PRADES FOR
EVER
Il était, au cœur de la vallée de la Têt, à l’endroit où le
fleuve impétueux venus des Pyrénées commence à quitter les pentes encaissées
qui l’enserrent pour ralentir son débit et prendre le temps de contempler le
massif du Canigou qui domine de toute sa
majesté tellurique le Conflent et le Roussillon, il était donc là, une
tranquille sous-préfecture qui avait connu quelques heures de gloire, mais qui
s’endormait lentement, sûrement, progressivement, inexorablement, dans un
train-train quotidien.
Prades du
passé au présent
Prades avait connu une circulation fébrile quand la nationale
traversait la cité. Prades avait accueilli Pablo Casals qui ne voulait plus
voir l’Espagne, mais qui voulait par-delà les montagnes en sentir l’odeur.
Prades était devenu un lieu de résistance de la catalanité. Mais Prades s’était
mis hors du temps dans une vie paisible que rien ne semblait vouloir troubler.
Pas même la venue d’un énarque (de droite), copain de Sarkozy, haut placé, pour
prendre les rênes d’une cité qui était habituée à des gestions sans
histoire : il était d’ailleurs en partie naturalisé catalan, par alliance,
à cause de la conflentoise qu’il avait épousée. La bonhomie du personnage, son
phrasé gersois (donc presque d’ici), son
art de se faire oublier (en particulier par la droite locale qui n’appréciait
que modérément son pedigree national et l’ombre qu’il pouvait lui faire) avait
fait le reste. Prades et Castex ne faisaient plus qu’un.
Prime
minister
Quand au cœur d’une pandémie qui a bouleversé nos vies, qui
les bouleverse encore, une nouvelle est tombée, qui a mis le Conflent en émoi,
qui a fait converger tous les regards sur la sous-préfecture Macron désigne Castex comme « prime
minister ». Jeannot doit partir à Matignon avec femme et enfants, doit
laisser la mairie à son adjoint qui tremble devant l’ampleur de la tâche et le
poids d’une succession à assurer. Les projecteurs médiatiques font le reste et
finissent de tournebouler les consciences locales qui s’étaient endormies, loin
des affaires du monde.
Le Monde à
Prades
Un tremblement de terre ! Qui n’en finit pas de produire
ses effets. Le Magazine du MONDE du13 février y consacre de longues pages nourries du pittoresque
local, avec un brin de condescendance amusée, et une légère propension à la
caricature, sous le titre PRADES SON PREMIER MINISTRE ET SES COMPLOTISTES. A
lire nos prestigieuses consoeurs, en dépit du Prime Minister la ville serait
devenue un repère de complotistes, toutes tendances confondues, et tous âges
mêlés. Le marché serait le lieu d’un happening régulier où une défiance
généralisée s’est installée qui peut aller jusqu’à nier les réalités de la
pandémie. « On nous manipule, on est
en train de faire de nous des moutons … ». La dénonciation de la
dictature sanitaire conduit à mettre
l’accent sur la dérive autoritaire du gouvernement. Ça ne s’arrête pas là
« Et si le confinement visait à
instaurer le gouvernement mondial », tous les allumés du coin sont
appelés à la rescousse, via internet… Et bien sûr dans ce monde-là, on ne peut
être qu’anti-masque, remettre en cause l’autorité médicale et surtout rejeter
l’étiquette de complotiste, bien sûr !
Suivent quelques lignes pour aborder le trouble des aficionados
de Castex qui regrettent de ne plus être écoutés et le constat amer du
successeur du Maire « Aujourd’hui,
c’est chacun pour soi, le retour à l’individualisme, les gens n’ont plus
d’espoir, ni de respect pour rien »
Et le tour est joué. La caricature est devenue la réalité,
Prades le Far West, les Pradéens apparaissent un peu perchés, la richesse de
notre territoire, sa diversité, ses luttes quotidiennes, à la trappe !
C’était sans doute une leçon de journalisme comme le Monde
sait en donner, au détriment d’un réel qu’il est si facile de dénaturer pour
jeter le trouble sur un moment difficile. Ça fait vendre sans doute ! Ce
journalisme-là n’est pas le nôtre qui reste amoureux de sa terre. Prades for
ever. Comme on dit chez nous et ailleurs !
Jean-Marie Philibert
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