
en satisfaire.
Prêts à tout
Et puis il y a ceux qui ne peuvent pas, qui n’en peuvent
plus, qui sont au bord de la rupture, qui ont besoin de voir au plus près,
quasiment de plonger dans le tableau qui s’offre à eux pour passer de l’autre
côté du miroir, pour se nourrir de leur richesse, de leur complexité. Et pour
ça ils seraient prêts à tout, y compris à faire des bêtises, à transgresser les
règles de la plus élémentaire prudence, à ne plus respecter les engagements qui
fondent leur action.
Si vous avez suivi depuis le début, vous avez compris que
Louis Aliot, Maire de Perpignan, est de cette race d’esthètes qui ont la beauté
tellement chevillée au corps qu’elle leur fait faire des bêtises. « Le
Musée Rigaud fermé depuis tant de temps, des chefs d’œuvre en souffrance, des
esthètes en manque... ça ne peut plus durer ! j’ouvre ! »et il a
ré-ouvert le musée... Jusqu’à ce que la justice administrative le lui fasse re-fermer.
J’ose à peine imaginer les affres de la souffrance qui doit être la sienne
après n’avoir eu que quelques heures pour contempler des œuvres qui lui
manquaient tant.
Un homme qui aime autant les musées, les œuvres, les
artistes, et qui prend des risques pour cela, ne peut pas être mauvais. Ils ne
sont pas nombreux ceux qui auraient osé. D’autant qu’en homme politique averti
( ?), il savait ce qu’il peut en
coûter à un premier magistrat de la ville de ne pas respecter une loi qu’il est
chargé d’appliquer : peut-être la porte. Ce ne serait pas scandaleux.
Mais, mais....
Si l’esthète n’en était pas un, si l’intrusion dans le musée
Rigaud était du même ordre que l’occupation illicite par la ville de l’ancien
café de la Cigale, si nous étions dans la politique spectacle où il importe
avant tout de faire le buzz pour faire parler de soi, si c’était là un moyen de
cacher le vide d’une politique qui tourne le dos aux besoins sociaux des
Perpignanais auxquels on n’a rien d’autre à proposer qu’un recrutement massif
de policiers municipaux.
Apparaître pour ce que l’on n’est pas, c’est une pratique
aussi ancienne que la droite extrême, qui s’est toujours assis sans aucune
retenue sur l’amour du peuple, le souci de son avenir, la justice sociale, la
démocratie, le refus de tout racisme et de toute ségrégation pour développer
une idéologie violente, inégalitaire et mensongère...
Mensongère comme l’amour du beau d’Aliot.
Jean-Marie Philibert.
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